Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian né le 18 mars 1963, est entré en France le 27 juin 2010, selon ses déclarations, et a vainement demandé l'asile. Il a fait l'objet, le 30 octobre 2012, d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. En décembre 2014, il a demandé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en invoquant son état de santé. Par un arrêté notifié le 18 mai 2016, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par la préfète de la Seine-Maritime :
2. Il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire à un étranger qui en fait la demande au titre de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux rédigés les 9 novembre 2015 et 31 mai 2016 par le médecin traitant de M. A..., que lorsque l'arrêté contesté a été pris, celui-ci souffrait d'une hépatite C pour laquelle il recevait en milieu hospitalier un traitement médicamenteux. La préfète de la Seine-Maritime ne conteste pas que l'absence d'un traitement approprié pouvait avoir pour M. A... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, comme l'indiquait le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 23 décembre 2015. Elle a en revanche estimé, contrairement à cet avis, qu'un tel traitement existait au Nigéria. Si M. A... fait valoir que l'efficacité du médicament qu'il recevait en France, appartenant à une nouvelle génération d'antiviraux, reposait sur l'association de deux molécules, aucun des certificats médicaux produits n'exclut la possibilité d'un autre traitement et il résulte des éléments produits, pour la première fois en appel, par l'intéressé lui-même, que la première de ces deux molécules ainsi qu'un autre médicament existent au Nigéria. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime doit être regardée comme rapportant la preuve de l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de M. A... dans son pays d'origine. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la préfète de la Seine-Maritime aurait refusé de lui délivrer un titre de séjour si elle s'était fondée sur ce seul motif, qui suffisait à justifier sa décision au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que M. A... invoque l'inaccessibilité du traitement en raison de son coût extrêmement élevé. Dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions pour annuler l'arrêté contesté.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
5. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation au préfet de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent, en particulier le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... ne remplit pas effectivement les conditions prévues par ces dispositions pour obtenir un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'arrêté contesté cite les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 23 décembre 2015 en précisant le sens et énonce que " contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'Agence régionale de santé dans son avis, il ressort de l'étude approfondie des circonstances propres au cas d'espèce qu'il existe une offre de soins effective au Nigéria concernant la prise en charge de l'état de santé de l'intéressé et que les médicaments liés y sont disponibles et accessibles ". Cet arrêté comporte ainsi, dans le respect du secret médical, un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en raison de son état de santé et répond aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la rédaction de l'arrêté contesté, que la préfète de la Seine-Maritime aurait omis d'examiner la situation particulière de M. A....
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale :
8. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la préfète de la Seine-Maritime a examiné la possibilité d'admettre M. A... au séjour au titre de la vie privée et familiale.
9. En premier lieu, si M. A... fait valoir qu'il est le père d'un enfant né en France, le 22 avril 2011, d'une compatriote en situation régulière, ni les différents tickets de caisse produits, qui ne permettent pas d'identifier l'acheteur, ni les justificatifs de dépôts d'origine indéterminée sur un compte bancaire ouvert au nom de l'enfant, ni le jugement du 8 novembre 2016 organisant les modalités d'exercice conjoint de l'autorité parentale, postérieur à l'arrêté contesté comme la plupart des justificatifs bancaires produits, ni enfin les clichés photographiques et les deux attestations insuffisamment circonstanciées rédigées par la mère de l'enfant, ne permettent d'établir qu'à la date de l'arrêté contesté, M. A... participait à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ou simplement avait avec lui un lien affectif. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte-tenu notamment des conditions du séjour de M. A... en France et de la présence de quatre de ses enfants au Nigéria, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a méconnu, par suite, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En second lieu, dans les circonstances décrites au point précédent, l'arrêté contesté n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et n'a par suite pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté contesté et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... en appel au titre de ces mêmes dispositions doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1603790 du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... en première instance et celles présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... A... et à Me B...C....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00782