- le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a dénaturé les faits qui lui étaient soumis en relevant que le département de la Gironde n'a été saisi d'aucune demande d'hébergement au bénéfice de Mme B...et de sa fille ;
- il a commis une erreur de droit en ne relevant pas, d'une part, la carence du département dans l'accomplissement de ses obligations et, d'autre part, l'existence d'une compétence obligatoire du département quant à la prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans au titre de l'aide sociale à l'enfance ;
- c'est à tort qu'il a considéré qu'alors même que le département est compétent, il revenait aux autorités de l'Etat de proposer une solution d'hébergement à MmeB... ;
- aucune carence de l'Etat dans la mise en oeuvre du droit à l'hébergement d'urgence ne peut être retenue dès lors que le dispositif d'hébergement dont dispose l'Etat en Gironde est saturé ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la ministre des solidarités et de la santé et le département de la Gironde et, d'autre part, Mme B...;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 juillet 2019 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de la ministre des solidarités et de la santé ;
- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Il résulte de l'instruction que MmeB..., de nationalité marocaine, est mère d'une fille âgée de douze mois et enceinte de sept mois. Privée d'hébergement et nécessitant un soutien matériel et psychologique, celle-ci a sollicité le département afin qu'il lui soit indiqué un lieu d'hébergement et a obtenu un accord de principe pour un accueil en foyer parental, lequel n'a pas été mis en place. Par une requête enregistrée le 17 juin 2019, Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte, de lui indiquer un lieu d'hébergement susceptible de l'accueillir avec sa fille, dans un délai de vingt-quatre heures. Par une ordonnance n° 1902970 du 20 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a enjoint au préfet de la Gironde d'indiquer à Mme B...et à sa fille un lieu d'hébergement d'urgence susceptible de l'accueillir avec son enfant dans un délai de quarante-huit heures. La ministre des solidarités et de la santé relève appel de cette ordonnance.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique (...) aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social (...) / 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / (...) / 5° (...) organiser le recueil et la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3, des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, et participer à leur protection (...) ". Aux termes de l'article L. 222-1 du même code : " (...) les prestations d'aide sociale à l'enfance mentionnées au présent chapitre sont accordées par décision du président du conseil départemental du département où la demande est présentée. ". Aux termes de l'article L. 222-5 de ce code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile. (...) ". Enfin, il résulte de l'article L. 221-2 de ce code que le département doit notamment disposer de " possibilités d'accueil d'urgence " ainsi que de " structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants " et de son article L. 222-3 que les prestations d'aide sociale à l'enfance peuvent prendre la forme du versement d'aides financières.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 ". Aux termes de l'article L. 345-1 du même code : " Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2 de ce code : " Dans chaque département est mis en place, sous l'autorité du représentant de l'Etat, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré d'accueil et d'orientation, dans les conditions définies par la convention conclue avec le représentant de l'Etat dans le département prévue à l'article L. 345-2-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-2 du même code : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ".
5. S'il résulte de ces dispositions que sont en principe à la charge de l'Etat les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des personnes qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, ainsi que l'hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, il en résulte également que la prise en charge, qui inclut l'hébergement, le cas échéant en urgence, des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, incombe au département en vertu de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles. Si toute personne peut s'adresser au service intégré d'accueil et d'orientation prévu par l'article L. 345-2 du même code et si l'Etat ne pourrait légalement refuser à ces femmes un hébergement d'urgence au seul motif qu'il incombe en principe au département d'assurer leur prise en charge, l'intervention de l'Etat ne revêt qu'un caractère supplétif, dans l'hypothèse où le département n'aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent et ne fait d'ailleurs pas obstacle à ce que puisse être recherchée la responsabilité du département en cas de carence avérée et prolongée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des solidarités et de la santé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, considéré que Mme B...n'avait pas sollicité le département en vue d'obtenir un hébergement d'urgence et, d'autre part, enjoint au préfet de la Gironde d'indiquer à Mme B...un hébergement d'urgence pour elle et sa fille dans les quarante-huit heures suivant la notification de son ordonnance.
7. Il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat d'examiner, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, les conclusions présentées par Mme B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux.
8. Si l'article L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'attribution d'une prestation d'aide sociale à l'enfance " est précédée d'une évaluation de la situation prenant en compte l'état du mineur, la situation de la famille et les aides auxquelles elle peut faire appel dans son environnement ", ces dispositions ne s'opposent pas à ce que le service de l'aide sociale à l'enfance réalise en urgence des actions de protection nécessaires à l'égard des personnes qu'il doit prendre en charge, ainsi que le prévoit le 3° de l'article L. 221-1 du même code cité au point 3.
9. Il résulte de l'instruction qu'il n'est pas contesté que MmeB..., qui est, ainsi qu'il a été dit, mère isolée d'un enfant de moins de trois ans et enceinte de sept mois, a besoin d'un soutien matériel et psychologique du fait notamment qu'elle est devenue sans domicile. Le département, saisi d'une demande d'hébergement, n'a pas donné suite à l'accord de principe transmis à Mme B... pour un accueil en foyer parental, sans qu'aucune décision expresse de refus ne lui ait été communiquée. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au département de la Gironde d'attribuer à Mme B...et sa fille un hébergement, au titre de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, la ministre des solidarités et de la santé s'étant engagée lors de l'audience du 10 juillet 2019 à continuer d'héberger Mme B...et sa fille jusqu'à ce qu'elles soient relogées par le département de la Gironde.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 20 juin 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au département de la Gironde d'attribuer à Mme B...et à sa fille un hébergement, au titre de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre des solidarités et de la santé, à Mme A...B...et au département de la Gironde.