Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 juin 2016, 27 octobre 2017, 2 mars et 6 avril 2018 M. B..., représenté par Me Dubourg, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 avril 2016 en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner la commune de Rennes à lui verser les sommes de 11 700 euros et 5 000 euros en réparation de ses préjudices, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rennes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- sa perte de revenus professionnels a été sous-évaluée par le tribunal administratif ;
- son préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence sont établis.
Par des mémoires enregistrés les 23 décembre 2016, 1er février et 21 mars 2018 la commune de Rennes conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen et de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B...ne justifie pas par la production de pièces comptables probantes de la réalité de ses préjudices et notamment de son taux de marge nette déduction faite de ses charges ;
- M.B..., qui était en arrêt pour maladie pendant la période de suspension de son agrément, a perçu des indemnités journalières dont il doit être tenu compte pour calculer la réparation de son préjudice ;
- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me Dubourg, représentant M.B....
1. Considérant que par un arrêté du 27 août 2010, le maire de Rennes a suspendu pour trois mois, du 27 août 2010 au 26 novembre 2010, l'autorisation de stationnement de M. B..., artisan taxi, au motif qu'il avait agressé un de ses collègues ; que, par une décision du 4 octobre 2010, la même autorité a refusé de retirer cet arrêté ; que ces deux décisions ont été annulées pour erreur de fait par le tribunal administratif de Rennes par un jugement du 29 mai 2013 devenu définitif ; que M. B...relève appel du jugement du 14 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes n'a fait que partiellement droit à sa demande de réparation des préjudices causés par la suspension illégale dont il a fait l'objet ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Rennes demande à la cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser 4 000 euros à M.B... ;
Sur la responsabilité de la commune de Rennes :
2. Considérant que, comme il a été dit au point 1, l'arrêté du 27 août 2010 du maire de Rennes et la décision du 4 octobre 2010 confirmant cet arrêté ont été annulés par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Rennes du 29 mai 2013 ; que, par suite, l'illégalité fautive qui entache la décision du maire de suspendre l'autorisation de stationnement de M. B... du 27 août au 26 novembre 2010 engage la responsabilité de la commune et ouvre droit à la réparation des préjudices subis par M. B...du fait de cette décision ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne le préjudice financier :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen de la comptabilité de M. B...pour l'année 2010, produite pour la première fois en appel, que celui-ci n'a tiré aucun revenu de son activité de taxi pendant la période de suspension de son autorisation de stationnement ; que le chiffre d'affaires de M.B..., en tenant compte de sa période d'inactivité forcée, doit être évalué à 150 euros par jour, ainsi que l'a calculé son expert-comptable ; que, contrairement à ce que fait valoir la commune de Rennes, il ne résulte pas de l'instruction que pendant la période de suspension de son autorisation de stationnement M. B... aurait été placé en congé pour maladie et perçu, à ce titre, des indemnités journalières qu'il conviendrait de déduire de son préjudice indemnisable ; qu'en revanche, il y a lieu de déduire de la perte de chiffre d'affaires subie par M. B...les frais de carburant et d'entretien de son taxi, qui sont des charges variables inhérentes à son activité ; qu'il résulte de l'instruction que la part de ces frais doit être estimée à 24,75% du chiffre d'affaires ; que, par suite, sur la base d'une période d'inactivité de 78 jours, le préjudice financier subi par M. B... doit être fixé à la somme de 8 804,25 euros ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
4. Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rennes, la mesure de suspension illégale dont a fait l'objet M. B...au motif qu'il avait agressé un collègue, motif censuré par la juridiction administrative pour erreur de fait, lui a causé un préjudice moral en portant atteinte à sa réputation et des troubles dans ses conditions d'existence en l'empêchant d'exercer son activité professionnelle ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en accordant à M. B...la somme de 2 500 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a droit aux intérêts sur la somme de 11 304,25 euros mise à la charge de la commune de Rennes à compter du 20 décembre 2013, date de réception de sa demande indemnitaire préalable par la commune de Rennes ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 18 avril 2014 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 décembre 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. B...est seulement fondé à demander que la somme de 4 000 euros accordée par le tribunal soit portée à 11 304,25 euros, cette somme portant intérêts et capitalisation des intérêts dans les conditions rappelées au point précédent ; que, d'autre part, la commune de Rennes n'est pas fondée à faire valoir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser M. B...;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Rennes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Rennes, au profit de Me Dubourg, avocat de M.B..., la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions, sous réserve que Me Dubourg renonce à la part contributive de l'Etat
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 4 000 euros que la commune de Rennes a été condamnée à verser à M. B...par le tribunal administratif de Rennes est portée à 11 304,25 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2013. Les intérêts seront capitalisés à compter du 20 décembre 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement n° 1401902 du tribunal administratif de Rennes du 14 avril 2016 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt ;
Article 3 : La commune de Rennes versera à Me Dubourg la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Rennes et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la commune de Rennes.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01907