Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2015, M. F...A..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 6 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 1er juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'absence de décision fixant le pays de destination le prive d'une garantie procédurale, l'absence de recours effectif constituant une violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais est entaché d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure ;
- la décision de placement en rétention administrative ayant pour but de déterminer sa nationalité, elle méconnaît les stipulations de l'article 15 de la directive 2008/115/CE et les dispositions de l'article 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. F...A...ne sont pas fondés.
M. F...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. F...A..., se déclarant de nationalité soudanaise, né le 1er janvier 1996, relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 6 juillet 2015 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 1er juillet 2015 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et prononçant son placement en rétention administrative ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français attaquée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut obliger un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, à quitter le territoire français ; qu'elles prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; qu'en vertu de l'article L. 513-1 du même code, l'obligation de quitter le territoire français peut être exécutée d'office lorsqu'elle ne fait pas l'objet de l'un des recours prévus par l'article L. 512-1 ou qu'elle n'a pas fait l'objet d'une annulation et, lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'intéressé, une fois ce délai expiré ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, et notamment du I de l'article L. 511-1, que les décisions par lesquelles l'administration refuse ou retire à un étranger le droit de demeurer sur le territoire français, l'oblige à quitter ce territoire et lui signifie son pays de destination sont, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration, en principe, regroupées au sein d'un acte administratif unique ; que la décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 513-3, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, qui fait d'ailleurs l'objet d'une motivation spécifique ; que si la décision fixant le pays de renvoi est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, son adoption conditionne toutefois la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'obligation de quitter le territoire français dans les conditions prévues à l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. F...A...n'est pas fondé à soutenir que la circonstance que la préfète du Pas-de-Calais n'ait pas édicté dans le même arrêté l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi, entacherait d'illégalité la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu instituer, à l'article L. 512-1 du même code, une voie de recours spéciale ayant un effet suspensif contre les mesures relatives à l'éloignement des étrangers, parmi lesquelles figure la décision fixant le pays de renvoi de l'intéressé ; que lorsque la décision fixant le pays de renvoi est notifiée à l'intéressé simultanément à l'obligation de quitter le territoire, il appartient à l'étranger souhaitant bénéficier de l'effet suspensif d'exécution du recours prévu à l'article L. 512-1 de contester en même temps l'obligation de quitter le territoire français et la décision distincte, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 513-3 ; qu'en revanche, lorsque l'administration notifie la décision fixant le pays de renvoi postérieurement à l'obligation de quitter le territoire français, il ne saurait être fait grief à l'étranger de ne pas avoir contesté simultanément ces deux décisions ; que, dès lors, dans cette hypothèse, l'étranger conserve la possibilité de contester la décision fixant le pays de renvoi dans les conditions prévues aux articles L. 512-1 et L. 512-3, alors même que la mesure d'éloignement et, le cas échéant, la mesure de placement en rétention, auraient déjà été contestées et que le recours formé contre ces décisions aurait été rejeté par le tribunal administratif ; que l'exercice de cette voie de recours revêt alors un caractère suspensif et l'obligation de quitter le territoire français ne peut être exécutée, ainsi qu'il a été dit au point 4, tant que le juge administratif n'a pas statué sur ce recours ; que dans ces conditions, le requérant n'est fondé à soutenir ni qu'il aurait été privé d'une garantie procédurale, ni que son droit au recours effectif aurait été méconnu ;
6. Considérant, enfin, que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;
Sur le placement en rétention administrative :
7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l' objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative " après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. " ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui ont notamment transposé celles de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en particulier son article 15, que la rétention administrative a pour objet de permettre l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que lorsque la rétention administrative est décidée, sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé, la rétention administrative ne peut être légalement décidée que si l'obligation de quitter le territoire français est elle-même légale ; que la circonstance que l'autorité administrative n'ait pas fixé le pays de renvoi concomitamment à l'obligation de quitter le territoire ne fait pas par elle-même obstacle à ce que l'étranger faisant l'objet de cette obligation soit placé en rétention ; que, toutefois, au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 citées ci-dessus, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi ;
9. Considérant que M. F...A..., qui se déclarait de nationalité soudanaise, était dépourvu de tout document d'identité lors de son interpellation ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais, qui avait à déterminer, avant de procéder à l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, si le Soudan était le pays à destination duquel l'intéressé devait être renvoyé, a pu légalement prononcer le placement en rétention du requérant afin d'entreprendre les diligences nécessaires auprès des autorités consulaires soudanaises et dont il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été effectivement mises en oeuvre ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...B....
Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. G...Le président de chambre,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01701