3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte grave, immédiate et irréversible, d'une part, à leur droit de propriété en leur interdisant d'utiliser leur marque " Café Crème " en France à compter du 20 février 2018 et de l'exploiter sous la forme de ses nouvelles variantes depuis le 1er février 2017, d'autre part, à leur situation financière en les obligeant à prendre des mesures immédiates pour préparer et introduire progressivement une marque alternative sur le marché quand bien même elles disposent d'un délai de " grâce ", et, à titre subsidiaire, les place dans une incertitude quant au délai de " grâce " d'un an dont pourrait bénéficier la commercialisation des cigarillos de la marque " Café Crème " ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué ;
- il méconnaît le principe du contradictoire prévu par les dispositions combinées des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que par les principes généraux du droit dès lors que, d'une part, la ministre des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics n'ont apporté aucun élément de fait permettant aux sociétés requérantes de présenter utilement leurs observations sur la mesure envisagée de refus d'homologation et d'interdiction, d'autre part, le délai accordé aux sociétés requérantes pour présenter utilement leur défense était insuffisant et, enfin, le ministre des affaires sociales et de la santé aurait dû faire droit à leur demande d'être auditionnées ;
- il est dépourvu de motivation dès lors qu'en tant que décision administrative individuelle, il ne précise pas les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en violation des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 3512-21 et R. 3512-30 du code de la santé publique, en ce que la marque " Café Crème " ne promeut pas la consommation des produits du tabac ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la preuve de ce que la marque " Café Crème " ferait référence de manière erronée à un arôme, à une odeur ou à un goût n'est pas établie, les termes de " café " et " crème " n'ayant aucune nature promotionnelle ;
- il porte atteinte à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité garantis par la Constitution ;
- l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 et son décret d'application n° 2016-1117 du 11 août 2016 méconnaissent le principe constitutionnel du droit de propriété en tant qu'une interdiction de marque équivaut à une privation de propriété, n'ayant fait l'objet d'aucune mesure préalable en constatant la nécessité publique et ne prévoyant aucune forme d'indemnisation ;
- la mesure d'interdiction est disproportionnée par rapport, d'une part, aux risques allégués d'atteinte à la santé publique et, d'autre part, aux investissements réalisés par les sociétés requérantes pour la marque " Café Crème ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2017, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel et, d'autre part, la ministre des affaires sociales et de la santé et le ministre de l'économie et des finances ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 22 mars 2017 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel ;
- les représentants des sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel ;
- les représentants de la ministre des affaires sociales et de la santé ;
- les représentants du ministre de l'économie et des finances ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au lundi 27 mars 2017 à 17 heures ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 mars 2017, présenté par les sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel, qui persistent dans leurs précédentes écritures et produisent de nouvelles pièces ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2016-623 du 26 janvier 2016;
- l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 ;
-le décret n° 2016-117 du 11 août 2016 ;
- le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3512-21 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes: " I.-L'étiquetage des unités de conditionnement, tout emballage extérieur ainsi que le produit du tabac proprement dit ne peuvent comprendre aucun élément ou dispositif qui :/ 1° Contribue à la promotion d'un produit du tabac ou incite à sa consommation en donnant une impression erronée quant aux caractéristiques, effets sur la santé, risques ou émissions de ce produit ;/ 2° Ressemble à un produit alimentaire ou cosmétique./ II.-Les éléments et dispositifs qui sont interdits en vertu du I comprennent notamment les messages, symboles, noms, marques commerciales, signes figuratifs ou autres " ; qu'aux termes de l'article R. 3512-30 du même code : " Sont notamment considérés comme des éléments et dispositifs qui contribuent à la promotion d'un produit du tabac, au sens du 1° du I de l'article L. 3512-21, tous les messages, symboles, marques, dénominations commerciales, signes figuratifs ou autres qui [...] 2° Evoquent un goût, une odeur, tout arôme ou tout autre additif, ou l'absence de ceux-ci " ; qu'en vertu de l'article 572 du code général des impôts, le prix de détail de chaque produit du tabac doit être préalablement homologué par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget à la condition que la marque et la dénomination commerciale respectent les dispositions de l'article L. 3512-21 du code de la santé publique ; que par un arrêté du 1er février 2017, ces ministres ont, d'une part, refusé la demande des sociétés requérantes en date du 29 novembre 2016 d'homologation du prix de produits de la marque " Café Crème " et, d'autre part, expressément interdit la vente sur le marché français des autres variantes des cigarillos Café Crème à compter du 20 février 2018 ;
3. Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution de cet arrêté, les sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel font valoir qu'il porte une atteinte grave, immédiate et irréversible, à leurs intérêts économiques et à leur droit de propriété de la marque " Café Crème " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sociétés requérantes sont des filiales à 100% de la société Scandinavian Tobacco Group A/S, société cotée au Danemark qui commercialise au niveau mondial des produits du tabac ; que cette société se présente, dans sa documentation publique, comme l'un des principaux groupes au niveau mondial pour la vente de cigares, de tabac à pipe et de tabac fine coupe, détenant plus de 200 marques dont, pour les cigares, les marques " Café crème ", " La Paz ", " Macanudo ", " CAO ", " Partagas ", " Cohiba " ; que ce groupe est présent dans près de 100 pays, notamment en Amérique du Nord, en Europe, en Nouvelle Zélande et en Australie ; que ses dernières publications financières font état d'un chiffre d'affaires de 6 746 000 000 DKK, soit de plus de 906 millions d'euros, et d'un résultat net de 681 000 000 DKK soit environ 91,5 millions d'euros ; qu'il déclare en France un chiffre d'affaires de 95,885 millions d'euros, dont 36,3% pour la vente de cigarillos de la marque " Café crème " ; que l'arrêté contesté, pris sur le fondement de la réglementation française sur le tabac transposant notamment les règles communautaires résultant de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, en particulier son article 13, a pour effet d'interdire les ventes en France sous la marque " Café crème " à compter du 20 février 2018 ; que ces ventes sont évaluées par les sociétés à 34, 807 millions, soit le tiers de leur activité en France, ne représentant, au regard des chiffres précitées, que 3,8% du chiffre d'affaires global du groupe ; que l'arrêté contesté n'a pas pour effet de leur interdire de vendre ces produits en France mais de leur imposer de changer de marque pour leur mise sur le marché d'ici au 20 février 2018 ; qu'à supposer que cette obligation ait pour conséquence d'entraîner une diminution de la vente de leurs cigarillos jusque là distribués sous la marque " Café crème ", une telle baisse des ventes, hypothétique, sur un des marchés où le groupe est présent pour un de ses produits, n'est pas, au regard des éléments sus évoqués et même en prenant en considération la seule situation des deux filiales françaises requérantes et les délais requis pour permettre une reconstitution des stocks des buralistes, constitutive, en l'état de l'instruction, d'une situation d'urgence ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les conclusions à fins de suspension présentées par les requérants ne peuvent donc être accueillies ; que les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés Scandinavian Tobacco Group France et Scandinavian Tobacco Group Eersel, à la ministre des affaires sociales et de la santé et au ministre de l'économie et des finances.