Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 janvier 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 9 novembre 2017 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 septembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant que le premier juge s'est abstenu de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle ne vise pas les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a déposé une demande de titre de séjour ; elle ne vise pas cette demande ;
- cette décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où il n'a pas été auditionné par les services de la police de l'air et des frontières avant son édiction ; il a été privé d'une garantie dès lors qu'il incombe à l'administration, avant l'édiction d'une mesure d'éloignement, de réunir tous les éléments personnalisés afin de se prononcer en toute connaissance de cause ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle eu égard notamment à 1'état de santé de sa fille, mineure, qui nécessite sa présence à ses côtés ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que le préfet s'est abstenu de se prononcer sur son droit au séjour alors qu'il était saisi d'une demande de titre de séjour depuis le mois de juillet 2017 ; la circonstance que cette demande soit adressée par voie postale ne dispense pas l'autorité administrative de la prendre en compte ; l'envoi par voie postale d'une demande ne constitue pas un motif d'irrecevabilité ; l'administration a seulement la faculté d'opposer une décision de refus fondée sur l'absence de comparution personnelle de l'étranger ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2018 à 12 h.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
L'affaire a été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant de nationalité algérienne né le 30 novembre 1976, est entré irrégulièrement en France en 2012 selon ses déclarations. Sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 29 décembre 2015, confirmée le 20 juin 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 21 septembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B...fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été auditionné par les services de la police aux frontières préalablement à l'édiction de ladite mesure. Toutefois, le tribunal a bien analysé ce moyen et l'a écarté en relevant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. B...ait été privé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer du premier juge ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué, pris au visa du 6° du I de l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui se réfère notamment à la décision de refus de la qualité de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'à la situation personnelle et familiale de M. B... sur le territoire français, énonce de manière suffisante les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. L'erreur de fondement alléguée par M. B...relève de la critique du bien-fondé des motifs retenus et est sans incidence sur le caractère suffisamment motivé de cette décision.
4. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, et notamment des arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
5. Si M. B...soutient qu'il n'a pas bénéficié d'une audition préalable à l'édiction de la mesure d'éloignement, il ne fait état d'aucune circonstance de droit ou de fait de nature à établir que l'autorité administrative aurait pu prendre une position différente s'il avait pu présenter des observations. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet, qui fait état de la présence de la fille de M. B...à ses côtés, aurait omis de prendre en compte des éléments utiles propres à faire obstacle à l'édiction de la décision attaquée.
6. En troisième lieu, il est constant que M. B...ne s'est pas présenté personnellement à la préfecture de la Haute-Garonne, en méconnaissance de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais a sollicité un titre de séjour par courrier recommandé du 28 juillet 2017, reçu en préfecture le 31 juillet 2017. M. B...n'établit pas qu'il serait dans les cas où, par dérogation aux dispositions de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait s'abstenir de se présenter en personne à la préfecture. Aussi, cette demande n'a pas fait l'objet d'un enregistrement ni d'un récépissé attestant de son instruction. Dans ces conditions, M. B...ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû se prononcer dans l'arrêté sur sa demande de certificat de résidence sur le fondement des articles 6 (5) et 7 b) de l'accord franco-algérien.
7. En quatrième lieu, l'entrée de M. B...en France à une date indéterminée en 2012 est récente au regard de la date de l'arrêté contesté. Il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans dans son pays d'origine, l'Algérie, où il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales. S'il fait valoir que sa fille mineure née le 22 juin 2003 souffre d'une pathologie grave qui nécessite sa présence à ses côtés, le seul certificat médical produit, qui fait état d'un suivi psychologique depuis juin 2017, ne permet de caractériser ni les conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale de sa pathologie, ni l'impossibilité de recevoir un traitement approprié dans son pays d'origine. De même, il n'est pas démontré que sa fille ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Algérie. Dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
8. En cinquième lieu, la décision fixant le pays de renvoi vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et indique que M. B...n'établit pas que sa vie ou sa liberté soient menacées ou qu'il serait exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée.
9. En dernier lieu, si M. B...soutient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne précise pas les risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Algérie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX04049