Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de la Seine-Maritime interjette appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M.B..., ressortissant tunisien né le 5 avril 1979, annulé son arrêté du 31 janvier 2018 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est père d'une enfant française née le 23 septembre 2014, qu'il a reconnue près de onze mois après sa naissance et avec laquelle il ne vit pas. Il n'établit pas entretenir une relation affective stable et régulière avec sa fille, en se bornant à produire des mandats cash établis au bénéfice de la mère de l'enfant en 2015, 2016 et 2017, quelques photographies non datées, dont certaines prises le même jour, cinq tickets de caisse non nominatifs d'achats de vêtements pour enfant, datés de septembre 2017 pour la plupart, et une attestation peu circonstanciée établie par la mère de l'enfant. Les autres attestations produites au dossier, qui sont relatives à la relation de M. B...avec la ressortissante française qu'il a épousée postérieurement à l'arrêté en litige, ne font pas mention de la fille du requérant, ou de sa relation avec elle. Par suite, il ne produit pas d'éléments suffisamment concordants pour établir qu'il entretient avec sa fille une relation paternelle suivie. Dans ces conditions, l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime ne contrevient pas à l'intérêt supérieur de l'enfant de M.B.... Cet arrêté n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dès lors, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 31 janvier 2018 obligeant M. B...à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.
5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier que M. B...est père d'une enfant française née en 2014 avec laquelle il ne vit pas. Dans l'arrêté en litige, la préfète de la Seine-Maritime mentionne, à juste titre, que M. B...est célibataire et sans enfant à charge. Elle ne fait toutefois aucunement mention de l'existence de la fille de M. B... et ne procède pas à l'examen de sa situation au regard des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'absence de mention de la qualité de parent d'enfant français dont se prévaut M.B..., dont la préfète ne peut, au demeurant, nier avoir eu connaissance, puisqu'elle a refusé de délivrer, en 2016, le titre de séjour demandé par M. B...en cette qualité, et que l'intéressé, qui a évoqué ce refus de titre de séjour lors de son audition par les services de la police aux frontières, a également mentionné qu'il n'avait pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français dont il était assorti afin de ne pas quitter sa fille, révèle un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M.B.... Ce dernier est, dès lors, fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 31 janvier 2018 de la préfète de la Seine-Maritime, doit être annulée pour ce motif. La décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, et celle fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 janvier 2018 obligeant M. B...à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, lui a enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, au réexamen de sa situation et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat, MeC..., peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Seine-Maritime, à M. D... B...et à Me A...C....
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N°18DA01041