Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 février 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 25 novembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation des décisions du 21 novembre 2015 fixant le pays de destination et prononçant la rétention administrative de M. A....
Elle soutient que :
- M. A...n'établit pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- les diligences nécessaires à l'éloignement de l'intéressé ont été effectuées.
La requête a été communiquée à M.A..., pour qui il n'a pas été produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 21 novembre 2015 sur la voie publique à Calais par les services de la police nationale, M.A..., de nationalité afghane, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 25 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant, d'une part, qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination et, d'autre part, qu'il prononce la rétention administrative de l'intéressé ;
Sur le pays de destination :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il a été témoin de la mise en place par des talibans d'un engin explosif improvisé sur un chemin et qu'il aurait été menacé à cette occasion, il n'a toutefois apporté aucun élément probant de nature à établir la réalité de cette allégation, tant en ce qui concerne la date de l'événement que sa localisation exacte ; qu'en outre, si l'intéressé, dépourvu de tout document d'identité, a prétendu lors de son audition par les services de police, le 21 novembre 2015, être originaire de la province de Ghazni située au sud-est de l'Afghanistan, il a en revanche indiqué dans le mémoire présenté au tribunal administratif être originaire de la province de Maidan Wardak et plus précisément de la ville de Ghazni démontrant par là-même une méconnaissance certaine du pays dont il prétend avoir la nationalité, dès lors qu'il est constant que la ville de Ghazni n'est pas située dans cette dernière province dont la capitale est Maydan Shar ; qu'enfin l'intéressé, qui est demeuré mutique sur son lieu de résidence habituelle en Afghanistan, a été entendu en langue farsi qui n'est pas la langue pratiquée majoritairement par les habitants des provinces dont il se disait originaire ; que dans ces conditions, M.A..., dont les déclarations sont approximatives, succinctes et divergentes, n'établit pas qu'il serait effectivement originaire de la province de Ghazni dans laquelle le degré de violence généralisée est tel qu'un civil renvoyé dans la région concernée encourrait un risque réel de subir une menace grave du seul fait de sa présence sur ce territoire ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;
5. Considérant que, par un arrêté du 24 juillet 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 59 spécial du 27 juillet 2015, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. Marc Del Grande, secrétaire général, à l'effet de signer toutes décisions en toutes matières à l'exception de six au nombre desquelles ne figurent pas la police spéciale des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées manque en fait ;
6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle comporte ainsi, également, les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée ;
7. Considérant que, si l'intéressé se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
Sur la rétention administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces versées en cause d'appel par la préfète du Pas-de-Calais que l'autorité administrative a accompli le 21 novembre 2015 plusieurs diligences auprès des autorités consulaires afghanes afin de procéder à l'éloignement de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 8, pour annuler la mesure de rétention administrative dont l'étranger faisait l'objet ;
10. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du placement en rétention administrative manque en fait et doit être écarté ; qu'il en est de même de celui tiré de l'insuffisante motivation de cette décision qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de placement en rétention administrative dont il est l'objet, serait dépourvue de base légale ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
14. Considérant qu'il est constant que M. A...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 21 novembre 2015 ; que, l'intéressé n'ayant par ailleurs présenté aucun document d'identité ou de voyage valide, ni d'adresse stable ou toute pièce justifiant l'existence d'un domicile, il doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; que, par suite, c'est sans erreur d'appréciation que la préfète du Pas-de-Calais a prononcé à son encontre une décision le plaçant en rétention administrative ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays de destination et celle prononçant le placement de M. A...en rétention administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 25 novembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et celle prononçant son placement en rétention administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....
Copie sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. B...Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00297