2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A...'o en première instance.
Il soutient que :
- la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de la justice administrative n'est pas remplie;
- l'autorité préfectorale était tenue de procéder au retrait du passeport français de M.A...'o dès lors que celui-ci a fait l'objet du jugement du 3 septembre 2015, passé en force de chose jugée, par lequel le tribunal de grande instance de Paris a annulé l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2019, M.A...'o conclut au rejet de l'appel du ministre de l'intérieur et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, en premier lieu, que le jugement du 3 septembre 2015 ne peut être exécuté à son encontre, au regard de l'article 503 du code de procédure civile, faute de lui avoir été notifié, en deuxième lieu, que ce jugement doit être regardé comme nul et non avenu, au regard de l'article 478 du même code, compte tenu de l'expiration du délai de notification de six mois applicable à tout jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel, en troisième lieu, que l'appel qu'il a formé contre ce jugement a, en application de l'article 539 du code de procédure civile, un caractère suspensif et, en quatrième lieu, qu'il ne peut être privé de sa nationalité française car depuis qu'il a acquis celle-ci, il a perdu la nationalité camerounaise, si bien qu'il deviendrait apatride.
Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, M.A...'o.
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 11 avril 2019 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
- Me Goldman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A...'o ;
- M.A...'o ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Par un nouveau mémoire, enregistré le 12 avril 2019 et à la suite duquel le juge des référés a décidé de rouvrir l'instruction jusqu'au 15 avril 2019 à 17 heures, le ministre de l'intérieur reprend les conclusions de sa requête. Il soutient que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 septembre 2015 a fait l'objet d'une signification par voie d'huissier selon les modalités prévues par l'article 659 du code de procédure civile comme en atteste le procès verbal du 21 septembre 2015.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2019 avant la clôture de l'instruction, M. A...'o reprend les conclusions de son précédent mémoire et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, d'une part, qu'il appartiendra à la cour d'appel de Paris, statuant sur son appel dirigé contre le jugement du 3 septembre 2015, de s'assurer de la régularité du procès-verbal du 21 septembre 2015 qu'il conteste et, à défaut, de le relever de la forclusion, en application de l'article 540 du code de procédure civile, et, d'autre part, qu'il ne peut être privé de documents d'identité et de la nationalité française en attendant que la cour d'appel se prononce.
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de procédure civile ;
- le décret n° 2005-1726 ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2019 après la clôture de l'instruction, présentée par le ministre de l'intérieur ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris que M.A...'o s'est vu confisquer, le 7 mars 2019, son passeport français par des fonctionnaires de la police aux frontières à la suite d'un contrôle à la gare du Nord. Le ministre de l'intérieur relève appel de l'ordonnance du 13 mars 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de restituer à M.A...'o ce passeport dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de son ordonnance.
3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 4 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports électroniques : " Le passeport électronique est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. ".
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28 du code civil : " Mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. / Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 29 du même code: " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques ".
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 500 du code de procédure civile : " A force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. / Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai ". Aux termes de l'article 538 du même code: " Le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse (...). ". Aux termes de l'article 539 du même code : " Le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 540 : " Si le jugement a été rendu par défaut ou s'il est réputé contradictoire, le juge a la faculté de relever le défendeur de la forclusion résultant de l'expiration du délai si le défendeur, sans qu'il y ait eu faute de sa part, n'a pas eu connaissance du jugement en temps utile pour exercer son recours, ou s'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir. ". Aux termes de l'article 659 du même code : " Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité. Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés ". Aux termes, enfin, de l'article 664-1 du même code : " La date de la signification d'un acte d'huissier de justice, sous réserve de l'article 647-1, est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l'article 659, celle de l'établissement du procès-verbal. ".
6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référé a fait droit aux conclusions aux fins d'injonction dont il était saisi au motif qu'en l'absence de toute explication du préfet de police, la confiscation du passeport de M.A...'o créait une situation d'urgence et portait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir.
7. Toutefois, le ministre de l'intérieur a produit en appel, d'une part, le jugement réputé contradictoire du 3 septembre 2015 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a annulé, à raison du caractère insuffisamment probant de l'acte de naissance au Cameroun que M.A...'o avait présenté, l'enregistrement de la déclaration de nationalité française au regard duquel le passeport litigieux a été délivré, a jugé que l'intéressé n'est pas français et a ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, et d'autre part, le procès-verbal d'huissier du 21 septembre 2015 indiquant qu'à défaut d'avoir pu être directement signifié à M. A...'o, ce jugement a donné lieu aux formalités prévues par les dispositions précitées de l'article 659 du code de procédure civile. Ainsi, même si M.A...'o a relevé appel du jugement réputé contradictoire précité, le 8 avril 2019, c'est-à-dire après expiration du délai d'appel d'un mois qui a couru à compter du procès-verbal précité, le jugement était déjà passé en force de chosé jugée, il est exécutoire à son encontre et son exécution n'a pas été suspendue par l'introduction de cet appel.
8. Dès lors et sans préjudice de ce que, le cas échéant, M.A...'o puisse être relevé par le juge judiciaire de la forclusion en application de l'article 540 du code précité ou de ce que ce juge puisse constater l'irrégularité des diligences entreprises par l'huissier au regard des exigences de l'article 659 du même code et de ce qu'il puisse annuler le jugement du
3 septembre 1995 au regard de l'argumentation de l'intéressé tirée de ce que l'acte de naissance produit était le sien et de ce que la privation de la nationalité française l'exposerait à devenir apatride, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a estimé que la confiscation à M. A...'o de son passeport français était manifestement illégale.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition de l'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et de rejeter la demande présentée par M.A...'o sur le fondement des dispositions précitées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du même code font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 13 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M.A...'o devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B... A...'o.