Il soutient que :
- l'article premier de l'arrêté contesté est entaché d'incompétence en tant qu'il a inclus les prestations de recherche de pannes ou d'incidents dans le champ des prestations soumises à l'article L. 224-67 du code de la consommation, contrairement à ce dernier et à son décret d'application ;
- son article 4 porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à celle du commerce et de l'industrie en faisant obligation aux professionnels commercialisant des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles de disposer d'un local destiné aux prises de rendez-vous situé à l'endroit où le public accède à leur établissement ;
- son article 5 est entaché d'incompétence en tant qu'il impose à ces mêmes professionnels d'informer les consommateurs de la possibilité qu'ils ont de choisir des pièces de rechange issues de l'économie circulaire y compris lorsque sont en cause des prestations pour lesquelles l'article R. 224-23 du code de la consommation ne leur fait pas obligation de proposer de telles pièces ;
- son article 6, en imposant aux professionnels de présenter aux consommateurs toutes les pièces issues de l'économie circulaire susceptibles d'être utilisées pour remplacer une même pièce défectueuse, porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ;
- ce même article 6 est entaché d'erreur de droit en tant qu'il oblige les professionnels à accepter tous les choix des consommateurs en matière de pièces de rechange sans que, par ailleurs, l'obligation de résultat qui est la leur ait été supprimée ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'entrée en vigueur de l'arrêté contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des professionnels de l'automobile puisque, d'une part, il méconnaît leur liberté de gestion et d'entreprendre et, d'autre part, accroît lourdement leurs charges ;
- la suspension de l'arrêté ne portera aucune atteinte aux objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur, puisque les professionnels de l'automobile proposent d'ores et déjà des pièces de rechange issues de l'économie circulaire et que la loi n'impose nullement aux consommateurs d'opter pour ces dernières.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le conseil national des professions de l'automobile ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la consommation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le conseil national des professions de l'automobile et, d'autre part, le ministre de l'économie et des finances ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 avril 2019 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me A...et MeB..., avocats du conseil national des professions de l'automobile ;
- les représentants du ministre de l'économie et des finances ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. L'article L. 224-67 du code de la consommation dispose : " Tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves. /
Un décret en Conseil d'Etat établit la liste des catégories de pièces concernées et précise la définition des pièces issues de l'économie circulaire, au sens du présent article. Il définit également les conditions dans lesquelles le professionnel n'est pas tenu de proposer ces pièces du fait de leur indisponibilité ou d'autres motifs légitimes. / Les modalités d'information du consommateur sont arrêtées dans les conditions prévues à l'article L. 112-1. / En cas de litige, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations. ". Aux termes, par ailleurs, de l'article L. 112-1 du même code : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation. ".
3. L'arrêté du 8 octobre 2019 du ministre de l'économie et des finances relatif à l'information du consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l'économie circulaire dans le cadre de prestations d'entretien et de réparation des véhicules automobiles, dont le requérant demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution, a pour objet d'assurer l'application de ces textes, en fixant les obligations des professionnels de l'entretien et de la réparation automobile en matière d'information du consommateur sur le droit qu'il tient de l'article L. 224-67 du code de la consommation d'opter pour des pièces de rechange issues de l'économie circulaire, c'est-à-dire les composants et éléments qui sont commercialisés par les centres de traitement des véhicules hors d'usage agréés ou les composants et éléments remis en état conformément aux spécifications du fabricant.
Sur la condition tenant à l'urgence :
4. Il résulte des dispositions citées au point 1 que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. Il résulte de l'instruction que la mise en oeuvre des dispositions de l'arrêté dont la suspension est demandée, dont la méconnaissance éventuelle peut donner lieu à l'infliction de sanctions administratives, est susceptible d'aggraver notablement les charges et les contraintes de gestion des professionnels de la réparation et de l'entretien automobile, au nombre d'environ 40 000 selon les informations, non contredites, fournies par le requérant. Si, par ailleurs, le ministre de l'économie et des finances soutient, en défense, que cet arrêté est nécessaire à l'information des consommateurs pour l'application de l'article L. 224-67 du code de la consommation, il ressort de son article 8 que son entrée en vigueur intervient le 13 avril 2019, soit près de quatre ans après le vote de la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique dont est issu cet article, et plus de quinze mois après l'entrée en vigueur de son décret d'application. Le ministre n'est donc pas fondé à soutenir que l'application immédiate de l'arrêté serait indispensable.
6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence, prévue par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est, en l'espèce, remplie.
Sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'acte litigieux :
7. En premier lieu, aux termes de l'article premier de l'arrêté contesté " Pour l'application du présent arrêté, on entend par : / 1° " prestation d'entretien ou de réparation " : prestation de service d'entretien ou de réparation d'un véhicule automobile y compris les prestations de recherche de pannes ou d'incidents et la vente des pièces détachées et fournitures utilisées dans le cadre d'une opération d'entretien ou de réparation ; / (...) ". Or, les prestations de recherche de pannes et d'incidents ne constituent pas des opérations d'entretien ou de réparation, seules visées par les dispositions de l'article L. 224-67 du code de la consommation citées au point 2, et n'impliquent d'ailleurs, par elles-mêmes, la fourniture d'aucune pièce détachée par le professionnel. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article premier de l'arrêté critiqué ne pouvait légalement inclure ces prestations dans son champ d'application est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des mots " les prestations de recherche de pannes ou d'incidents et " qui figurent au sein de cet article.
8. En deuxième lieu, la première phrase de l'article 4 de l'arrêté attaqué dispose : " Au niveau de l'entrée du public où le professionnel propose des prises de
rendez-vous, un affichage clair, visible et lisible de l'extérieur, informe le consommateur de la possibilité d'opter pour l'utilisation de pièces issues de l'économie circulaire. ". Le requérant déduit de cette disposition qu'elle contraindrait les professionnels à réaménager leurs locaux, de façon à ce que le lieu de prise de rendez-vous soit placé immédiatement après l'entrée du public dans leur établissement. Toutefois, ce texte se borne, comme l'a confirmé expressément l'administration lors de l'audience, à régir l'emplacement du dispositif informant les consommateurs de leur possibilité de recourir aux pièces issues de l'économie circulaire, par exemple sous forme d'un panonceau explicatif, et prévoit son installation à l'entrée du bâtiment où est situé le lieu de prise de rendez-vous, où que soit ce dernier et qu'il se trouve, ou non, dans un local dédié, sans impliquer un quelconque réaménagement. En conséquence, le moyen tiré de ce que l'article 4 de l'arrêté méconnaîtrait la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cet article.
9. En troisième lieu, l'article 5 de l'arrêté attaqué dispose que " Avant que le consommateur ne donne son accord sur une offre de services, le professionnel recueille, sur support durable, son choix d'opter pour des pièces issues de l'économie circulaire. Une mention, claire et lisible, qui suit immédiatement la faculté de choix, précise que "leur fourniture est effectuée sous réserve de disponibilité, de l'indication par le professionnel du délai de disponibilité et de leur prix, et sous réserve de ne pas relever des exemptions de l'article R. 224-23 du code de la consommation". ". Selon ces dispositions, mention doit donc toujours être faite de l'existence de la possibilité d'opter pour des pièces de rechange issues de l'économie circulaire dans les documents que le professionnel soumet au consommateur, y compris dans les différents cas où ce professionnel n'est pas tenu de proposer ces pièces.
10. Aux termes de l'article R. 224-22 du code de la consommation : " Le professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de voitures particulières et de camionnettes définies à l'article R. 311-1 du code de la route permet au consommateur d'opter pour l'utilisation de pièces de rechange issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves dans les conditions prévues aux articles R. 224-23 à R. 224-25. " Aux termes de l'article R. 224-23 du même code : " Les dispositions de l'article R. 224-22 ne s'appliquent pas dans les cas suivants : / 1° Lorsque le véhicule fait l'objet de prestations d'entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d'actions de rappel conformément aux dispositions de l'article R. 321-14-1 du code de la route. / 2° Lorsque les pièces issues de l'économie circulaire ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d'immobilisation du véhicule qui est mentionné sur le document contractuel signé entre le professionnel et son client relatif à la nature des prestations d'entretien ou de réparation à réaliser. / 3° Lorsque le professionnel mentionné à l'article R. 224-22 estime que les pièces de rechange automobiles issues de l'économie circulaire sont susceptibles de présenter un risque important pour l'environnement, la santé publique ou la sécurité routière. ".
11. Il ressort des termes de l'article R. 224-23 du code de la consommation, qui prévoit trois hypothèses dans lesquelles le professionnel n'est pas tenu de permettre au consommateur d'opter pour des pièces issues de l'économie circulaire, que ce professionnel doit effectuer une recherche de pièces et, donc, recueillir l'option préalable de son client, dans la deuxième et la troisième de ces hypothèses, qui se réfèrent soit à l'indisponibilité des pièces soit au risque que leur utilisation présente. En revanche, aucune recherche de pièces issues de l'économie circulaire ni aucune option ne sont requises dans le cas des " prestations d'entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d'actions de rappel " mentionnées au 1° de cet article. En conséquence, le moyen tiré de ce que l'article 5 de l'arrêté attaqué, en soumettant sans aucune restriction l'ensemble des prestations d'entretien et de réparation à son application, sans exclure celles mentionnées au 1° de l'article R. 224-23 du code de la consommation, serait entaché d'erreur de droit est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cet article.
12. En dernier lieu, l'article 6 de l'arrêté attaqué dispose que : " Lorsque, après recherche, plusieurs pièces issues de l'économie circulaire peuvent être proposées pour remplacer une même pièce défectueuse, notamment lorsque le choix de l'une d'elles a des conséquences sur le délai de réparation, la possibilité de choisir entre les différentes pièces et options est présentée clairement au consommateur. Il précise son choix sur support durable pour chacune d'elles. / Si la prestation relève de l'article R. 224-23 du code de la consommation, le professionnel indique, dans les mêmes conditions, le motif légitime de son impossibilité de proposer une pièce issue de l'économie circulaire. ". Ces dispositions ne régissent ni la nature ni l'étendue de la recherche de pièces issues de l'économie circulaire à laquelle doivent procéder les professionnels, qui est fixée par les articles L. 224-67 et R. 224-23 du code de la consommation, mais se bornent à préciser quelle information doit être fournie au consommateur lorsque cette recherche a permis d'identifier plusieurs pièces pouvant remplacer une même pièce défectueuse. Se bornant à régir l'information donnée au consommateur, elles ne sont donc pas susceptibles d'être incompatibles avec l'obligation de résultat qui est celle des professionnels que représente le syndicat requérant, qui n'excipe pas de l'illégalité de l'article R. 224-23 du code de la consommation, et ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, la liberté du commerce et de l'industrie en leur prescrivant de présenter, dans certains cas, des options à ce même consommateur.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil national des professions de l'automobile est seulement fondé à demander la suspension de l'exécution des mots " les prestations de recherche de pannes ou d'incidents et " figurant à l'article premier de l'arrêté en litige et celle de son article 5 en tant qu'il s'applique aux prestations mentionnées au 1° de l'article R. 224-23 du code de la consommation.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Est suspendue l'exécution des dispositions suivantes de l'arrêté du 8 octobre 2018 du ministre de l'économie et des finances relatif à l'information du consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l'économie circulaire dans le cadre des prestations d'entretien et de réparation des véhicules automobiles :
- les mots " les prestations de recherche de pannes ou d'incidents et " figurant à l'article premier ;
- l'article 5 en tant qu'il s'applique aux prestations mentionnées au 1° de l'article R. 224-23 du code de la consommation.
Article 2 : L'Etat versera au conseil national des professions de l'automobile une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du conseil national des professions de l'automobile est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au conseil national des professions de l'automobile et au ministre de l'économie et des finances.