Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mars 2016, M.C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503359 du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 18 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, au besoin sous astreinte à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de Me Rossi, avocat de M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant marocain né en 1981, est entré en France selon ses déclarations en 2012. Le préfet de la Haute-Corse lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 12 février 2013 au 11 février 2016. Il a sollicité le 17 mars 2015 auprès du préfet de Tarn-et-Garonne la délivrance d'une carte de séjour au titre de sa vie privée et familiale. M. C...relève appel du jugement du 4 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 18 juin 2015 portant retrait de la carte de séjour " travailleur saisonnier " et refus de titre de séjour, faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la recevabilité :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". L'article R. 751-3 dudit code dispose que : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ". Aux termes de l'article R. 776-9 de ce code situé dans le chapitre relatif au contentieux des obligations de quitter le territoire : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée (...) ". Il résulte de l'application combinée de ces dispositions que le délai d'appel d'un jugement statuant sur la légalité d'un arrêté comportant une mesure d'obligation de quitter le territoire français, court pour chaque partie à compter du jour où le jugement lui a été notifié à son domicile réel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'adresse du domicile réel correspond à celle indiquée par les parties dans leur mémoire introductif d'instance sauf si, dans une correspondance ultérieure à celui-ci et antérieure à la notification, elles ont mentionné de manière explicite leur changement d'adresse.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'adresse indiquée par M. C...dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif de Toulouse était : " 18 Quai Avenue du Dr A...- 82 200 Moissac". Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que M. C...ait communiqué une autre adresse dans une correspondance ultérieure à ce mémoire. Or le jugement attaqué a été notifié à M. C...par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée au " 18 avenue du Dr A...- 82 200 Moissac ". Le pli a été retourné au tribunal avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Dès lors, faute pour le tribunal d'avoir notifié à l'adresse exacte indiquée dans le mémoire introductif d'instance, la notification du jugement attaqué ne peut être regardée comme régulière. Ce défaut de notification n'ayant pu faire courir le délai d'appel, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel opposée par le préfet de Tarn-et-Garonne ne peut qu'être rejetée.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 juin 2015 :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
5. M. C...fait valoir qu'il séjourne régulièrement pendant six mois chaque année depuis 2012 en France, où il a bénéficié d'une carte de séjour en qualité de travailleur saisonnier, qu'il a épousé en 2009 une compatriote, MmeD..., titulaire d'une carte de résident récemment renouvelée en 2016, qu'un enfant est né de leur union le 22 novembre 2014 à Moissac et qu'il justifie de sa bonne intégration en France notamment par le travail. Si le préfet de Tarn-et-Garonne ne conteste pas qu'il vit avec son épouse et leur fils né en 2014, il soutient que la situation de M. C...relevait de la procédure du regroupement familial. Il résulte cependant de ce qui est énoncé au point précédent que cette circonstance ne saurait être prise en compte dans l'appréciation de l'atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale. Dès lors, au regard des attaches familiales en France de M. C...et des conditions de son séjour, l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 17 juin 2015.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " .
8. Compte tenu du motif sur lequel elle repose, l'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement, en l'absence de nouveaux éléments, que soit délivré à M. C...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de délivrer ce titre de séjour à l'intéressé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. En l'espèce, M. C...n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 24 mars 2016, sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503359 du 4 décembre 2015 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de Tarn-et-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 16BX00869