Procédure devant la cour :
I) Par une requête, enregistrée le 22 mars 2016 sous le n° 1601006, M.A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401467 du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 septembre 2013 et la décision du 27 janvier 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1.500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- et les observations de Me Cesso, représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité djiboutienne, a résidé régulièrement en France en qualité d'étudiant, d'octobre 2007 au 14 novembre 2011. Après avoir fait l'objet, le 6 décembre 2011, d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, à laquelle il n'a pas déféré, il a sollicité, le 7 février 2013, son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7°, L. 313-10, et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Par une décision du 24 septembre 2013, confirmée sur recours hiérarchique le 27 janvier 2014 par le ministre de l'intérieur, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande. Par un arrêté du 18 juin 2015, le préfet a également rejeté la nouvelle demande, présentée le 20 juin 2014, d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du CESEDA et de la circulaire du 28 novembre 2012, a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement et d'une interdiction de retour pendant deux ans, puis a fixé le pays de renvoi. Par deux jugements n° 1401467 et 1504360 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté et des décisions contestés. Par ses requêtes enregistrées sous les n° 16BX01006 et 16BX01038, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. A...demande l'annulation de ces jugements.
2. L'article L. 313-10 CESEDA autorise la délivrance de la carte de séjour temporaire pour l'exercice d'une activité professionnelle à l''étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément à l'article L. 341-2 du code du travail, repris à l'article L. 5221-2 qui exige : " (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail.". En vertu de l'article L. 5221-5 du même code, un étranger autorisé à séjourner en France ne peut y exercer une activité professionnelle salariée sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail susmentionnée. L'article R. 5221-3 prévoit que cette autorisation de travail peut être constituée, notamment, par " la carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code (...) ". L'article R. 5221-11 prévoit la présentation de la demande par l'employeur et, en vertu de l'article R. 5221-15, lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, l'envoi de cette demande au préfet du département. Aux termes de l'article R. 5221-17 : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ". Enfin, selon l'article R. 5221-20 du même code, pour accorder ou refuser l'autorisations de travail, le préfet prend en compte notamment " : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) 5o Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ...) 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L.3232-1 ... ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse : " La situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté. ".
3. La demande d'autorisation de travail a été présentée pour un emploi d'agent d'entretien, seul visé lors du dépôt de la demande. Pour rejeter, d'une part, cette demande présentée par le proviseur du lycée Gustave Eiffel le 18 janvier 2013, d'autre part, la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10, le préfet s'est référé à l'avis défavorable émis le 20 juin 2013 par la DIRECCTE, qui avait relevé notamment que les étrangers ne peuvent bénéficier d'un contrat aidé et que les exigences du 2° et du 6° de l'article R. 5221-20 précité du code du travail étaient méconnues. Le préfet, qui n'était pas tenu de saisir à nouveau la DIRECCTE, a entendu statuer sur la demande d'autorisation de travail dont il était saisi par le proviseur du lycée Gustave Eiffel le 18 janvier 2013 sur la base du contrat à durée déterminée de six mois conclu le 1er octobre 2012 avec M. A...pour un emploi, d'une durée hebdomadaire de 20 heures, en qualité d'agent d'entretien. Le caractère erroné des motifs retenus par le préfet concernant, d'une part, l'adéquation entre l'emploi sollicité et l'expérience professionnelle du demandeur, d'autre part, l'insuffisance de la rémunération mensuelle inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance ne sont sérieusement contestés en appel par le préfet, qui fait valoir que la profession d'agent d'entretien ne figure pas sur la liste des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement en Aquitaine, annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, alors en vigueur. Toutefois, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit à la substitution de motif ainsi sollicitée.
4. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête n° 16BX01006, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 septembre 2013 du préfet de la Gironde et du 27 janvier 2014 du ministre de l'intérieur. Cette annulation implique seulement le réexamen de la demande de M. A... et la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Gironde d'y procéder dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
5. M. A...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cesso, de la somme de 1.200 euros au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
6. Eu égard à l'annulation et à l'injonction prononcées au point 4, les conclusions de la requête n° 16BX01038 dirigées contre l'arrêté du 18 juin 2015 peuvent dans les circonstances de l'affaire être regardées comme ayant perdu leur objet.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1401467 du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux, la décision du 24 septembre 2013 du préfet de la Gironde et la décision du 27 janvier 2014 du ministre de l'intérieur sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de M. A...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16BX01038.
Article 4 : L'Etat versera à Me Cesso, avocat de M.A..., la somme de 1.500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 16BX01006 de M. A...est rejeté.
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N° 16BX01006, 16BX01038