Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, M.D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen circonstancié de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; lui-même et son épouse ont une résidence séparée parce qu'ils ont été expulsés de leur logement commun au mois de juillet 2017 ; l'absence de communauté de vie a été retenue par le préfet sur l'unique base d'un procès-verbal de gendarmerie, établi après la mesure d'expulsion dont ils ont fait l'objet, et sans prendre en considération leur volonté de continuer à vivre ensemble ;
- en ne l'admettant pas au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il réside sur le territoire français de façon continue depuis le 1er janvier 2012 ; il exerce une activité professionnelle depuis l'année 2014 ; il a été contraint d'arrêter son travail en raison de l'accident dont il a été victime le 6 juin 2017 et il lui est nécessaire de poursuivre sur place les soins qui lui sont prodigués ; par ailleurs, il ne vit pas en état de polygamie et ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 1er mars 2018, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'était pas invoqué à l'appui de la demande de titre de séjour ;
- l'absence de communauté de vie ancienne et stable entre les époux ressort des pièces du dossier ;
- eu égard à l'ensemble de la situation personnelle du requérant, le refus de lui délivrer un titre de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 30 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 9 octobre 1987, en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., de nationalité marocaine, né le 1er janvier 1979, est entré en France le 1er janvier 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours valable du 12 décembre 2011 au 25 janvier 2012. A la suite de son mariage avec une ressortissante française, il a bénéficié le 30 août 2013 d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", renouvelé jusqu'au 6 juillet 2017. Le 16 juin 2017, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 28 septembre 2017, le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D...relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en mentionnant en particulier ses article L. 313-11 4° et L. 313-14. Il indique, notamment, les conditions d'entrée et de séjour en France de M.D..., la circonstance qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, que la communauté de vie du requérant et de son épouse n'est pas avérée, qu'il est sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc. Il précise également que l'intéressé ne fait état d'aucune considération humanitaire ou circonstance exceptionnelle justifiant une admission exceptionnelle au séjour, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et que M. D...n'indique pas dans sa demande que l'arrêté litigieux contreviendrait aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de Lot-et-Garonne, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé les circonstances de droit et de fait qui fondent l'arrêté contesté. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé. Cette motivation révèle que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet ne s'est pas abstenu de procéder à un examen circonstancié de sa situation personnelle.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".
4. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de conjoint de Français formulée par M. D...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a relevé, notamment, que le rapport d'enquête administrative établi le 25 juillet 2017 par la gendarmerie de Tonneins, n'a pas permis d'établir la réalité d'une vie commune entre les époux. Le requérant fait valoir que l'autorité préfectorale n'apporte pas la preuve de l'audition de son épouse, Mme C..., dans le cadre d'une procédure pénale, que leur résidence séparée depuis le mois de juillet 2017 est due à leur expulsion de leur logement et que tous deux ont de nombreux projets communs. Toutefois, les pièces versées au dossier par le requérant comportent des adresses différentes auxquelles il n'est pas démontré que les époux auraient concomitamment résidé. Il ressort des données recueillies lors de l'enquête menée par les services de gendarmerie que la présence habituelle de l'intéressé n'est pas avérée dans deux des logements occupés par sa conjointe en particulier au cours des années 2015, 2016 et 2017 et que son épouse a déclaré en septembre 2016 avoir une liaison avec une autre personne depuis un an. M. D...ne verse au dossier aucune attestation de son épouse ou d'autres personnes tendant à démontrer la réalité d'une communauté de vie. Dans ces conditions, il ressort suffisamment des pièces du dossier que M. D...ne peut se prévaloir d'une communauté de vie qui n'aurait pas cessé depuis le mariage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
6. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. ". Les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, précitées, régissent l'intégralité des conditions dans lesquelles un titre de séjour portant la mention " salarié " est délivré aux ressortissants marocains. Ces stipulations font, dès lors, obstacle à l'application, auxdits ressortissants, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles sont relatives à la délivrance d'un tel titre de séjour. Il suit de là que le moyen tiré par l'appelant, de nationalité marocaine, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'elles concernent la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", est inopérant et doit être écarté.
7. M. D...fait valoir l'ancienneté de sa présence habituelle en France depuis près de six ans, qu'il occupe un emploi depuis l'année 2014 et qu'il doit poursuivre les soins nécessités par son état de santé à la suite de l'accident de travail intervenu le 6 juin 2017. Toutefois, et alors qu'il ne justifie pas d'une communauté de vie avec son épouse, qu'il n'a pas d'enfant à charge, qu'il dispose de fortes attaches familiales au Maroc où résident ses parents et cinq membres de sa fratrie et qu'il ne démontre pas qu'il ne pourrait pas faire l'objet d'un suivi médical adapté dans son pays d'origine, les seules circonstances qu'il invoque ne sauraient permettre de regarder comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation le refus du préfet de régulariser sa situation par la délivrance d'une carte " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, en tout état de cause, être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être également rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
5
N° 18BX00230