Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, M.B..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a été émis à tort au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis est incomplet et entaché d'un défaut de motivation ;
- le préfet ne s'est pas prononcé sur l'accès effectif au traitement ;
- le préfet a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet s'est cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation médicale et personnelle ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure du fait de l'irrégularité de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour implique celle de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'accorder un délai de départ volontaire de trente jours doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " [...] le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. [...] " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. /Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission de séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un avis du 9 avril 2015, deux médecins de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais ont estimé que l'état de santé de M.B..., ressortissant algérien, né le 27 mai 1955 nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine et que cet état de santé lui permettait de voyager sans risque ; que ces médecins ont, ainsi, régulièrement et suffisamment motivé cet avis au regard des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ; qu'il ne leur appartenait pas de se prononcer sur la condition de l'accessibilité aux soins, cet examen ne portant pas sur des questions d'ordre médical ; qu'est par ailleurs sans influence sur la régularité de la procédure que l'avis vise, en référence, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'avis serait incomplet et insuffisamment motivé doit être écarté ;
3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis émis par les médecins de l'agence régionale de santé ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 1 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que le ressortissant algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d 'origine ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre d'une hypertension artérielle et d'un diabète de type 2 ; que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Nord, qui s'est notamment fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, doit être regardé comme s'étant assuré qu'il existait des possibilités de traitement approprié en Algérie à l'état de santé de M. B... ; que conformément aux règles encadrant le respect du secret médical, il n'appartient pas au préfet d'apporter la preuve de l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé lorsqu'il suit l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ; que si M. B...soutient que certains médicaments tels que le Bisoprol et l'Eucréas qui lui sont prescrits ne seraient pas disponibles sur le marché local ainsi qu'en attestent deux pharmaciens de Tizi Ouzou ainsi qu'un médecin, il n'établit pas pour autant que ces médicaments ne peuvent pas être remplacés par d'autres relevant de la même catégorie thérapeutique ; que si M. B...fait valoir vivre à plus de 20 km de l'hôpital de Tizi Ouzou, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à établir qu'il ne peut accéder effectivement aux soins dont il aurait notamment besoin le cas échéant dans un établissement hospitalier ; qu'il n'est par ailleurs pas isolé dans son pays puisqu'il y est marié et que sa fille réside à Tizi Ouzou ; qu'ainsi, en estimant que M. B... pourrait effectivement bénéficier de soins en Algérie, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et n'a pas fait une inexacte application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
6. Considérant que M. B...fait valoir que ses trois fils résident en France avec leur famille et qu'il ne peut être soigné qu'en France ; que, toutefois, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où réside sa fille et où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-neuf ans ; que son épouse qui l'a accompagné lors de sa venue en France, n'a pas sollicité de titre de séjour ; qu'il résulte en outre de ce qui a été dit au point précédent qu'il n'est pas établi que son état de santé ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
7. Considérant que la commission du titre de séjour prévue par les dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit être saisie que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à l'article L. 313-11 pour lesquels une décision de refus de titre de séjour est envisagée, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces conditions ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points précédents, M. B...ne remplissait pas les conditions pour prétendre à une carte de séjour temporaire de plein droit sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 8, que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;
10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un vice de procédure doit être écarté ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant au point 5, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre du requérant n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant au point 6, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
Sur la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire :
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement pour soutenir que la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire serait privée de base légale ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
17. Considérant qu'eu égard aux motifs énoncés au point 5, le retour de M. B... en Algérie ne saurait être regardé comme susceptible d'exposer l'intéressé à un traitement inhumain et dégradant en raison de son état de santé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant l'Algérie comme pays de destination doit être écarté ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Mme D...C....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZET
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA02016
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