Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2016, MmeC..., représentée par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 octobre 2015 ;
2°) d'annuler la décision précitée du 1er juillet 2013 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de résident dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à titre subsidiaire, de lui enjoindre de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à ce que l'administration ait statué sur sa demande et à titre encore plus subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C..., de nationalité ukrainienne, née en 1981, est entrée en France, selon ses déclarations, le 25 août 2002 accompagnée de son concubin, de nationalité géorgienne. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 11 février 2003, décision confirmée par la CRR le 22 avril 2004. Un taux d'incapacité lui ayant été reconnu par la COTOREP, elle bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés depuis le 1er octobre 2003. Compte tenu de cet état de santé, elle a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade, régulièrement renouvelés, en dernier lieu jusqu'au 5 juin 2014. Le 24 avril 2013, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident, qui lui a été refusée par le préfet de la Vienne par décision du 1er juillet 2013. Mme C... fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 février 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. En ayant, après avoir cité les termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis ceux de l'article L. 314-2 du même code, estimé que " le moyen tiré de la méconnaissance de cet article est inopérant au regard des conditions posées par les dispositions de l'article L. 314-8 de ce même code sur lequel la demande de délivrance de la carte de résident est fondée ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur rejet du moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 314-2. Par suite, ils n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement à cet égard.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M.A..., qui bénéficiait, en sa qualité de secrétaire général de la préfecture de la Vienne, d'une délégation de signature consentie par un arrêté préfectoral du 11 février 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. En vertu de l'article 3 de cet arrêté, M. A... a reçu délégation de signature " pour l'ensemble des décisions prises en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris celles prévues à ses articles L. 552-1, L. 552-7, L. 552-8 et L. 552-9 (...) ". Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette délégation n'étant ainsi ni générale ni imprécise, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué émanerait d'une autorité incompétente doit, par suite, être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. En particulier, elle mentionne les éléments de faits essentiels ayant trait à la situation particulière de MmeC..., comme sa date d'entrée en France et celle de l'obtention de son premier titre de séjour et elle précise que l'intéressée ne justifie ni de ressources stables et suffisantes sur les cinq dernières années ni d'une activité professionnelle stable. Ainsi, et alors même que le préfet n'était pas tenu d'effectuer une description exhaustive de la situation personnelle de l'intéressée, sa décision répond aux exigences de motivation des actes administratifs posées notamment par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979.
5. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée : " Les Etats membres exigent du ressortissant d'un Etat tiers de fournir la preuve qu'il dispose (...) a) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné (...) ". Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées (...) aux articles L. 313-11 (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" s'il dispose d'une assurance maladie. (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...)".
6. Ces dispositions doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive du 25 novembre 2003, dont elles assurent la transposition, et qui visent à permettre la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, valable dans l'ensemble du territoire de l'Union, aux ressortissants de pays tiers résidant dans un Etat membre et remplissant certaines conditions, dont celle de disposer de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge de l'Etat, ainsi qu'à uniformiser la définition des ressources prises en compte à cette fin. Cette directive permet aux Etats membres de ne prendre en compte que les ressources propres du demandeur, sans y adjoindre les prestations dont il peut bénéficier au titre de l'aide sociale. Les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées doivent dès lors être interprétées comme excluant la prise en compte non seulement des prestations qu'elles mentionnent mais également des autres prestations d'aide sociale, notamment l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée aux articles L. 815-1 et suivants du code de la sécurité sociale et l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants du même code.
7. MmeC..., dont les ressources sont exclusivement constituées par une allocation aux adultes handicapés d'un montant de 776,59 euros mensuels, soutient que l'exclusion de la prise en compte de ladite allocation constituerait une discrimination envers les personnes handicapées, qui, comme elle, ne sont pas en état de travailler du fait de leur handicap. Toutefois, si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Par suite, en imposant aux étrangers demandeurs de la carte de résident de longue durée la condition de disposer d'un montant minimal de ressources autres que les ressources provenant de l'aide sociale, sans prévoir de dérogation au bénéfice des personnes handicapées, le législateur n'a pas, en tout état de cause, méconnu le principe d'égalité ni créé de discrimination à leur encontre.
8. Au surplus, si la requérante soutient encore que le refus opposé constitue une discrimination dès lors que son handicap, compris entre 50 et 79%, l'empêche de travailler et ainsi d'atteindre le seuil de ressources requis pour bénéficier d'une carte de résident, toutefois, dès lors qu'elle s'est vue délivrer un titre de séjour en sa qualité d'étranger malade, valide à la date de la décision attaquée, le simple refus de lui délivrer la carte de résident prévue par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, par lui-même, être regardé comme fondé sur l'existence de son handicap, qui ne ressort pas davantage de la décision attaquée. En outre, elle ne peut, sans contradiction, soutenir tout à la fois que son handicap l'empêche absolument de travailler et demander au juge qu'il enjoigne au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire. Enfin, Mme C...ne peut utilement se prévaloir de la délibération n° 2008-12 de la HALDE du 14 janvier 2008, laquelle n'a pas de force contraignante et ne lui ouvre ainsi aucun droit à la délivrance du titre sollicité.
9. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme C...ne remplissant pas les conditions de ressources posée par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de résident de longue durée, l'invocation des dispositions précitées de l'article L. 314-2 du même code est, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, inopérante en l'espèce.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Mme C...considère que l'atteinte portée à ces stipulations par la décision contestée provient essentiellement de la discrimination faite à son égard. Cependant, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'existence d'une discrimination à son encontre doit être écartée. Par ailleurs, MmeC..., qui avait, lors de sa demande de titre de résident, également sollicité le renouvellement de son titre de séjour " étranger malade ", s'est vue délivrer à ce titre une carte " vie privée et familiale ", le dernier renouvellement de celle-ci ayant été effectué le 6 janvier 2016. Dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à se plaindre d'une atteinte à sa vie privée et familiale ou d'une erreur manifeste dans l'appréciation de celle-ci qu'aurait commis le préfet de la Vienne.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
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N° 16BX00876