3°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le conseil national de l'ordre des infirmiers soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'il justifie d'un intérêt à agir contre la décision implicite qui lui fait grief ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors notamment que le refus de publication du décret laisse perdurer une situation dans laquelle près de 4/5ème des infirmiers salariés intervenant sur le territoire national se trouvent en situation d'exercice illégal de leur profession, tout comme les établissements et services de santé et médico-sociaux qui les ont recrutés, ce qui constitue une atteinte à un intérêt public ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
- l'exercice du pouvoir règlementaire comporte le droit mais surtout l'obligation de prendre, dans un délai raisonnable, les mesures qu'impliquent l'application d'une loi, conformément à l'article 21 de la Constitution et à l'article L. 4311-15 du code de la santé publique, en deuxième lieu, la décision attaquée est contraire au principe d'égalité et, en troisième lieu, cette décision porte atteinte au principe de sécurité juridique.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2017, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables et qu'aucun des moyens dirigés contre la décision implicite du 1er février 2017 n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 21 ;
- le code de la santé publique, notamment son article L. 4311-15 dans sa rédaction résultant de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le conseil national de l'ordre des infirmiers, d'autre part, le ministre des affaires sociales et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 20 mars 2017 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des infirmiers ;
- le représentant du conseil national de l'ordre des infirmiers ;
- les représentants du ministre des affaires sociales et de la santé ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant qu'aux termes du sixième alinéa de l'article L.4311-15 du code de la santé publique : " Nul ne peut exercer la profession d'infirmier (...) s'il n'est pas inscrit au tableau de l'ordre des infirmiers " ; que l'article 63 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a complété cet article par les deux alinéas suivants : " L'ordre national des infirmiers a un droit d'accès aux listes nominatives des infirmiers employés par les structures publiques et privées et peut en obtenir la communication. Ces listes nominatives sont notamment utilisées pour procéder, dans des conditions fixées par décret, à l'inscription automatique des infirmiers au tableau tenu par l'ordre " ; que le président du conseil national de l'ordre des infirmiers a saisi, le 1er décembre 2016, le Premier ministre d'une demande tendant à ce que le décret dont ces dispositions prévoient l'intervention soit pris ; qu'il demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet de cette demande et qu'il soit enjoint au Premier ministre de prendre ce décret ;
3. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire, sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par son article 13 ; que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle ; que, compte tenu de la nécessité de préciser les conditions dans lesquelles il est procédé aux inscriptions d'office au tableau tenu par l'ordre national des infirmiers, notamment en ce qui concerne la collecte des données transmises par les structures publiques et privées employant des infirmiers et la vérification, par les autorités ordinales, des conditions légales permettant l'inscription des intéressés au tableau, l'intervention du décret prévu par ces dispositions législatives est nécessaire à leur mise en oeuvre ; qu'il n'est pas et ne saurait être sérieusement contesté qu'à la date à laquelle le Premier ministre a refusé d'édicter ce décret, le délai raisonnable dont le gouvernement disposait pour fixer les modalités d'application de ces dispositions, promulguées depuis plus de sept ans, était expiré ;
4. Considérant, d'autre part, que, pour justifier de l'existence d'une situation d'urgence, le conseil national de l'ordre des infirmiers fait tout d'abord valoir que selon les données émanant de l'administration, un peu plus de 100 000 infirmiers salariés seraient inscrits au tableau de l'ordre sur un total de plus de 500 000 ; qu'un tel état de fait, outre qu'il révèle l'existence d'un nombre très important de situations illégales, rend très difficile l'exercice par l'ordre d'un nombre important de ses missions ; qu'il en va ainsi en particulier de l'examen de la conformité aux obligations déontologiques des intéressés des contrats les liant à leurs employeurs ; qu'en outre, les conseils départementaux de l'ordre sont, depuis l'entrée en vigueur, le 28 novembre 2016, du code de déontologie des infirmiers, compétents pour le traitement des demandes d'autorisation de remplacement ; que, depuis lors, de très nombreuses demandes ont été reçues, pour la plupart émanant d'infirmiers non inscrits à l'ordre ; que leur traitement ne peut intervenir, en l'absence de dispositif d'inscription automatique, qu'au terme d'un délai d'inscription de droit commun incompatible avec le délai de réponse qu'implique souvent la nécessité d'un remplacement ;
5. Considérant que la ministre des affaires sociales et de la santé soutient que la publication du décret litigieux n'est nécessaire ni pour que les infirmiers salariés, qui y sont en tout état de cause tenus, s'inscrivent au tableau, ni pour que l'ordre se fasse communiquer par les structures publiques et privées les listes nominatives des infirmiers qu'elles emploient ; que, toutefois, si le défaut d'inscription à l'ordre est le fait des infirmiers eux-mêmes, le nombre et la proportion d'infirmiers salariés non inscrits, alors que l'obligation existe depuis la création de l'ordre en 2006, ne peut résulter que de l'absence de mise en oeuvre des dispositions adoptées par le législateur en 2009 qui ont pout but de faciliter ces inscriptions, tant en ce qui concerne le contenu et les modalités de transmissions des données nécessaires que de la définition d'une procédure automatique d'inscription ; qu'eu égard aux conséquences d'une telle situation, notamment pour l'exercice, par l'ordre, des missions, notamment en matière déontologique, qui lui sont dévolues et que le législateur n'a pas remises en cause, la condition d'urgence doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme remplie ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret exigé par l'article L. 4311-15 du code de la santé publique ; que le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut, sans excéder sa compétence, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'une décision juridictionnelle annulant la décision administrative contestée ; qu'en l'espèce, et contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas de tels effets l'injonction de saisir d'un projet de décret les instances devant nécessairement être consultées sur les mesures règlementaires envisagées pour la mise en oeuvre de ces dispositions législatives ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre des affaires sociales et de la santé de saisir, dans un délai de trois mois, les instances devant, compte tenu de l'objet du texte, être consultées en application de textes législatifs ou réglementaires ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ni, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande le conseil national de l'ordre des infirmiers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande du conseil national de l'ordre des infirmiers est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre des affaires sociales et de la santé de saisir, dans un délai maximum de trois mois à compter de la notification de la présente ordonnance, d'un projet de décret d'application des dispositions législatives citées au point 2. les instances devant être consultées, sur un tel projet, en application de textes législatifs ou réglementaires.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au conseil national de l'ordre des infirmiers, à la ministre des affaires sociales et de la santé et au Premier ministre.