3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que le refus de l'administration de prendre dans un délai raisonnable les textes règlementaires d'application de l'ordonnance du 24 avril 2019 et de reporter d'un an l'entrée en vigueur de l'article 1er de cette ordonnance menace gravement et immédiatement les droits des entreprises du négoce agricole ;
- le dispositif relatif à la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques ne peut entrer en vigueur au 1er janvier 2021 dès lors qu'il n'est pas assorti des textes d'application nécessaires ;
- il est susceptible, dans ces conditions, d'une part, d'avoir un impact négatif en matière d'emploi et, à terme, sur la filière agricole toute entière dès lors qu'il impose la reconversion et la formation d'une grande part des salariés des entreprises concernées et emporte le risque que des plans de licenciements collectifs soient mis en oeuvre et, d'autre part, d'entraîner une perte d'activité et de chiffre d'affaires considérable pour les entreprises ;
- il est impossible de débuter l'activité de conseil au 1er janvier 2021 en l'absence de définition par la voie réglementaire d'un cadre prévisionnel précis ainsi que d'un parcours de formation ;
- il est impossible pour les opérateurs, dans ces conditions, de procéder aux démarches auprès des organismes de certification avant le 15 décembre 2020, date butoir fixé par l'article 31 du projet d'arrêté du ministre de l'agriculture et de l'alimentation déterminant les modalités de certification mentionnée au 2° de l'article L. 254-2 du code rural et de la pêche maritime, mis en consultation publique le 27 juillet 2020 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- le refus de l'administration de reporter d'un an l'entrée en vigueur de l'article 1er de l'ordonnance du 24 avril 2019, sans avoir procédé à l'édiction des textes d'application nécessaires dans un délai raisonnable, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il prive les opérateurs de la possibilité de faire un choix, de manière éclairée, entre l'activité de vente et l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ;
- le maintien au ler janvier 2021 de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 avril 2019 méconnaît le principe de sécurité juridique, dès lors qu'aucun texte d'application ne définit le contenu des objectifs de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques incombant aux opérateurs en vertu de l'article L. 254-10 du code rural et de la pêche maritime et dont la violation est sanctionnée d'une interdiction d'exercice.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 et 20 octobre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la Fédération du négoce agricole ne sont pas fondés. Il soutient, en outre, que, à la date où la décision implicite de rejet est née, l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance prévue à l'article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2020 était échue depuis le 1er mai 2019, de sorte que le gouvernement n'était plus habilité à intervenir dans le domaine de la loi. Enfin, que le décret d'application de l'ordonnance du 24 avril 2019 ainsi que les arrêtés auxquels il renvoie, édictés le 16 octobre 2020, ont été publiés respectivement au Journal officiel de la République française du 18 octobre 2020 et du 20 octobre 2020. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Fédération du négoce agricole.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ;
- l'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération du négoce agricole et, d'autre part, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 octobre 2020, à 15 heures :
- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération du négoce agricole ;
- les représentants du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. L'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prise sur le fondement de l'article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, modifie le régime applicable aux activités de conseil, d'application et de vente des produits phytopharmaceutiques. En particulier, son article 1er instaure une incompatibilité entre les activités de ventes et les activités de conseil à l'utilisation de ces produits, autres que la délivrance d'informations relatives à l'utilisation, aux risques et à la sécurité d'emploi des produits cédés. Il résulte des termes de l'article 4 de l'ordonnance que l'entrée en vigueur de son article 1er est fixée au ler janvier 2021.
3. Par une lettre en date du 25 février 2020, la Fédération du négoce agricole a demandé au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, d'une part, de prendre sans délai les mesures d'application nécessaires à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 avril 2019 et, d'autre part, de différer d'une année cette entrée en vigueur pour tenir compte des difficultés d'adaptation que rencontreront ses adhérents, du fait du retard pris dans l'édiction des mesures réglementaires attendues. La Fédération du négoce agricole demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 précité, de suspendre le refus implicite né du silence gardé sur cette demande.
Sur les conclusions tendant à l'édiction des mesures d'application nécessaires à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 avril 2019 :
4. Il résulte de l'instruction que les 18 et 20 octobre 2020, soit postérieurement à l'introduction de la requête, un décret et cinq arrêtés en date du 16 octobre du ministre de l'agriculture et de l'alimentation tendant à l'application de l'ordonnance du 24 avril 2019 ont été publiés au Journal officiel de la République française. Il est constant que l'ensemble de ces textes assure la complète application de l'ordonnance du 24 avril 2019. Les conclusions de la Fédération du négoce agricole tendant à l'édiction des mesures d'application nécessaires à l'entrée en vigueur de cette ordonnance sont, par suite, devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à ce que l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 avril 2019 soit reportée d'une année :
5. Les dispositions d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution qui relèvent du domaine de la loi, si elles peuvent être contestées par voie d'exception à l'occasion de leur application, ne peuvent plus, après l'expiration du délai de l'habilitation conférée au gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d'une nouvelle habilitation qui serait donnée au gouvernement. Il n'est pas contesté que l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance prévue à l'article 88 de la loi du 30 octobre 2018 est échue le 1er mai 2019, ni que, par suite, le législateur est de ce fait devenu seul compétent pour modifier la date d'entrée en vigueur figurant à l'article 4 de l'ordonnance.
6. La Fédération requérante, dans le dernier état de ses conclusions présentées lors de l'audience tenue le 21 octobre, demande qu'il soit enjoint au gouvernement de déposer un projet de loi devant le Parlement, aux fins de reporter cette date au ler janvier 2022. Toutefois, la décision de ne pas présenter un projet de loi au Parlement, prise par le pouvoir exécutif dans le cadre de sa participation à la fonction législative, n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel. Les conclusions de la Fédération présentées à ce titre sont, par conséquent, irrecevables et ne peuvent dès lors, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :
7. Aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administratif " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. En l'espèce, l'Etat ne peut être regardé comme la partie qui perd pour l'essentiel. Il s'ensuit que les conclusions présentées à ce titre par la Fédération du négoce agricole ne peuvent qu'être rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la Fédération du négoce agricole tendant à la suspension de la décision implicite du gouvernement, en tant qu'elle rejette sa demande de prendre les mesures d'application nécessaires à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération du négoce agricole est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération du négoce agricole et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au Premier ministre.