Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 23 novembre 2015 et le 18 janvier 2016, Mme A...veuveB..., représentée par la SELARL Rivière, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Haute-Garonne du 16 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11-11° ou de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...veuveB..., ressortissante malgache âgée de soixante ans, veuve d'un ressortissant français décédé en 1987, mère de trois enfants français âgés respectivement de 40, 39 et 28 ans, est entrée en France selon ses déclarations le 28 décembre 2004 sous le couvert un visa " ascendant non à charge ". Par arrêté du 25 juillet 2005, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé un titre de séjour " vie privée et familiale ", décision confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 15 mai 2007, puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 13 novembre 2008. Le 26 juin 2013, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, en se prévalant de sa vie privée et familiale et de son état de santé. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 septembre 2015, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2015, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité un titre de séjour en se prévalant, en ce qui concerne son état de santé, uniquement d'un diabète de type II. Dans ses écritures de première instance, elle a également fait valoir qu'elle souffrait aussi d'une hypertension artérielle, de vertiges, de troubles gastriques chroniques et de troubles urinaires. En appel, elle fait valoir qu'elle souffre au surplus d'un syndrome dépressif et fait reproche aux premiers juges d'avoir omis d'examiner sa pathologie psychiatrique alors même que deux pièces en justifiaient, omission qui aurait eu une influence sur le sens de leur décision, dès lors qu'ils n'auraient pas examiné l'accessibilité aux soins pour cette pathologie dans le pays d'origine. Cependant, si la requérante a fait état de l'ensemble de ses multiples pathologies au médecin de l'agence régionale de santé, celles-ci ont toutes été examinées par ce médecin qui a estimé, dans son avis du 4 juillet 2014, que les soins appropriés à l'état de santé de l'intéressée étaient disponibles dans son pays d'origine, ce qui inclut, par voie de conséquence, la pathologie psychiatrique alléguée. Par suite, alors que l'intéressée n'avait, dans ses écritures, soulevé aucun moyen ou argument relatif à la prise en charge de son état psychiatrique à Madagascar et que les deux seuls documents qu'elle avait produit au titre de cet état sont postérieurs à l'arrêté attaqué, les premiers juges, qui ne disposaient pas de l'entier dossier médical, couvert par le secret médical, de l'intéressée, ont néanmoins exercé leur entier contrôle sur la légalité du refus de titre de séjour " étranger malade " opposé à Mme A... veuve B...et n'ont ainsi pas entaché leur jugement d'omission à statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions, en vigueur à la date de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et pouvant, dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en a fait la demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
5. Par un avis en date du 4 juillet 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme A...veuve B...nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existait, dans son pays d'origine, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale et que le traitement nécessité par son état devait, en l'état actuel, être poursuivi pendant une durée indéterminée.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée souffre de plusieurs pathologies, notamment d'un diabète insulinodépendant et d'un syndrome dépressif. S'agissant de cette dernière pathologie, les deux certificats qu'elle invoque, émanant d'une psychologue clinicienne et d'un médecin, respectivement datés des 1er juin et 1er octobre 2015, sont nettement postérieurs à l'arrêté attaqué. S'agissant des autres pathologies, les nombreux documents médicaux produits n'établissent en aucune façon qu'un traitement approprié ne serait pas disponible à Madagascar. Enfin, la requérante se borne à invoquer, de façon générale le mauvais état du système de santé malgache obéré par la survenue d'une épidémie de peste en novembre 2014. Cependant, les documents produits à l'appui de ces derniers propos ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé en ce qui concerne l'existence d'un traitement approprié à ses pathologies à Madagascar, alors que, comme cela a été dit ci-dessus, ce médecin a émis un avis au regard de l'ensemble des affections dont souffrait Mme A...veuve B...à la date à laquelle il l'a examinée et que sa fille mentionne, dans l'attestation produite par la requérante en pièce jointe à sa requête d'appel, qu'il n'est pas contestable que des soins appropriés à son état de santé peuvent lui être dispensés à Madagascar. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne qui, en vertu des dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à apprécier l'effectivité de l'accès aux soins dès lors qu'existe un traitement approprié dans le pays d'origine, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de cet article.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...).".
8. Mme A...veuveB..., née en 1956, fait valoir qu'elle est veuve d'un ressortissant français, décédé en 1987, que tous les membres de sa proche famille, à savoir ses trois enfants et ses petits-enfants, résident en France, pays dans lequel elle vit depuis plus de dix ans et qu'elle n'a plus d'attaches familiales à Madagascar. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'aucun de ses trois enfants ne peut l'héberger ni subvenir correctement à ses besoins, si bien qu'elle vit dans un foyer d'accueil. Elle a vécu, selon ses déclarations, jusqu'à l'âge de quarante-huit ans à Madagascar où elle n'établit pas être dépourvue de ressources ni d'attaches familiales, alors en outre que l'attestation établie par sa fille précise qu'elle a encore de la famille dans son pays d'origine. Par ailleurs, les nombreuses pièces produites par la requérante n'établissent pas de manière certaine sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, comme elle l'allègue, notamment en ce qui concerne l'année 2006 et le début de 2007. En tout état de cause, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme A...veuve B...n'a jamais résidé régulièrement en France, ayant refusé de déférer à la décision portant obligation de quitter le territoire français, édictée à son encontre le 25 juillet 2005 par le préfet de la Haute-Garonne et dont la légalité a été confirmée tant par le tribunal administratif de Toulouse que par la cour de céans. Dans ces conditions, le refus de séjour qui a été opposé à l'intéressée le16 février 2015 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1.-Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Pour les mêmes raisons que celles déjà exposées au point 8 ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...veuve B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...veuve B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A...veuve B...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...veuve B...est rejetée.
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N° 15BX03749