Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017 et un mémoire en production de pièces enregistré le 12 janvier 2018, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de certificat de résidence ayant été présentée le 1er décembre 2016, date à laquelle le dossier était complet, il y avait lieu d'appliquer la version alors en vigueur de l'article R. 313-22 qui renvoyait à l'étude du dossier par le médecin de l'agence régionale de santé et non pas au collège de médecins de l'OFII ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, cette circonstance a eu une influence sur le sens de la décision dans la mesure où sa situation médicale n'a pas changé et où la situation sanitaire en Algérie n'a pas changé non plus ;
- il a été également privé d'une garantie puisque la procédure a également changé sur un autre point en ce que la procédure applicable jusqu'au 31 décembre 2016 prévoyait que l'avis était transmis sous couvert du directeur de l'agence régionale de santé qui pouvait alors donner au préfet un avis complémentaire motivé, s'il estimait qu'il y avait lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour ; la mention des circonstances humanitaires n'est plus prévue par les nouvelles dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- un taux d'incapacité supérieur à 80 % lui a été reconnu par décision du 9 juin 2017 et grâce aux soins reçus en France il a pu reprendre une activité professionnelle ; un retour dans son pays l'exposerait à des conséquences catastrophiques ; il justifie donc d'une situation humanitaire exceptionnelle ;
- il ne pourra bénéficier d'un traitement approprié en Algérie pour soigner le syndrome psychotique schizophrénique dont il souffre à la suite de l'accident dont il a été victime dans ce pays et compte tenu de ce syndrome post-traumatique, les soins ne pourront pas être dispensés dans son pays d'origine ;
- les médicaments nécessaires à son traitement ne sont pas disponibles en Algérie, qui connaît de graves pénuries, et ne lui seraient pas accessibles en l'absence de possibilité d'y occuper un emploi générateur de revenus ;
- le refus de renouvellement du certificat de résidence méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale, il est arrivé depuis plus de quatre ans en France ; le préfet ne justifie pas son allégation selon laquelle il serait connu défavorablement des services de police ; il ne disposera d'aucune ressource financière en Algérie ; pour les mêmes raisons cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- pouvant bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence, la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ; l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en se rapportant à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 22 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mars 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- le décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;
- et les observations de MeA..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., né le 6 avril 1985, de nationalité algérienne, est entré en France selon ses déclarations le 5 mai 2013. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 mai 2014, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 23 janvier 2015, il a fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français le 19 février 2015. M. C...s'est maintenu sur le territoire français et il a obtenu un certificat de résidence d'un an sur le fondement des stipulations du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, valable du 27 janvier 2016 au 26 janvier 2017. Il a sollicité le renouvellement de ce certificat de résidence le 1er décembre 2016. Par arrêté du 28 août 2017, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement n° 1704300 du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de renouvellement du certificat de résidence :
2. M. C...soutient en premier lieu qu'il a déposé sa demande de renouvellement de certificat de résidence le 1er décembre 2016 et que le refus de renouvellement a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet a appliqué la procédure prévue par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 313-22 du même code dans leur version issue de la loi du 7 mars 2016 et du décret du 28 octobre 2016, alors qu'en application l'article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et de l'article 31 du décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016, les nouvelles règles instituées par ces textes, et applicables aux ressortissants algériens, ne s'appliquent qu'aux demandes de titres de séjour déposées à compter du 1er janvier 2017.
3. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des écritures en défense du préfet, qui ne sont pas remises en cause sur ce point, que la préfecture a sollicité M. C...le 16 février 2017 afin qu'il fournisse des pièces nécessaires à l'instruction de sa demande et notamment un justificatif de domicile, dont la production est prévue par l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C...ne conteste pas que cette pièce a pu légalement lui être demandée. Par suite, en estimant que la demande de renouvellement de certificat de résidence présentée par M. C...devait être instruite en application des dispositions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 et l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version applicable à compter du 1er janvier 2017, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour refuser de délivrer le certificat de résidence, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII le 26 juin 2017, selon lequel l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais dont il pourrait bénéficier dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie.
7. M. C...fait valoir qu'il souffre d'un " syndrome psychotique schizophrénique venu décompenser un syndrome de stress post traumatique consécutif à un accident tragique dont il a été victime et témoin (...) " et qu'il ne pourrait disposer d'un traitement approprié en Algérie dès lors que l'offre psychiatrique de soins est insuffisante tant quantitativement que qualitativement. Les certificats médicaux établis par un psychiatre produits par M.C..., attestant notamment qu'il souffre de troubles psychopathologiques nécessitant un traitement médicamenteux et d'un état de stress post traumatique en lien avec des évènements vécus en Algérie qui rendent impossible un suivi thérapeutique dans ce pays, ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir qu'un retour dans son pays d'origine, où il était déjà suivi par un psychiatre depuis 2007, empêcherait tout traitement même s'il était disponible en Algérie. Et ces certificats, ainsi que les affirmations de l'intéressé selon lesquelles, d'une part, les médicaments qui lui sont prescrits ne seraient pas " toujours disponibles en Algérie ", d'autre part, il ne pourrait bénéficier de la sécurité sociale algérienne, ne suffisent pas à contredire l'avis susmentionné et l'appréciation du préfet quant à la disponibilité des soins en Algérie et à la possibilité pour le requérant de pouvoir effectivement en bénéficier. Il s'ensuit qu'en refusant de renouveler le certificat de résidence sollicité, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
9. M. C...fait valoir qu'il est arrivé en France plus de quatre ans avant la décision attaquée, qu'il s'est intégré autant qu'il le pouvait à cause de sa maladie et qu'il bénéficie de soins qui lui permettent de pouvoir vivre dans des conditions supportables, ce qui ne serait pas le cas en Algérie. Il ajoute qu'il travaille et qu'il est titulaire d'une allocation adulte handicapé qu'il ne pourrait pas avoir en Algérie, où il n'aurait aucune ressource financière. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, depuis son entrée sur le territoire français en 2013, selon ses déclarations, M. C...s'est maintenu de manière irrégulière après le rejet définitif de sa demande d'asile avant de bénéficier d'un certificat de résidence valable du 27 janvier 2016 au 26 janvier 2017. Il est également constant qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France et qu'au contraire, il n'en est pas dépourvu en Algérie, où résident ses parents ainsi que sa fratrie et où, ainsi qu'il a été dit, il pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Le présent arrêt écarte les moyens dirigés contre la décision de refus de renouvellement du certificat de résidence. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il entrait dans la catégorie lui permettant de bénéficier de plein droit d'un tel titre et qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
12. Si M. C...soutient que le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en adoptant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, ce moyen ne peut être qu'écarté par adoption des motifs développés au point 7 du présent arrêt.
13. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 9 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX04072