Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre la préfète de l'Ariège de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la préfète a méconnu son droit d'être entendue ; si elle a été en mesure de présenter ses observations auprès des instances chargées de l'asile, elle n'a pas pu le faire auprès de la préfète ; le guide remis aux demandeurs d'asile n'a pas été mis à jour et n'informe pas de la possibilité de se voir opposer une obligation de quitter le territoire sans qu'un refus de séjour ait été pris ;
- la même décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle souffre d'un état anxio-dépressif sévère pour lequel elle est suivie en France ;
- elle est illégale en ce qu'elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et comporte une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle comporte une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 19 février 2018, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 mars 2018 à 12h00.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridictionnelle.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante kosovare, est entrée en France le 15 novembre 2016 accompagnée de son mari, de ses deux enfants et de sa belle-mère. Elle a présenté une demande d'asile, définitivement rejetée le 7 juillet 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. La préfète de l'Ariège, par un arrêté du 29 septembre 2017, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) ".
3. Par une décision du 28 avril 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 7 juillet 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), Mme A...s'est vu définitivement refuser la reconnaissance de la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire. Elle n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et entrait ainsi dans le cas prévu par le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'autorité préfectorale peut obliger un étranger à quitter le territoire français.
4. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. A l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. La requérante ne pouvait ainsi ignorer qu'une fois sa demande d'asile définitivement rejetée, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ce qu'indiquait d'ailleurs expressément le " Guide du demandeur d'asile en France " dans la version qui lui a été remise, une telle procédure n'ayant pas été introduite par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, contrairement à ce qu'elle affirme. Elle n'établit pas ni même n'allègue qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle aurait été empêchée de s'exprimer, notamment à propos de son état de santé, avant que ne soit prise la décision attaquée. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui est exposé au point 6 du présent arrêt, que la requérante aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir à cet égard qui auraient pu conduire la préfète à prendre une décision différente. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que Mme A...aurait été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
6. Mme A...invoque le bénéfice des dispositions précitées, faisant valoir qu'elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif sévère en lien avec des évènements vécus au Kosovo. Toutefois, le certificat médical établi le 29 septembre 2017 par un médecin généraliste, exposant que la requérante souffre d'un syndrome anxio-dépressif et de troubles oculaires, accompagné d'une prescription médicale et de deux rendez-vous hospitaliers, n'établissent ni que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Ariège aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. Enfin, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et selon l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Mme A...est entrée en France le 15 novembre 2016 avec ses deux enfants, son mari et sa belle-mère. Ces derniers font également l'objet de mesures d'éloignement, dont la légalité est confirmée par des arrêts de la cour de ce jour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante justifie de liens privés, familiaux et professionnels en France tels qu'elle aurait vocation à y demeurer. De plus, elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. La cellule familiale pourra ainsi s'y reconstituer et la vie familiale s'y poursuivra, ainsi que la scolarisation des enfants. Dans ces conditions, en lui faisant obligation de quitter le territoire, la préfète de l'Ariège n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
10. L'arrêté contesté mentionne le rejet de la demande d'asile de MmeA..., vise les textes applicables à sa situation et notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et relève que l'intéressée n'établit pas être exposée aux traitements visés par ces stipulations en cas de retour au Kosovo. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée et il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète ne se serait pas interrogée sur les risques encourus par l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine.
11. En vertu de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En l'occurrence, Mme A...n'établit pas qu'elle serait exposée à des risques pour sa sécurité en cas de retour au Kosovo. Elle se contente en effet de reprendre le même récit que celui présenté lors de ses entretiens à l'OFPRA et à la CNDA mais ne justifie de la réalité des évènements décrits par aucune pièce versée au dossier. Ainsi, elle ne démontre pas l'existence de risques personnels et réels à la date de l'arrêté attaqué en cas de retour dans son pays. Par suite, en fixant le pays de destination, la préfète n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00113