Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2015, M.C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 septembre 2015 et l'arrêté du préfet du Nord du 15 avril 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que l'auteur de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français avait été habilité par une délégation de signature valablement consentie et régulièrement publiée ;
- pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- il était, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, au nombre des ressortissants étrangers visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, de sorte que, pour prendre une telle décision à son endroit, le préfet du Nord a méconnu ce texte et commis une erreur d'appréciation ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'est pas établi que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire aurait été prise par une autorité régulièrement habilitée ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, pour l'exécution de laquelle elle est prise ;
- cette même décision méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation.
Une mise en demeure a été adressée le 1er février 2016 au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter comme manquant en fait le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français aurait été prise par une autorité incompétente ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;
3. Considérant que M.C..., ressortissant guinéen, fait état de ce qu'il est porteur du virus de l'hépatite B ; que le certificat médical qu'il verse au dossier, établi le 4 mars 2015 par le professeur Mathurin, chef du service des maladies de l'appareil digestif de l'hôpital Claude Huriez de Lille, précise que cette situation rend nécessaire une surveillance médicale afin de déceler l'existence de complications ; que, toutefois, si ce document indique qu'en cas de développement d'une complication hépatique, principalement d'un carcinome hépatocellulaire, aucun des traitements proposés ne serait disponible dans le pays d'origine de M.C..., il ne comporte aucune appréciation sur le point de savoir si une surveillance médicale appropriée au stade actuel de l'évolution de la pathologie de l'intéressé est disponible dans ce pays, le contraire n'étant d'ailleurs pas même allégué ; que, par suite, il n'est pas établi que M.C..., qui n'apporte au demeurant aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle il se serait rendu à la préfecture pour demander son admission au séjour pour raison de santé et aurait subi un refus d'enregistrement au guichet, aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers visés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ni que, pour prendre une telle mesure, le préfet du Nord se soit, au vu des éléments d'information portés à sa connaissance, mépris dans l'appréciation de sa situation ; qu'il n'est pas davantage établi, dans ces conditions, que, pour faire obligation à M. C...de quitter le territoire français, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., entré irrégulièrement sur le territoire français au cours du mois d'avril 2014, est célibataire et qu'il n'a fait état d'aucun lien particulier qu'il aurait pu tisser sur le territoire français, ni ne s'est prévalu d'aucun indice d'intégration notable à la société française, tandis qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, où résident ses deux enfants, ainsi que leur mère et un frère ; que, dans ces conditions, eu égard à la faible durée et aux conditions irrégulières du séjour de M.C..., et alors même, en tout état de cause, que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces circonstances, il n'est pas pas établi que, pour prendre cette décision, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la légalité du refus d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire :
5. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés, d'une part, de ce que la décision refusant d'accorder à M. C...un délai pour exécuter spontanément l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français aurait été prise par une autorité incompétente, d'autre part, de l'insuffisante motivation de cette décision ;
6. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 1 à 4, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder à M. C...un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle a été prise doit être écarté ;
7. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) " ;
8. Considérant que, si M. C...est entré sur le territoire français, au cours du mois d'avril 2014, en possession d'un passeport en cours de validité, il est constant que ce passeport n'était pas revêtu du visa requis ; qu'ainsi, cette entrée présentait un caractère irrégulier ; qu'en outre, M. C...n'établit pas avoir formé une demande de titre de séjour ; qu'ainsi, à supposer que l'intéressé soit fondé à soutenir que le f) du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui était pas applicable, il entrait dans le cas visé par le a) du même 3° de cet article, dont les dispositions suffisaient pour autoriser le préfet du Nord à lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire ; que, si M. C...fait état de sa situation de santé, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que celle-ci ne constituait pas une circonstance particulière, au sens du 3° de l'article L. 511-1, qui aurait dû conduire le préfet du Nord à accorder néanmoins à l'intéressé un délai de départ volontaire ; que, par suite, en refusant l'octroi d'un tel délai à M. C..., le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays à destination duquel M. C...pourra être reconduit d'office ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
11. Considérant que, comme il a été dit au point 3, il n'est pas établi que la surveillance médicale que rend nécessaire l'état de santé actuel de M. C...ne serait pas disponible en Guinée ; que, dès lors, en désignant ce pays comme celui à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office, le préfet du Nord ne s'est pas mépris dans son appréciation des faits de l'espèce et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Me B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président
de la formation de jugement,
Signé : O. NIZET
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01792
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