Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 4 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en refusant de l'admettre au séjour dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; résidant en France depuis plus de vingt ans, elle justifie de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens sur le territoire national ; prise en charge par un cousin puis par l'une de ses soeurs titulaire d'une carte de résident, elle a suivi toute sa scolarité à Mayotte jusqu'en 2003 et dispose d'une promesse d'embauche ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est bien intégrée en France où elle possède de très fortes attaches familiales et personnelles ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle entend solliciter le bénéfice de l'ensemble des moyens précédemment développés concernant le refus de séjour, notamment la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses nombreux liens sur le territoire national ;
- la mesure d'éloignement procède d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquels elle est fondée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est mépris sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation ;
- la même décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'elle justifie de la nécessité de lui octroyer un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire national ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle ne dispose plus d'aucune attache dans son pays d'origine ;
- la même décision, qui ne mentionne pas les risques qu'elle encourrait en cas de retour aux Comores, n'a pas pris en compte sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2018, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête de MmeC....
Il soutient que :
- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme C...dès lors que l'intéressée ne justifie pas de l'ancienneté de sa résidence en France, ne démontre pas l'intensité des liens qu'elle aurait noués avec les membres de sa famille séjournant à Mayotte, n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales aux Comores et se trouve par ailleurs célibataire et sans enfant ;
- l'arrêté en litige ne porte pas davantage atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de MmeC..., garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les éléments produits ne permettent d'établir ni le caractère stable, ancien et continu de la présence de la requérante sur le territoire français, ni ses conditions d'existence, ni son insertion dans la société et ne démontrent pas davantage qu'elle aurait des relations suivies avec sa famille à Mayotte.
Par ordonnance du 23 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité comorienne, est entrée initialement en France le 21 octobre 1994 à l'âge de neuf ans. En 2016, elle a sollicité un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de Mayotte, par un arrêté du 5 décembre 2016, a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Il ressort de la motivation du refus de séjour que le préfet de Mayotte a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de MmeC....
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Mme C...se prévaut d'une résidence continue de plus de vingt ans en France, où elle fait valoir qu'elle est bien intégrée, et de la présence sur le territoire national de ses soeurs en situation régulière. Toutefois, s'il est établi qu'elle est arrivée à Mayotte initialement en octobre 1994, à l'âge de neuf ans, et y a suivi sa scolarité jusqu'au mois de juin 2003, les éléments produits sont insuffisants, par leur nombre, leur teneur et leur nature, pour justifier d'une résidence habituelle et continue en France à compter du second semestre 2003 et jusqu'à la fin de l'année 2015. Ainsi, aucun document n'est produit pour la période couvrant les années 2003 à 2008 et, pour la période couvrant les années 2009 à 2015, les pièces versées aux débats résident uniquement, à l'exception d'un certificat de stage de quatre mois en 2012, en des avis d'imposition faisant état d'une absence de revenus imposables, auxquels sont parfois jointes, selon les années, une ou deux factures ou feuilles de soins. Quant aux attestations établies par des membres de sa famille et des voisins, elles sont peu circonstanciées et ne permettent pas davantage d'établir la réalité d'une présence continue sur le territoire national. Mme C...est par ailleurs célibataire et sans enfant et, si ses parents sont décédés et deux de ses soeurs résident régulièrement à Mayotte, dont une l'héberge, elle n'établit pas pour autant qu'elle ne disposerait d'aucune attache personnelle aux Comores et s'y trouverait en situation d'isolement. Enfin, la requérante, qui n'a pas fait diligence pour chercher à régulariser sa situation au regard du droit au séjour, ne justifie pas, par la seule production d'une promesse d'embauche, d'une insertion sociale et professionnelle particulièrement aboutie en France. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante dont serait entachée la mesure d'éloignement.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " .
9. Alors qu'il est constant que Mme C...n'a pas fait de demande portant sur la fixation d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée et n'aurait pas examiné la situation particulière de l'intéressée avant de fixer le délai de départ volontaire la concernant à trente jours.
10. Aucune circonstance ressortant du dossier ne permet d'estimer qu'un délai supérieur à trente jours aurait dû être accordé à la requérante pour quitter volontairement la France. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui accordant un délai de trente jours, qui est le délai normalement accordé pour quitter volontairement le territoire, sauf circonstances exceptionnelles.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de l'ensemble de la situation personnelle de Mme C...pour désigner le pays de destination.
12. Il y a lieu d'écarter, par les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision fixant le pays de renvoi.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2016 du préfet de Mayotte.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Mayotte et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00233