Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 décembre 2017, MmeA..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2017 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Gironde du 12 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- alors que la preuve de la notification de la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande n'a pas été apportée par le préfet, qui a produit une autre pièce en lieu et place de cette notification, c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il appartient au préfet de justifier de la notification de la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande ; la simple production d'une copie d'écran de l'application informatique " TELEMOFPRA " ne constitue pas une preuve de la notification par voie postale ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à la date de la décision elle était enceinte de quatre mois et le père de l'enfant à naître est un ressortissant béninois résidant de façon régulière en France, disposant d'un récépissé de demande de titre de séjour ; la décision attaquée aura pour effet de séparer l'enfant à naître de son père ; au regard de leurs nationalités différentes, la cellule familiale ne pourra pas être reconstituée dans le pays de l'un ou l'autre des parents de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ;
- pour les mêmes motifs que ceux opposés à la décision de refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en raison d'une tache de naissance, elle est ostracisée ; elle risque également de subir un mariage forcé et une excision en cas de retour au Nigéria.
Un mémoire, enregistré le 1er mars 2018, a été présenté par le préfet de la Gironde qui conclut au rejet de la requête et renvoie à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 17 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2018 à 12h00.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., née le 14 février 1986, de nationalité nigériane, est entrée selon ses déclarations irrégulièrement en France le 29 janvier 2015. Sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 février 2016, confirmée le 13 février 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 12 juin 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la demande d'asile de MmeA..., présentée antérieurement au 1er novembre 2015 : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la Cour.
4. Mme A...soutient que la décision du 13 février 2017 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande d'asile ne lui a pas été notifiée. Si le préfet de la Gironde, qui renvoie à ses écritures de première instance, soutenait devant les premiers juges que cette décision a été effectivement notifiée le 16 mars 2017 à l'intéressée avant l'édiction de son arrêté du 12 juin 2017, la requérante le conteste. Sollicité par le tribunal administratif de Bordeaux de produire la preuve qui lui incombe de cette notification, le préfet a seulement produit un arrêté de délégation de signature. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 742-3, prendre à l'encontre de Mme A...les décisions lui refusant l'admission au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 juin 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction:
6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
7. L'exécution du présent arrêt implique, par application des dispositions précitées, qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
8. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Aymard, avocat de MmeA..., de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 12 juin 2017 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Aymard, avocat de Mme A... une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde et à Me Aymard.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès , président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX04179