Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2018, M. C...B..., représenté par Me Breillat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2016 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4 °) à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente, notamment en raison du caractère trop large de la délégation de compétence ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé en fait au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, faute d'indiquer les motifs pour lesquels la préfète estime, d'une part, en dépit de l'avis contraire du médecin de l'agence régionale de santé, que le traitement requis existe dans son pays d'origine et, d'autre part, que le refus ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation par la préfète ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé étant favorable, le préfet n'a pas apporté la preuve de l'existence de traitement dans son pays d'origine, alors qu'il résulte de la liste MEDCOI fournie par le préfet que deux des médicaments qu'il prend ne sont pas disponibles à Djibouti, où il n'est pas établi par ailleurs qu'il pourrait également faire réaliser des angiographies. Le préfet n'a pas davantage recherché s'il avait la capacité de voyager ;
- la décision méconnaît également les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils prévoient le droit aux soins.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2018, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2016 portant délégation de signature est suffisamment précis ;
- la situation de M. C...B...a fait l'objet d'un examen particulier comme le démontrent les pièces afférentes à son état de santé produites en première instance ;
- l'arrêté est suffisamment motivé ;
- le traitement requis par l'état de santé du requérant est disponible à Djibouti, où il existe des services de cardiologie, d'ophtalmologie, d'endocrinologie et des laboratoires d'analyse sanguine permettant d'assurer son suivi médical. De plus les médicaments requis, ou leurs équivalents, sont disponibles à Djibouti. Si cela est contesté pour le Kardegic et le Sectral, leurs principes actifs sont disponibles à Djibouti ;
- le traitement requis par son état de santé est disponible à Djibouti où ses attaches familiales, son épouse et leurs trois enfants, résident. Il n'y a donc pas de méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. C...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant djiboutien, né le 3 février 1958, est entré régulièrement en France le 13 septembre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a déposé, le 27 avril 2016, une demande de titre de séjour au titre de son état de santé. M. C...B...relève appel du jugement du 29 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2016 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 octobre 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit:/ (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en a fait la demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C...B...souffre d'un diabète de type II compliqué par une rétinopathie diabétique, d'une cardiopathie ischémique, d'hypertension artérielle, d'une dyslipidémie et d'une coronaropathie sévère. Selon l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des certificats médicaux produits que son état de santé nécessite des cardiotopes et anti diabétiques oraux comme le Coversyl, le Sectral, le Kardégic, le Diamicron, le Glucophage, le Januvia et la Simvastatine, ainsi qu'une surveillance régulière biologique, ophtalmologique, diabétique et cardiologique. Pour estimer que le traitement requis par l'état de santé de M. C...B...est disponible à Djibouti, la préfète de la Vienne se fonde sur la base de données médicales MEDCOI. Or, selon cette base de données le Kardégic et le Sectral ne sont pas disponibles à Djibouti. Si la préfète de la Vienne soutient que les principes actifs de ces médicaments se retrouvent dans d'autres médicaments disponibles à Djibouti, elle n'assortit pas cette allégation d'éléments permettant d'établir que les médicaments comprenant les principes actifs en cause ont bien des effets équivalents au Sectral et au Kardégic. Dans ces conditions, elle ne rapporte pas la preuve de l'existence à Djibouti de l'ensemble du traitement requis par l'état de santé de M. C...B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de délivrer à M. C...B...ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
7. M. C...B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Breillat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. C...B...d'une somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1602821 du 29 novembre 2017 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté de la préfète de la Vienne du 17 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à M. C...B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Breillat, avocat de M. C...B...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Me Breillat et à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX00365