Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2014, le conseil national des activités privées de sécurité, représenté par la société d'avocats LLC et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 6 mai 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de M. E...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu la portée des dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ;
- il n'a pas à établir la matérialité des faits reprochés à M. E...et relevés lors de l'enquête administrative et que ces faits sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2014, M.E..., représenté par Me A...B..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au conseil national des activités privées de sécurité de lui délivrer une carte professionnelle dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
3°) à ce que soit mise à la charge du conseil national des activités privées de sécurité la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean- Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que M. E...a présenté le 28 février 2012 à la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Nord du conseil national des activités privées de sécurité une demande d'autorisation préalable relative à l'accès à une formation en vue d'exercer la profession d'agent de sécurité privée ; que cette demande a été rejetée le 13 juin 2012 ; que saisie par l'intéressé d'un recours administratif, la commission nationale d'agrément et de contrôle lui a également opposé un refus le 8 novembre 2012 ; que le conseil national des activités privées de sécurité relève appel du jugement du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 612-22 du même code : " L'accès à une formation en vue d'acquérir l'aptitude professionnelle est soumis à la délivrance d'une autorisation préalable, fondée sur le respect des conditions fixées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 612-20. " ; qu'aux termes de l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611 -1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents des commissions nationale et régionales d'agrément et de contrôle spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; 3° S'il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ; (...). " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier si les actes commis par le demandeur sont compatibles avec l'exercice de la profession, alors même que les agissements en cause n'auraient pas donné lieu à une condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou qu'ils auraient été effacés du système de traitement automatisé des infractions constatées ;
4. Considérant que la décision contestée fait état, d'une part, de mises en cause pour filouterie de carburant en 2004, viol sur mineur de 16 ans en 2003 et violences volontaires en 2009, et, d'autre part, d'une condamnation le 16 septembre 2003 à une peine d'amende pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique ; que M. E... a formellement contesté la matérialité des faits à l'origine des mises en cause mentionnées sur le système de traitement des infractions constatées lors de sa consultation par les autorités compétentes le 7 novembre 2012 ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que ces faits n'ont donné lieu à aucune suite judicaire particulière et qu'aucune enquête n'était en cours à l'encontre de l'intéressé à la date de la décision attaquée ; que la condamnation à une peine d'amende de 500 euros prononcée par le tribunal correctionnel de Lille, eu égard à son ancienneté et à son caractère isolé, ne saurait suffire à elle seule à caractériser un comportement incompatible avec l'exercice d'activités privées de sécurité ; que dans ces conditions, et en l'absence de toute autre information ou élément de nature à corroborer que le comportement de M. E...serait incompatible avec l'exercice d'une profession dans le domaine de la sécurité privée, le conseil national des activités privées de sécurité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 8 novembre 2012 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au conseil national des activités privées de sécurité de délivrer, sous réserve d'un changement dans la situation de fait ou de droit, une carte professionnelle en vue d'exercer l'activité d'agent de sécurité privée à M. E...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil national des activités privées de sécurité demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
7. Considérant, d'une part, que M. E...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. E...n'a pas demandé que lui soit versée par le conseil national des activités de sécurité privée la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge du conseil national des activités privées de sécurité une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du conseil national des activités privées de sécurité est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au conseil national des activités privées de sécurité de délivrer, dans le délai de deux mois, une carte professionnelle en vue d'exercer l'activité d'agent de sécurité privée à M.E....
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel présentées par M. E...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au conseil national des activités privées de sécurité, à M. D...E...et à Me A...B....
Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. G...Le président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA01190