Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2019, MmeB..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 15 février 2019 ordonnant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'enregistrer sa demande d'asile, dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., née le 13 octobre 1995, de nationalité nigériane, interjette appel du jugement du 22 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) ; / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; / (...). / Les présidents des cours administratives d'appel (...) et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ".
Sur la motivation de l'arrêté de transfert :
3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. L'arrêté attaqué vise le règlement n° 604/2013, indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressée avait déposé une demande d'asile en Italie, préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, qu'une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes le 5 octobre 2018 en application de l'article 18-1, b) de ce même règlement, que cette demande a été implicitement acceptée le 20 octobre 2018, ce dont elles ont été informées par message du 23 octobre 2018, et que les autorités italiennes doivent être regardées comme responsables de l'examen de la demande d'asile de MmeB.... La décision contestée permet ainsi d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté, nonobstant la circonstance, inopérante et au demeurant manquant en fait, selon laquelle il ne serait pas motivé au regard de l'intérêt supérieur des jeunes enfants de l'intéressée.
Sur l'entretien individuel :
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tous cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prie conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " (...) 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement ". Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 3. Les Etats membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B...a bénéficié d'un entretien individuel le 3 octobre 2018. La circonstance que, postérieurement à cet entretien à la suite duquel un premier arrêté de transfert en date du 29 octobre 2018 a été adopté par la préfète de la Seine-Maritime puis annulé par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 8 janvier 2019, l'intéressée ait donné le 16 octobre 2018 naissance à un enfant n'imposait nullement, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'un nouvel entretien fût conduit, dans la mesure, d'une part, où elle avait fait état de sa grossesse, qui au demeurant ne pouvait être dissimulée à la date de l'entretien, la préfète ayant ainsi eu connaissance de celle-ci et, où, d'autre part et en tout état de cause, cette naissance est sans incidence sur l'appréciation de la situation de Mme B...au regard de la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Il ressort par ailleurs du résumé de l'entretien du 3 octobre 2018 qu'il s'est déroulé dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, et a été conduit par " un agent qualifié de la préfecture ", lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien, alors même que son nom n'est pas précisé dans le résumé. Il ressort du même document que l'entretien s'est déroulé avec l'assistance d'un interprète en langue anglaise, langue que Mme B...a déclaré comprendre et parler. Dans ces conditions, il est établi que l'entretien individuel dont a bénéficié MmeB..., qui a, au demeurant, signé le résumé sans formuler d'observation, s'est déroulé selon les prescriptions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 laquelle, contrairement à ce que soutient la requérante, a été intégralement transposée en droit interne par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 et ne peut donc, en tout état de cause, pas être directement invoquée à l'encontre de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur les autres moyens :
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas établi par Mme B...que la préfète de la Seine-Maritime, dont l'arrêté litigieux fait état de ses trois enfants mineurs, se serait abstenue de procéder à un examen sérieux de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
9. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
10. Les dispositions de l'article 31 du règlement (UE) n° 604/2013 sont relatives à l'" échange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " et celles de l'article 32 à l'" échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert ". Par suite, ces dispositions, qui concernent seulement son exécution, sont sans incidence sur la régularité de la décision contestée. En tout état de cause, Mme B...n'apporte aucun élément de nature à établir que sa situation de mère de trois jeunes enfants, dont l'un âgé de quatre mois à la date de l'arrêté litigieux, aurait nécessité que des garanties particulières soient préalablement prises auprès des autorités italiennes, dont il n'est ni établi ni même soutenu qu'elles ne pourraient pas offrir toutes les garanties d'un accueil adapté et personnalisé sur le territoire italien.
11. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même charte : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. L'Italie étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait à tort considéré que cette présomption était irréfragable. Mme B...ne produit, en outre, que des documents généraux concernant les demandeurs d'asile en Italie, mais aucun élément propre à sa situation particulière, dont il résulterait que son dossier ne serait pas traité par les autorités italiennes dans les conditions répondant à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, notamment par la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, ainsi qu'il a été dit au point 10. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressée serait effectivement et personnellement exposée à un risque de non-respect de ses droits fondamentaux en cas de transfert aux autorités italiennes. Par suite, en décidant de prononcer le transfert de Mme B...vers l'Italie, la préfète de la Seine-Maritime n'a méconnu ni les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, enfin, celles des articles 3 et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
13. Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
14. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
15. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que la préfète de la Seine-Maritime, qui a notamment relevé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de Mme B...ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressée alors même qu'elle n'en était pas responsable. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
16. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation, ni examiné la possibilité de traiter sa demande d'asile, ni, en l'absence d'éléments de nature exceptionnelle ou humanitaire invoqués, qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme B...est manifestement dépourvue de fondement. Il convient, dès lors, de la rejeter au titre du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative cité au point 2, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA00821