Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, M.A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens du 23 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 du préfet de la Somme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen né le 20 décembre 1982, déclare être entré en France le 7 novembre 2016 et a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile le 30 décembre 2016. Par un arrêté du 16 janvier 2018, le préfet de la Somme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sur le territoire de la commune d'Amiens. M. A... interjette appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence du 16 janvier 2018.
2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France : " Par dérogation aux dispositions de l'arrêté du 20 octobre 2015 susvisé, le préfet du département du Nord est l'autorité administrative compétente, s'agissant des demandes d'asile enregistrées par le préfet du département du Nord ou par le préfet du département de l'Oise, pour procéder, en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le préfet du département du Nord est également compétent, s'agissant des demandes d'asile mentionnées à l'article 1er du présent arrêté, pour : 1° Assigner à résidence le demandeur en application de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, prendre les mesures prévues aux quatrième et cinquième alinéas de cet article (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le préfet du Nord est compétent pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile pour les demandes enregistrées par le préfet du département du Nord et le préfet de l'Oise. Cette disposition n'est ainsi pas applicable aux demandes d'asile enregistrées par le préfet de la Somme. Par ailleurs, et en tout état de cause, s'agissant de l'assignation à résidence, l'expérimentation de la régionalisation ne s'applique qu'aux décisions d'assignation prises sur le fondement de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, l'arrêté en litige a été pris sur le fondement de l'article L. 561-2 de ce code. Par suite, le préfet de la Somme, département de résidence de M.A..., était compétent pour adopter l'arrêté litigieux. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. Jean-Charles Geray, secrétaire général de la préfecture de la Somme, bénéficiait, en vertu d'un arrêté en date du 5 septembre 2007 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature à effet d'adopter l'arrêté litigieux. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit, par suite, être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L.561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ". Aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L.561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées locales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible d'intéresser sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. / Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration ".
5. Il résulte de ces dispositions que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Elle constitue ainsi une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont les éventuelles irrégularités sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision. En l'espèce, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'information exigée par l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été remise à M. A...concomitamment à la notification au guichet de la préfecture, en français, langue que le requérant a déclaré comprendre, de l'arrêté du 16 janvier 2018 portant assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".
7. Les dispositions de l'article L. 742-3 du code précité sont applicables à l'égard des seules décisions de transfert. Dès lors, elles ne sont pas applicables à une décision d'assignation à résidence prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas à être accompagnée de la mention selon laquelle l'intéressé peut avertir ou faire avertir son consulat. Enfin, et contrairement à ce que soutient l'intéressé, le premier juge n'a pas omis d'examiner ce moyen.
8. Aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
9. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, et comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il précise notamment que l'intéressé doit rester à disposition de la préfecture de la Somme durant la période nécessaire à l'organisation matérielle de son départ vers l'Italie. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 6042013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ".
11. M. A...se borne à soulever le même moyen de première instance tiré de ce que le préfet n'a pas respecté le délai de six mois, prévu par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité, pour le transférer en Italie. Il persiste à faire valoir que le préfet de la Somme ne pouvait lui opposer le risque de fuite alors qu'il respectait l'intégralité de ses obligations de pointage. Il ne se prévaut cependant devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif d'Amiens, qui n'a pas statué ultra petita en se prononçant sur ce moyen. Il y a donc lieu d'écarter, par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement précité du 26 juin 2013.
12. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".
13. Si M. A...fait valoir qu'il dispose d'un hébergement et qu'il présente ainsi des garanties de représentation suffisantes, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet d'un transfert vers l'Italie le 10 mai 2017 et que son éloignement demeure une perspective raisonnable. La circonstance que celui-ci dispose de garanties de représentation effectives est en outre sans incidence sur le bien-fondé de la décision d'assignation à résidence, dans la mesure où l'absence de garanties ne constitue pas une des conditions propres à justifier une telle mesure en vertu des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, M. A...est célibataire et sans enfant à charge en France. Les modalités de son assignation à résidence sur le territoire de la commune d'Amiens, où il a élu domicile et doit se présenter tous les jours au commissariat de police, ne constituent pas une mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette décision qui tend à l'exécution de la décision d'éloignement. En outre, en tout état de cause, au regard des critères fixés par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à l'assignation à résidence, M. A...ne peut utilement soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle porte une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera adressée au préfet de la Somme.
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N°18DA00877