Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 31 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Elle soutient que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à M.B..., pour qui il n'a pas été produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;
2. Considérant que M.B..., ressortissant afghan, a été appréhendé le 23 décembre 2015 par les services de la police sur la zone portuaire de Calais au moment où il cherchait à se rendre clandestinement en Grande-Bretagne, quelques jours après être entré sur le territoire français ; qu'il a indiqué, lors de son audition par les services de police, être né le 1er janvier 1997 à Mazar El Sharif et craindre l'action des talibans en cas de retour dans son pays d'origine ;
3. Considérant qu'il ressort des informations publiques relatives à la situation géopolitique du pays, rassemblées par des organismes internationaux, notamment par le Bureau européen d'appui en matière d'asile sur l'Afghanistan (EASO) de janvier 2015, confirmées par le rapport de janvier 2016, que la situation dans la province de Balkh, dont la capitale est la ville de naissance de résidence de l'intéressé, ne peut être qualifiée de violence généralisée ; que la ville de Mazar El Sharif, qui n'est pas située dans la province de Kunduz ainsi que l'a mentionné à tort le premier juge, est la cité la plus sûre d'Afghanistan, avant même la ville de Kaboul, en raison, notamment, du contrôle étroit exercé sur cette région par le gouverneur et ancien seigneur de la guerre Atta Mohammed Noor et de l'entente conclue par ce dernier avec le général Dostom pour maintenir la sécurité dans cette partie du pays, où les talibans ne sont pratiquement pas présents ; que dans ces conditions, M. B...doit démontrer que des éléments propres à sa situation personnelle l'exposerait à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui n'a pas demandé l'asile lors de son arrivée en Europe, se borne à faire état de menaces générales sans assortir ses allégations d'éléments suffisamment précis et probants ou vérifiables ; que, dès lors, il n'établit pas davantage faire l'objet en cas de renvoi en Afghanistan, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, de menaces quant à sa vie ou sa liberté ou de risques d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a cru pouvoir se fonder sur la seule situation de violence existant en Afghanistan pour en déduire qu'en fixant ce pays comme pays de destination, il avait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puis annuler cette décision ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;
6. Considérant que par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E...C..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;
7. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle indique que l'intéressé, qui ne justifie pas de sa nationalité, n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle comporte ainsi, également, les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée ;
8. Considérant que, si l'intéressé se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 décembre 2015 en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 31 décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 23 décembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il sera éloigné est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00488