Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 janvier 2016 et le 26 avril 2016 sous le n° 16BX00304, Mme D...H...et M. C...F..., représentés par MeB..., demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1403999 du 10 décembre 2005 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif ; 3°) de condamner Mme E...à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et à supporter les entiers dépens.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
II. Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016 et un mémoire enregistré le 29 mars 2016 sous le n° 16BX00305, Mme D...H...et M. C...F...demandent à la cour de surseoir à l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Bordeaux et de condamner Mme A...E...au versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
III. Par un recours enregistré le 9 février 2016 sous le n°16BX00567, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande à la cour d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Bordeaux du 10 décembre 2015 et de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse, président de chambre ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant MmeH..., M. F... et la selarl pharmacie de la Croix Blanche et de MeG..., représentant MmeE....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 juillet 2014, le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine a autorisé le regroupement des pharmacies Brochet-Caussarieu, exploitée par MmeH..., et de la Croix-Blanche, exploitée par M.F..., situées respectivement 50 rue Ernest Renan et 108 rue de la Croix Blanche à Bordeaux, et leur transfert au 11-21 cours Marc Nouaux à Bordeaux, à proximité de la pharmacie Bel-Orme exploitée par MmeE..., située au 90 de ce même cours. Mme E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté. Par la requête enregistrée sous le n° 16BX00304, Mme H...et M. F...font appel du jugement du 10 décembre 2005 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a également fait appel de ce jugement, par le recours enregistré sous le n° 16BX00567. Mme H...et M. F...ont en outre demandé à la cour, par la requête enregistrée sous le n° 16BX00305, le sursis à exécution de ce même jugement.
Sur la requête n° 16BX00304 et le recours n°16BX00567 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. Mme H...et M. F...font valoir que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne tient pas compte de leurs conclusions tendant à ce que les effets de l'annulation éventuellement prononcée soient modulés dans le temps et en ce qu'il ne répond pas à ces conclusions. Toutefois, ces conclusions ont été formulées après la clôture de l'instruction, dans une note en délibéré. Cette note ne contenait pas l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont les intéressés n'auraient pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. Dès lors, en la visant dans son jugement sans l'analyser et sans répondre expressément à son contenu, le tribunal administratif n'a commis aucune irrégularité.
Au fond :
4. Aux termes des dispositions de l'article R. 5125-l du code de la santé publique, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " L'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie ou de regroupement d'officines, sauf pour celles mentionnées à l'article L. 5125-19, est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s'il s'agit d'une personne morale. Lorsque la demande est présentée par une société ou par plusieurs pharmaciens réunis en copropriété, elle est signée par chaque associé ou copropriétaire devant exercer dans l'officine. / La demande est accompagnée d'un dossier comportant : 1° L'identité, la qualification et les conditions d'exercice professionnel des pharmaciens auteurs du projet; (. . .)/ 3° La localisation de l'officine projetée et, le cas échéant, de l'officine ou des officines dont le transfert ou le regroupement est envisagé ;/ 4° Les éléments de nature à justifier les droits du demandeur sur le local proposé ; (. . .) La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Lorsque le dossier est complet, le directeur général de l'agence régionale de santé procède à l'enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l'heure de cet enregistrement. ". L'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie, modifié par arrêté du 6 juin 2000, précise que pour toute demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, le dossier mentionné à l'article précité du code de la santé publique doit notamment comporter l'un des documents suivants : " a) Soit le permis de construire, lorsque celui-ci est exigé en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme pour la réalisation ou l'aménagement des locaux ; dans le cas où ce permis a été obtenu tacitement, doit être fournie l'attestation certifiant qu'aucune décision négative n'est intervenue à l'égard de la demande de permis de construire ou indiquant les prescriptions inscrites dans la décision accordant le permis de construire délivrée dans les conditions prévues à l'article R. 421-31 du code de l'urbanisme ; b) Soit, dans le cas de travaux soumis à la déclaration prévue à l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme, la justification du dépôt de cette déclaration de travaux accompagnée d'une attestation sur l'honneur qu'aucune décision d'opposition n'a été notifiée au déclarant dans le délai réglementaire, ou la décision de l'autorité compétente d'imposer des prescriptions prévue à l'article R. 422-9 de ce code ; c) Soit une attestation sur l'honneur du demandeur selon laquelle sa demande n'implique ni une demande de permis de construire ni une déclaration de travaux au titre du code de l'urbanisme ".
5. Comme l'a rappelé le jugement attaqué, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, de vérifier le caractère complet du dossier présenté à l'appui de cette demande, et un dossier ne peut être regardé comme complet sans la production de l'autorisation d'urbanisme requise ou des documents justifiant de son obtention tacite, alors même que l'intéressé attesterait sur l'honneur que les travaux programmés ne sont soumis à la délivrance d'aucune autorisation.
6. Il ressort des pièces du dossier que, le 22 février 2013, une demande de permis de construire a été déposée par le " groupe Réaumur France " en vue d'autoriser dans la résidence du 11-21 cours Marc Nouaux à Bordeaux, d'une part, un changement de destination pour des locaux d'une superficie de 414 m², d'autre part, une modification de façade. Le projet, autorisé par un permis délivré le 2 mai 2013, prévoyait que le garage préexistant devait être remplacé par un cabinet médical, une pharmacie et une crèche. La pharmacie sur laquelle portait ce projet correspond au local pour lequel Mme H...et M. F...ont demandé l'autorisation de transfert qui leur a été accordée par l'arrêté litigieux du 29 juillet 2014. Il ressort également des mêmes pièces qu'une demande de permis de construire modificatif a été présentée le 6 juin 2014 portant notamment sur la suppression du cabinet médical, la modification des aménagements intérieurs et des façades. L'autorisation correspondante a été délivrée le 2 décembre 2014. Ce projet modificatif concernait notamment les aménagements intérieurs des locaux devant accueillir l'officine objet de l'autorisation litigieuse.
7. De ce qui précède, il résulte que la demande d'autorisation de regroupement et de transfert présentée par Mme H...et M. F...portait sur des locaux dont l'aménagement nécessitait la délivrance d'un permis de construire, ce qui n'est au demeurant aucunement contesté. Or, le dossier de demande d'autorisation déposé par les intéressés ne faisait aucune allusion à une telle nécessité, mais, au contraire, comportait deux attestations sur l'honneur, établies par eux le 2 avril 2014, aux termes desquelles le transfert de la nouvelle officine " n'implique ni une demande de permis de construire ni une déclaration de travaux au titre du code de l'urbanisme ". Compte tenu de ce qui a été rappelé au point 4, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le dossier ne pouvait donc être regardé comme complet.
8. L'exigence d'un dossier de demande d'autorisation présentant un caractère complet n'est pas de pure forme. Le caractère complet du dossier conditionne en effet l'application de la condition d'antériorité posée par l'article L. 5125-5 du code de la santé publique. Il conditionne également l'appréciation que l'administration est conduite à porter sur le projet, notamment sur la capacité du demandeur à desservir la population d'accueil dans le délai qui lui est imparti pour ouvrir la pharmacie après la délivrance de l'autorisation. Dans ces conditions, l'absence, dans le dossier de demande d'autorisation de transfert et/ou de regroupement, du permis de construire qu'implique l'aménagement des locaux dans lesquels doit être installée l'officine, d'une part, affecte la légalité interne de l'autorisation, d'autre part, n'est pas dépourvue d'influence sur l'appréciation que porte l'administration sur cette demande. Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé l'annulation de l'autorisation délivrée à Mme H...et M. F...le 29 juillet 2014.
9. Il résulte de ce qui précède que MmeH..., M. F...et la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'autorisation dont il s'agit.
Sur les conclusions de la requête n° 16BX00305 tendant au sursis à exécution :
10. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 décembre 2015, les conclusions de la requête n°16BX00305 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Mme E...n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme E...de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la charge de Mme H...et M. F...le versement à Mme E...d'une somme globale de même montant au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16BX00304 de Mme H...et M. F...et le recours n° 16BX00567 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sont rejetés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme E...au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative. Mme H...et M. F...lui verseront la même somme au même titre.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16BX00305 à fin de sursis à exécution.
''
''
''
''
N° 16BX00304, 16BX00305, 16BX00567 - 3 -