Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, M.D..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la minute du jugement ne comporte pas l'ensemble des signatures requises ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'annulation de la décision de saisie de son passeport, décidée par le tribunal administratif, impose que son passeport lui soit restitué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2016, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. D...ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement, pour ce motif, doit être écarté ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ;
3. Considérant que les mesures de contrôle et de retenue que prévoient les dispositions de l'article L. 611-1 sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet, et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire ou décide son placement en rétention ; que, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, les conditions dans lesquelles M. D...a été retenu en application des dispositions précitées de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont sans influence sur la légalité de la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré par la voie de l'exception d'éventuelles irrégularités entachant la mise en oeuvre de ces mesures doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé / (...) " ; que M.D..., ressortissant marocain, ne peut utilement se prévaloir des certificats médicaux des 17 et 20 avril 2015 de son médecin généraliste prescrivant des examens médicaux en urgence en raison de la découverte d'une masse suspecte dès lors que ces documents sont postérieurs à la mesure d'éloignement contestée et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits qu'ils relatent préexisteraient à l'acte en litige ;
5. Considérant que pour le même motif que celui cité au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure d'éloignement sur la situation de M.D... ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
7. Considérant que par le jugement du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 24 mars 2015 saisissant le passeport et la carte nationale d'identité de M.D..., et a rejeté ses conclusions à fin d'injonction tendant à ce que l'autorité administrative lui restitue son passeport, par voie de conséquence du rejet de ses conclusions d'annulation de la mesure d'éloignement ; que toutefois, eu égard au motif d'annulation de la décision de saisie retenu par les premiers juges, l'exécution du jugement impliquait nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure de procéder à la restitution du passeport et de la carte nationale d'identité de M. D... ; que, dès lors, M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'injonction ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Eure de restituer à M. D... son passeport et sa carte nationale d'identité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme à verser à son conseil, demandée par M. D...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D....
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de restituer le passeport et la carte nationale d'identité de M. D... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZET
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA02063
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