2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a estimé que M. B...était exposé à des mauvais traitements ou persécutions prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'intéressé, qui n'a au demeurant pas déposé de demande d'asile, ne démontre pas qu'il encourrait des menaces réelles et personnelles en cas de retour au Soudan ;
La requête de la préfète du Pas-de-Calais a été communiquée à M.B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 18 décembre 2015 aux abords du terminal d'embarquement du port de Calais, par les services de la police nationale, M. B..., se déclarant de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 22 décembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments ; que ce risque doit être réel et personnel ;
3. Considérant, tout d'abord, que M. B...allègue être originaire de la région du Darfour, en précisant qu'il appartient à l'ethnie non-arabe des Berti et qu'en raison du climat généralisé d'insécurité qui règne dans cette région, il encourrait des risques de persécution en cas de retour au Soudan ; que M. B..., dont les déclarations approximatives et contradictoires quant au lieu où il vivait au Soudan, son activité professionnelle et le lieu de résidence des membres de sa famille, n'établit pas qu'il serait originaire du Darfour, ni d'ailleurs qu'il serait membre de l'ethnie Berti et qu'il aurait été emprisonné pendant trente-cinq jours en qualité d'opposant au régime ; qu'enfin, à supposer même que l'appartenance ethnique de l'intéressé soit avérée, les sources pertinentes récentes, telles que le rapport " Forgotten Darfur : Old Tactics and New Players " publié par Small Arms Survey en juillet 2012, le " rapport Unter Feinden : intrakommunale Gewalt in Darfur " publié par German Institute of Global and Area Studies (GIGA) en 2013, les rapports du Secrétaire général des Nations Unies sur l'Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour n° S/2013/22 et n° S/2014/279 des 15 janvier 2013 et 15 avril 2014, le document " Darfur - COI Compilation " publié par Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation (ACCORD) en juillet 2014 et des rapports " Sudan's Spreading Conflict (III) : The Limits of Darfur's Peace Process. Africa Report n° 211 " et " The Chaos in Darfur " de l'International Crisis Group (ICG) des 27 janvier 2014 et 22 avril 2015, témoignent d'une évolution de la situation et des alliances au Darfour depuis 2010 et du ralliement au Gouvernement soudanais de membres de certaines ethnies non arabes, parmi lesquelles sont citées les Berti, ethnie à laquelle déclare appartenir l'intéressé ; que, dès lors, la seule appartenance à l'ethnie non arabe Berti ne suffit pas pour fonder des craintes personnelles de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Soudan ;
4. Considérant, ensuite, qu'en se bornant, dans sa demande de première instance, à faire aussi état de l'instabilité généralisée du pays et à se prévaloir des violences perpétrées dans la province du Darfour dont il serait originaire, en affirmant, sans aucun élément au soutien de ses allégations, qu'il aurait été détenu de façon arbitraire par les autorités soudanaises, M. B... n'établit pas de manière probante qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Soudan ; que, dans ces conditions, M. B...n'établit pas, en tout état de cause, la réalité des traitements inhumains ou dégradants auxquels il serait personnellement exposé ni les risques d'atteinte grave à sa vie encourus en cas de retour au Soudan ; qu'ainsi, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel M. B...sera éloigné ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;
6. Considérant que par un arrêté en date du 22 décembre 2015, publié au recueil spécial n° 16 du 16 février 2015, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D... C..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment les décisions telles que celle qui est contestée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait et doit être écarté ;
7. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...sera éloigné, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;
8. Considérant que, si M. B...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 18 décembre 2015 en tant qu'il fixe le pays dont il revendique la nationalité, excluant la région du Darfour, comme pays de destination de cette mesure ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 22 décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il sera éloigné est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président-rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00570