Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, MmeE..., représentée par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son avocat, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire, au profit de MmeE..., sur le fondement des seules dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors que le préfet n'a pas fait état de la continuité des liens entretenus avec sa tante depuis l'installation de celle-ci en France ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le Maroc comme pays de destination est illégale car fondée sur une décision d'éloignement elle-même illégale.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime, qui n'a pas produit de mémoire.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur le refus de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas mentionné dans sa décision les circonstances que la tante de Mme E...aurait continué à lui rendre visite, à l'aider financièrement et aurait maintenu avec elle un contact téléphonique quotidien, pour apprécier l'intensité de la vie familiale de Mme E...en France ; que celles-ci résultent cependant des seules déclarations de l'intéressée et ne sont établies par aucune pièce du dossier ; qu'ainsi, en considérant que la requérante n'apportait pas la preuve de ce que sa tante l'aurait élevée durant son enfance au Maroc et en relevant que les deux femmes ont vécu séparées pendant dix ans pour rejeter la demande de titre de séjour présentée, à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché son arrêté d'erreur de fait ; que, pour les mêmes raisons, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme E... au regard de l'intensité de ses attaches personnelles en France ;
2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
3. Considérant que MmeE..., ressortissante marocaine, entrée en France le 26 juillet 2013, a sollicité, le 29 avril 2014, son admission au séjour au regard de son état de santé ; qu'aux termes de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 18 mars 2014, son état nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais un traitement approprié existe dans son pays d'origine ; qu'il résulte du certificat médical établi le 30 septembre 2014 par un praticien hospitalier spécialiste en néphrologie, que l'intéressée est suivie pour une insuffisance rénale chronique stade III b accompagnée d'une hypertension artérielle ; que son traitement associe Coversyl(c) 10, Amlodipine(c) 5, Inegy(c) 10/20 et un supplément en vitamine D et qu'elle doit faire l'objet d'un suivi médical spécialisé deux fois par an ; que Mme E...souffre également d'une malformation rachidienne lombaire nécessitant seulement, selon le certificat médical établi par le médecin généraliste qui la suit, le port d'un corset ; que le préfet ne conteste ni la gravité de l'état de santé de MmeE..., ni la nécessité pour elle d'une prise en charge médicale, mais estime que celle-ci est disponible au Maroc ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte tant de la liste nationale des médicaments essentiels au Maroc produite par la requérante, que des extraits du guide des médicaments remboursables au royaume du Maroc produits par le préfet, que les spécialités prescrites à Mme E...sont disponibles dans son pays d'origine sous la même dénomination ou sous leur dénomination commune internationale ; qu'il résulte également des éléments produits par le préfet qu'une prise en charge dans un service de néphrologie est possible au Maroc, y compris au demeurant dans la région d'Oudja d'où la requérante est originaire ; que, d'ailleurs, l'intéressée ne précise pas en quoi le traitement approprié à son état de santé n'est pas disponible au Maroc ;
5. Considérant, d'autre part, que si l'insuffisance rénale dont souffre Mme E...est décrite comme évolutive et présentant un risque d'aggravation pouvant nécessiter, à terme, une dialyse, voire une transplantation rénale, il est néanmoins précisé que les échéances exactes sont difficiles à prévoir car elles dépendent de la récidive des infections et du contrôle de la tension ; qu'ainsi, le spécialiste en néphrologie qui suit l'intéressée en France indique que l'évolution des quatre dernières années peut laisser penser à une entrée en stade IV de la maladie dans les années à venir ; qu'eu égard au caractère hypothétique de la nécessité éventuelle pour la requérante d'avoir recours, à une échéance non définie, à une greffe de rein, et en admettant même que cet acte chirurgical ne puisse être réalisé au Maroc, il ne constituait pas, à la date du refus de titre de séjour en litige, une indication thérapeutique à prendre en compte pour apprécier la disponibilité d'un traitement médical adapté ; que si Mme E...soutient, en outre, avoir besoin de l'assistance d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, cela n'est étayé par aucun des documents médicaux produits ;
6. Considérant, enfin, qu'il résulte des éléments produits au dossier par le préfet qu'il existe depuis 2011 au Maroc un régime d'assistance médicale pour les plus démunis, complémentaire de l'assurance médicale obligatoire, permettant de bénéficier d'une couverture médicale de base offrant la gratuité des soins et prestations médicales disponibles dans ce pays ; que Mme E...n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'elle ne pourrait en bénéficier ; que la circonstance que le village où habite sa famille se trouve à 60 km d'Oudja et qu'elle ne pourrait s'y rendre ne constitue pas une circonstance humanitaire exceptionnelle ; qu'en tout état de cause, elle a, comme le relève le préfet, suivi pendant une année les cours dispensés à l'université d'Oudja pour l'obtention de sa première année de diplôme d'études universitaires générales " études anglaises " ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 en refusant le titre de séjour sollicité sur ce fondement ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. / (...) " ;
8. Considérant que MmeE..., ressortissante marocaine née le 14 août 1994, est entrée en France le 26 juillet 2013, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 20 juillet au 3 septembre 2013 ; qu'elle est hébergée chez sa tante, Mme F...C..., titulaire d'une carte de résident ; que si cette dernière l'a adoptée par acte de kafala du 26 septembre 2014, non homologué en France, soit postérieurement à son arrivée sur le territoire français et alors que l'intéressée était majeure, et atteste l'avoir élevée et avoir subvenu à ses besoins depuis sa naissance, il est constant que les deux femmes ont vécu séparées depuis mars 2004, date à laquelle Mme C...a rejoint son mari en France ; que l'affirmation selon laquelle elles auraient continué à se voir régulièrement et à communiquer quotidiennement n'est, en outre, étayée par aucune pièce du dossier ; que, pour cette période de neuf années, la seule production de deux mandats cash établis en janvier 2013 par sa tante au bénéficie de l'intéressée et la souscription d'une assurance-vie à son profit en 2008 ne permettent pas de considérer que Mme C...a effectivement subvenu aux besoins de la requérante durant cette période ; que, d'ailleurs, aucune pièce du dossier ne vient confirmer que depuis sa naissance jusqu'à ses dix ans, MmeE..., qui est demeurée au Maroc pendant neuf ans après le départ de sa tante, y a passé son baccalauréat et a obtenu sa première année de diplôme d'études universitaires générales, aurait été élevée par sa tante, seule à même de subvenir à ses besoins comme elle le soutient ; que si la requérante a été inscrite en première année de brevet de technicien supérieur assistant de manager pour 2015-2016 et a développé une activité associative bénévole en France, cela ne suffit pas, dans les circonstances de l'espèce, à considérer que le centre de ses intérêts privés se trouve désormais en France ; que, dès lors, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
10. Considérant que ni l'état de santé de MmeE..., qui peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, ni les relations entretenues avec sa tante, pas plus que son engagement associatif ou son inscription en première année de brevet de technicien supérieur, ne constituent, dans les circonstances de l'espèce, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de la requérante ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes raisons, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait privée de base légale ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du18 mars 2014, qui n'est remis en cause sur ce point par aucune pièce du dossier, que l'état de santé de la requérante, qui est arrivée par avion en France en juillet 2013, lui permet de voyager ;
14. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 8, l'obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 8 et 10, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme E... ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 15 que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement serait privée de base légale ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA02014 3