Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juillet et 13 octobre 2016, la SARL Smow, représentée par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt en litige ;
3°) de prononcer le sursis de paiement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Smow, dont l'activité est la conception, la fabrication et l'assemblage d'ensembles mécaniques de précision, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, pour la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le régime d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations de services sous lequel elle s'était placée et a procédé à des rappels de TVA ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée " ;
3. Considérant que la proposition de rectification du 19 juillet 2010 indique clairement la nature des redressements envisagés, le montant de ceux-ci distinctement par chef de redressement, l'impôt et les périodes d'imposition, et que ces motifs sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;
Sur la charge de la preuve :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement " ;
5. Considérant que la société Smow a accusé réception de la proposition de rectification le 21 juillet 2010 ; qu'il est constant que la Sarl Smow disposait d'un délai de trente jours prorogé une fois pour répondre à cette proposition ; que, par une lettre du 18 septembre 2010, la société Smow a sollicité un entretien avec le chef de brigade afin de présenter ses observations ; qu'ainsi, il est constant que la société Smow n'a pas présenté d'observations à la suite de la proposition de rectification dans le délai imparti ; que, dès lors, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale en défense et sans être contestée, il appartient à la société requérante d'établir le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle conteste le bien-fondé ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Sont soumises à la TVA les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire (...) IV.1°. Les opérations autres que celles définies au II (...) sont considérées comme des prestations de services " ; qu'aux termes de l'article 269 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) ; 2. La taxe est exigible : a. Pour les livraisons et les achats visés au a du I et pour les opérations mentionnées au b et d du même I, lors de la réalisation du fait générateur ; c. Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) " ;
7. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les prestations réalisées par la SARL Smow s'inscriraient dans le cadre de contrats d'entreprise et seraient régies par le droit civil est, par elle-même, sans incidence sur la qualification de l'opération au regard des dispositions précitées du code général des impôts ;
8. Considérant, en second lieu, que l'activité de la société requérante consiste, soit en la fabrication de biens intermédiaires sur les spécifications de donneurs d'ordre qui lui fournissent les composants et pour lesquels elle réalise un " travail à façon ", soit en la fabrication, éventuellement sur les spécifications de donneurs d'ordre, de biens intermédiaires incorporant des matières premières ; que, pour requalifier une partie des opérations comme relevant de livraisons de biens et non des prestations de service, le vérificateur relève que la société Smow incorpore des matières premières dont elle est propriétaire ; que la société Smow se borne, d'une part, à produire un contrat de sous-traitance de fabrication, signé le 7 avril 2011, soit postérieurement aux opérations de contrôle, avec un seul de ses donneurs d'ordre, la société ITW France, et, d'autre part, des factures adressées à ITW France précisant une date d'échéance, laquelle est sans influence sur l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le document relatif à la décomposition du prix et les factures versées en cause d'appel, n'apporte pas la preuve qu'elle réalise des travaux à façon pour la société précitée ou pour tout autre donneur d'ordre qui lui apporterait les matières premières ; que les factures relatives aux autres clients de la société Smow ne font pas apparaître davantage que la société réalise une prestation de service ; qu'elle ne conteste d'ailleurs pas avoir recours à des matières premières dont elle a la propriété ; que, dès lors, et sans qu'y fasse obstacle un avis favorable de la commission départementale des impôts directs portant sur un autre litige, l'administration fiscale a, à bon droit, estimé qu'en application de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée était exigible au moment de la délivrance des produits ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la société Smow fait valoir, sans plus de précision, que l'administration procède au rappel de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se serait déjà acquittée ; qu'il ressort de la proposition de rectification que l'administration a précisément déduit, pour chaque période vérifiée, la taxe sur la valeur ajoutée collectée de celle exigible ; que, dès lors, la société Smow n'est pas fondée à faire valoir que l'administration n'a pas tenu compte de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est déjà acquittée ;
Sur les pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts :
" I.-Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) / IV.-1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement. (...) / 4. Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement. (...) ", et qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indument obtenu de l'Etat entrainent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;
11. Considérant, d'une part, que la société Smow avait déjà fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 et du 1er janvier 2005 au 30 juin 2006, au cours desquelles les principes d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée par l'encaissement pour un prestataire de services et par la livraison pour son activité de fabrication lui ont été rappelés et à l'issue desquelles des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés ; que, par suite, la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts est fondée ; qu'ainsi, la société Smow n'est pas fondée à faire valoir que la position de l'administration lui conférerait un avantage de trésorerie indu ;
12. Considérant, d'autre part, que les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent à compter du premier jour du mois suivant au cours duquel l'impôt devait être acquitté ; que contrairement à ce que soutient la société Smow, l'administration a procédé à une reconstitution de la taxe collectée exigible sur l'ensemble des livraisons et des prestations de service et a abouti au constat d'une insuffisance de taxe collectée ; qu'ainsi, les intérêts de retard appliqués par l'administration correspondent à l'ensemble de la période éludée en application de l'article 1727 du code général des impôts, l'administration fixant le point de départ des intérêts à l'exigibilité de la taxe ; que si la société Smow fait valoir qu'elle mentionne sur ses factures un code qui indique, selon elle, le moment d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, cela ne fait pas obstacle à ce que l'administration procède au contrôle de la réalité de l'opération ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a fait application des dispositions précitées de l'article 1727 du code général des impôts ;
Sur le bénéfice de la doctrine :
13. Considérant que les énonciations par la société Smow de paragraphes de l'instruction 3 CA-92 du 31 juillet 1992 se reportant à la définition de la livraison comme le transfert de propriété ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application ; que, par suite, la SARL Smow ne saurait utilement s'en prévaloir ;
Sur la demande de sursis de paiement :
14. Considérant qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit une procédure de sursis de paiement des impositions contestées durant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel ; qu'ainsi, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions de la société tendant au sursis de paiement des impositions en litige ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Smow n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Smow est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Smow et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA01234