1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, est remplie, dès lors qu'une décision prise par l'autorité administrative en application des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, porte, en principe et par elle-même, sauf circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne intéressée, de nature à établir une présomption d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, et que l'urgence est bien caractérisée en l'espèce ;
- la décision attaquée porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ainsi qu'à son droit de mener une vie privée et familiale normale ;
- les conditions nécessaires au renouvellement d'une mesure de contrôle et de surveillance au-delà d'une durée de six mois ne sont pas remplies, en l'absence de tout élément nouveau ou complémentaire depuis la mesure initiale ;
- son comportement ne constitue plus une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, que les conditions requises par les articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure sont remplies et qu'il n'y a pas d'atteinte disproportionnée à une liberté fondamentale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, M. A... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 janvier 2019 à 17 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;
- le représentant de M.A... ;
- M.A... ;
- les représentantes du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code :
" Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. /Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites (...). "
3. M.A..., jusqu'alors incarcéré en maison d'arrêt dans le cadre d'une mise en examen pour les faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme en récidive, a fait l'objet, par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 29 juin 2018, d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance d'une durée de trois mois à compter du 30 juin 2018, jour de sa libération. Cette mesure a été prolongée de trois mois par un arrêté du 20 septembre 2018. Par un arrêté du
24 décembre 2018, le ministre de l'intérieur a, de nouveau, prolongé de trois mois, à compter du 30 décembre 2018, cette mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, lui interdisant tout déplacement en dehors des limites de la commune de Mantes-la-Jolie, hors ceux résultant de l'obligation prévue par le contrôle judiciaire dont il fait l'objet, lui imposant de se présenter à la brigade territoriale autonome de gendarmerie de Limay une fois par jour, à
14 heures, y compris les dimanches, jours fériés et chômés, et de déclarer son lieu d'habitation dans un délai de vingt-quatre heures ainsi que tout changement de domicile. M. A...relève appel de l'ordonnance en date du 2 janvier 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension de l'arrêté du ministre.
Sur la condition d'urgence :
4. Eu égard à son objet et à ses effets, notamment aux restrictions apportées à la liberté d'aller et venir, une décision prise par l'autorité administrative en application des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, porte, en principe et par
elle-même, sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de cette personne, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, puisse prononcer dans de très brefs délais, si les autres conditions posées par cet article sont remplies, une mesure provisoire et conservatoire de sauvegarde. Si le ministre de l'intérieur, par un arrêté modificatif en date du 2 janvier 2019, a accepté de changer l'horaire de présentation quotidienne de M. A...à la gendarmerie et l'a autorisé à se déplacer en dehors du territoire de la commune de Mantes-la-Jolie pour rejoindre son lieu de travail situé dans la commune de Limay, afin de rendre la mesure de contrôle administratif et de surveillance compatible avec ses contraintes professionnelles, ces aménagements ne constituent pas des circonstances particulières de nature à remettre en cause, au cas d'espèce, l'existence d'une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés s'est fondé sur l'absence d'urgence pour rejeter sa demande.
Sur la condition tenant à l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
5. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure subordonne tout renouvellement d'une mesure individuelle de contrôle et de surveillance, au-delà d'une durée cumulée de six mois, à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires attestant que les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Le ministre de l'intérieur n'a fait état, ni dans les motifs de l'arrêté attaqué, ni au cours de l'instruction, de l'existence d'aucun élément survenu ou révélé postérieurement à l'intervention de son arrêté initial du 29 juin 2018 et susceptible de fonder le renouvellement d'une telle mesure. Contrairement à ce qu'il soutient, la décision du 14 septembre 2018 par laquelle le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la requête de M. A...tendant à la suspension de l'arrêté du 29 juin 2018, ne saurait être regardée comme un élément nouveau ou complémentaire au sens de l'article L. 228-2.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté litigieux, qui renouvelle au-delà d'une durée cumulée de six mois une mesure individuelle de contrôle et de surveillance sans qu'un tel renouvellement soit justifié par des éléments nouveaux ou complémentaires, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de M.A.... Il y a lieu, par suite, d'en suspendre l'exécution. Il suit de là que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a refusé de faire droit à sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 2 janvier 2019 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 24 décembre 2018 est suspendue.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.