Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2015, M.A..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bertrand Riou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité guinéenne, né le 22 juin 1989, est entré irrégulièrement en France le 29 décembre 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 18 février 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 octobre 2014. M. A...a sollicité, le 3 décembre 2014, un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 1er juillet 2015, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. M. Serge Bideau, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature de la préfète de la Vienne par arrêté en date du 20 octobre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 145 du même jour. Cet arrêté de délégation prévoit à l'article 3 que, s'agissant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, délégation de signature est consentie à M. Serge Bideau " pour l'ensemble de ses dispositions ", ce qui comprend notamment les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Une telle délégation n'est donc nullement imprécise. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de M. Serge Bideau pour signer l'arrêté contesté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Selon l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision en litige vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 313-11-11°. Si la décision contestée mentionne dans ses visas l'article R. 313-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lieu et place de l'article R. 313-22 du même code, cette circonstance qui résulte d'une erreur de plume est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. La même décision précise également, après avoir rappelé les conditions d'entrée et de séjour de M. A... sur le territoire national, que sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, que le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis défavorable pour sa prise en charge médicale, que les soins et traitements nécessaires à l'intéressé sont disponibles en Guinée, qu'il ne justifie pas qu'il serait dans l'impossibilité d'accéder à des soins adaptés dans ce pays, qu'un retour dans le même pays ne serait pas de nature à porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée dès lors qu'il est entré en France à l'âge de vingt-trois ans et que sa proche famille réside en Guinée. Cette motivation en fait est suffisante pour permettre au requérant de connaître les motifs du refus opposé à sa demande. Par suite, le préfet, qui n'a pas édicté une décision stéréotypée et qui n'était pas tenu d'y faire figurer de façon exhaustive tous les éléments de la situation du requérant, a suffisamment motivé sa décision en droit comme en fait au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979.
4. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l' ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...)". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d' autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
5. L'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 4 février 2015 énonce que si l'état de santé de M.A..., atteint d'une pathologie urinaire infectieuse, nécessite des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce traitement existe dans le pays d'origine de l'intéressé. Ni les certificats médicaux, dont celui du docteur Picaud, médecin généraliste, daté du 20 novembre 2014 et celui du praticien hospitalier qui l'a opéré au mois de mars 2015, qui ne se prononcent pas sur l'absence en Guinée du traitement nécessaire au requérant, ni les autres documents, ordonnance et résultats d'examens médicaux, produits par l'intéressé ne sont de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. Par ailleurs, si M. A...affirme que son état s'est aggravé, les pièces versées au dossier ne permettent pas de le démontrer. Il ne peut se prévaloir d'un changement de médication pour solliciter un nouvel avis du médecin de l'agence régionale de santé dès lors qu'un nouveau remède ne lui a été prescrit que pour une durée de huit jours à l'issue d'une intervention chirurgicale. De plus, pour contester l'existence d'un traitement approprié, l'intéressé ne peut utilement invoquer le fait que l'accès effectif aux soins dont il a besoin lui serait difficile, tant financièrement que géographiquement. M. A...n'a fait valoir auprès du préfet aucune circonstance humanitaire exceptionnelle au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code précité doit être écarté.
6. Il ressort de l'arrêté du 1er juillet 2015 que le préfet de la Vienne a procédé à un examen de la situation personnelle de M. A...avant de rejeter la demande de ce dernier tendant à l'admission au séjour au titre des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ne peut être accueilli.
7. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. M. A...soutient que le refus de titre de séjour le prive de tout traitement alors que la santé est une composante du droit au respect de la vie privée et familiale. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne pourra pas bénéficier de soins adaptés à son état de santé en Guinée où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et où résident, à tout le moins, son épouse, ses parents et les membres de sa fratrie. Dans ces conditions, la décision en litige ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. M. A...soutient qu'en l'absence de soins adaptés dans son pays d'origine, la mesure d'éloignement viole les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que l'absence de traitement approprié n'est pas établie. Dès lors et en tout état de cause, le moyen tiré de la violation des stipulations susmentionnées doit être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
11. Pour les motifs précédemment exposés au point 6, M. A...ne peut être regardé comme entrant dans le champ d'application de ces dispositions. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Considérant qu'au soutien du moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu de l'écarter par adoption du motif pertinemment retenu par les premiers juges.
13. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de M. A...avant d'édicter la décision contestée.
14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En vertu de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d' un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés à son état de santé en Guinée. Par ailleurs, si l'intéressé soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine qu'il a été contraint de fuir en raison de son engagement dans la lutte contre l'excision, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, M.A..., dont la demande d'asile a fait l'objet d'un rejet définitif par les autorités compétentes, n'établit pas qu'il serait exposé à des risques actuels et personnels de traitement contraire aux stipulations précitées en cas de renvoi en Guinée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut dès lors qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige de la Vienne.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
''
''
''
''
2
N° 15BX03865