Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 août 2015 et le 18 juin 2016, Mme G..., représentée par Me B...H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de condamner la commune de Douvrin à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Douvrin une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle été victime de retard dans sa titularisation en tant qu'attachée territoriale ;
- les courriers du maire remis en main propre et envoyés en recommandé avec accusé de réception constituent des éléments de harcèlement moral ;
- elle a été victime de menaces de la part d'élus lors de la réunion du 15 avril 2013 du conseil municipal de Douvrin ;
- elle a été mise à l'écart de réunions, a perdu son bureau et son téléphone portable de fonction.
- l'abaissement de sa note, les documents médicaux qu'elle produit, la dégradation de son état de santé établissent la réalité du harcèlement moral dont elle a été victime ;
- le harcèlement moral dont elle a fait l'objet lui a causé un préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2016, la commune de Douvrin, représentée par Me C...F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme G...de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme G...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- et les observations de Me A...D..., substituant Me C...F..., représentant la commune de Douvrin.
1. Considérant que MmeG..., nommée attachée territoriale à la mairie de Douvrin à compter du 7 novembre 2011 par la voie de la promotion interne, y occupait les fonctions de directrice générale des services ; qu'elle relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Douvrin à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral subi du fait du harcèlement moral dont elle soutient avoir fait l'objet à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à l'agent, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime de ce comportement ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
4. Considérant que MmeG..., pour établir avoir été victime de harcèlement moral relève le retard anormal avec lequel elle a été titularisée, se plaint des notes de services du maire dont elle a été rendue destinataire, se prévaut de menaces lors de la réunion du 15 avril 2013 du conseil municipal de Douvrin, et soutient avoir été mise à l'écart de plusieurs réunions ; qu'elle fait également valoir avoir dû céder son bureau le 5 mars 2014, avoir été reléguée dans un local démuni du matériel nécessaire à l'exercice de ses fonctions et avoir dû restituer son téléphone portable professionnel ; qu'enfin, sa note a été diminuée ; que cette situation a été à l'origine de ses arrêts de travail ; que la succession et le cumul de ces faits, aboutissant à ce que l'intéressée soit déchargée de ses fonctions, est susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
5. Considérant toutefois d'une part, que si Mme G...a été effectivement titularisée dans son cadre d'emploi par un arrêté du maire de Douvrin du 7 janvier 2013, celui-ci prenait effet à compter du 1er mai 2012, date normale de sa fin de stage ; que le retard pris par la procédure de titularisation et les erreurs commises à cette occasion, relevées par le sous-préfet de Béthune dans le cadre du contrôle de légalité ne peuvent être interprétés comme des agissements destinés à lui nuire ; que la note de service du 27 mars 2013 du maire de la commune rappelant les obligations de réserve et de mesure dans l'expression écrite et orale auxquelles sont astreints les fonctionnaires, qui a été diffusée avec les bulletins de paie de l'ensemble des agents de la collectivité, présentait un caractère général et n'était pas spécialement destinée à la requérante ; que les trois courriers du maire de Douvrin des 27 mai et 31 mai 2013, adressées en recommandé avec accusé de réception, se bornaient à rappeler à Mme G...les conditions de réception des élus de l'opposition dans les bureaux, le régime de ses autorisations d'absence et posaient des exigences en matière de formation professionnelle pour la requérante et deux de ses collaboratrices ; qu'en outre, ces lettres peuvent être regardées comme la conséquence du courrier du 21 mai 2013 de Mme G...au maire dans lequel elle écrivait " qu'il est évident qu'il me faudra désormais un écrit des ordres que vous me donnerez oralement " ; que les autres courriers du maire de la commune remis en main propre se sont limités à rappeler à Mme G...l'obligation qu'elle avait, de par ses fonctions, d'assister aux réunions du conseil municipal alors qu'elle avait informé le maire le 22 avril 2013 de son intention de ne plus y participer, à la suite d'incidents survenus lors des réunions de cette assemblée les 12 et 15 avril 2013 ; que le maire lui a également rappelé par ces courriers, qu'elle devait lui présenter, pour signature, ses demandes d'autorisation d'absence ; que ce faisant, le maire de Douvrin s'est limité, dans le cadre d'une relation de travail devenue conflictuelle, à rappeler fermement à Mme G...les obligations qu'elle tenait de son statut sans excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
6. Considérant d'autre part, qu'eu égard à la confusion et à la tension, relevées par la presse locale, régnant lors de la réunion du 15 avril 2013 du conseil municipal de Douvrin, la réalité de menaces personnelles adressées à MmeG..., par une élue, à l'issue de la séance, n'est pas établie ; que s'il est établi que la requérante n'a pas été invitée le 4 juillet 2013 à la réception des enseignants pour la clôture de l'année scolaire et le 2 septembre 2013 à une réunion de présentation des logiciels utilisés par les services municipaux, ces faits, pour regrettables qu'ils soient, sont demeurés isolés dans un contexte déjà signalé de dégradations des relations entre le maire et sa principale collaboratrice que traduit la baisse de note de la requérante ; que l'avis de la commission de réforme du 4 juillet 2014 et les pièces médicales produites faisant état d'un état anxio-dépressif sévère réactionnel à une souffrance au travail s'ils démontrent également la réalité de ces tensions, ne permettent pas d'établir l'existence d'un harcèlement moral ; qu'enfin si Mme G...a dû céder son bureau le 5 mars 2014 à une nouvelle directrice générale du service, il est établi, par le courrier du maire du 28 mars 2014, que celle-ci a bénéficié d'un autre bureau normalement équipé ; que, par suite, il ressort des pièces du dossier que les agissements en litige, dénoncés par la requérante, sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral ;
7. Considérant que par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par MmeG..., fondées sur l'existence d'un harcèlement moral doivent être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Douvrin présentées sur ce fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Douvrin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...G...et à la commune de Douvrin.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de la formation de jugement-assesseur,
Signé : O. NIZET
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01445
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