Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes restées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée pour permettre au contribuable de contester utilement les rectifications ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a fait peser sur M. A... la charge de la preuve de la déductibilité des dépenses litigieuses ;
- l'administration fiscale a renversé la charge de la preuve ; elle ne justifie pas du caractère non déductible des charges relatives aux cadeaux clients, aux prestations de la société Racing Rental, des remboursements des frais kilométriques et d'achats de pneus de course ;
- l'administration doit apporter la preuve du caractère non déductible des charges rejetées et de l'appréhension des sommes par M. A... ; l'administration ne démontre ni que les dépenses étaient destinées à financer son activité privée de course automobile sur glace, ni qu'il aurait appréhendé ces sommes ;
- l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge de l'impôt ; le tribunal correctionnel l'a relaxé des fins de poursuite s'agissant de l'abus de bien sociaux relatif aux achats de pneus de course ;
- les pénalités appliquées pour manquement délibéré ne sont pas justifiées notamment s'agissant des prétendues dépenses prises en charge pour le compte du chef d'entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Un mémoire en réplique, présenté par M. A..., a été enregistré le 9 novembre 2018 mais n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 15 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Parallèlement à la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL A... Diffusion dont il est le gérant, M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les revenus perçus en 2010 et 2011, ainsi que d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2012 à l'issue desquels il a été assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de ces années sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts comme bénéficiaire de revenus distribués par la SARL A... Diffusion s'élevant à 104 682 euros pour l'année 2010, 108 081 euros pour l'année 2011, et à 34 615 euros pour l'année 2012. Le contribuable, en sa qualité de dirigeant de la SARL A... Diffusion a sollicité le bénéfice de la déduction en cascade des rappels d'impôt notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales. Les rappels ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Par un jugement joint du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. A..., à concurrence des dégrèvements de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en droits et pénalités prononcés par l'administration fiscale au titre de l'année 2012 pour un montant de 1 726 euros, a réduit la base d'imposition de M. A... aux contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012 du montant correspondant à la majoration de 25 % prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts, et a rejeté le surplus de ses demandes. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes de décharge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
3. M. A... soutient que la proposition de rectification que lui a adressée à titre personnel l'administration fiscale était insuffisamment motivée pour lui permettre de contester utilement les rectifications proposées, compte tenu de la distorsion entre les sommes notifiées à la société et les sommes qui lui ont été notifiées à l'impôt sur le revenu, ces dernières ne recouvrant pas les mêmes périodes sans que le détail ne lui en soit communiqué.
4. Il résulte de l'instruction que chacune des deux propositions de rectification du 10 décembre 2013 notifiées à M. A... portant respectivement, d'une part, sur les années 2010 et 2011 et, d'autre part, sur l'année 2012, précise la nature des impositions et renvoie à la proposition de rectification adressée à la SARL A... Diffusion, jointe en annexe. La proposition de rectification de la société détaille les sommes correspondant à des dépenses dont la déductibilité n'a pas été démontrée par la société, qualifiées d'avantages sans contrepartie, à l'origine de rectifications visées aux paragraphes " charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise " et " remboursements de frais kilométriques " imposables comme des revenus distribués entre les mains du bénéficiaire au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts. Les avantages occultes consentis par la SARL A... Diffusion à M. A..., son dirigeant, ont été regardés comme distribués et imposables entre ses mains pour leur montant toutes taxes comprises.
5. La distorsion entre le montant des distributions notifiés à la société et celui imposé entre ses mains résulte de ce que les distributions notifiées à la société ont été établies au titre de chacun des exercices clos au 31 mars 2010, 2011 et 2012, tandis que les distributions imposées entre ses mains l'ont été, après ventilation en vertu du principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu, au titre des trois années civiles vérifiées. Il ressort de la lecture des propositions de rectification que l'administration fiscale lui a adressées, qu'après avoir détaillé dans un tableau récapitulatif les charges non admises en déduction au niveau de la SARL pour chacun des exercices vérifiés, un tableau synthétique qui présente la ventilation des distributions pour chacune des années concernées en application du principe d'annualité en conservant le détail par poste de charge et en distinguant les montants hors taxe et la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Le montant des distributions imposables entre ses mains s'élève à 104 682 euros pour l'année 2010, 108 080 euros pour l'année 2011 et 34 615 euros pour l'année 2012. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises en recouvrement s'élevaient respectivement à un montant total de 42 678 euros pour l'année 2010, 43 284 euros pour l'année 2011 et 11 545 euros après dégrèvement pour l'année 2012. Ces montants étaient conformes à ceux notifiés dans les deux propositions de rectification que l'administration fiscale lui a adressées le 10 décembre 2013, qui mentionnent l'ensemble des éléments de fait et de droit fondant les rectifications notifiées et auxquelles la proposition de rectification adressée à la société suite au contrôle était jointe et qui comprenant en annexe un récapitulatif détaillé des frais kilométriques répartis par année civile faisant clairement apparaître les montants litigieux, était suffisamment motivée. L'ensemble de ces propositions de rectification adressées à M. A..., qui mentionnaient l'ensemble des éléments de fait et de droit fondant les rectifications notifiées, étaient suffisamment motivées, pour lui permettre de formuler utilement ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait par un courrier daté du 29 janvier 2014. La circonstance que dans un mémoire en défense du 28 septembre 2015 présenté en cours d'instance devant le tribunal administratif de Grenoble, l'administration fiscale a mentionné des montants de distributions erronés est sans incidence sur le caractère suffisamment motivé des propositions de rectification. Le moyen doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. L'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification sur le plan pénal. En revanche, elle n'a pas d'incidence sur la qualification par le juge de l'impôt de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale.
7. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". L'octroi d'un avantage sans contrepartie doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens de ces dispositions, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du destinataire, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. Il y a lieu pour le juge de l'impôt, en cas de comptabilisation explicite de la dépense de rechercher si ces indications pouvaient dissimuler l'octroi d'une libéralité.
8. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci a effectivement disposé de ces sommes. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Il en résulte que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.
9. La vérification de comptabilité de la SARL A... Diffusion au titre des exercices clos les 31 mars 2010, 2011 et 2012 a révélé que cette société avait pris en charge diverses dépenses personnelles du gérant correspondant à des cadeaux et des frais de sponsoring destinés à financer la participation de son gérant à des stages de pilotage et à des courses automobiles sur glace, à l'achat de pneus de course, à des dépenses de carburant, de réparation et d'immatriculation d'une remorque, de péages d'un semi-remorque sur les lieux des courses du Trophée Andros, de réparation de bâches, d'achat de moquette et d'un podium d'exposition pris en charge pour le compte de la société Racing Rental, gérant l'écurie de course de M. A.... En rappelant ces faits, l'administration fiscale doit être regardée comme justifiant que, du fait de leur nature, l'ensemble de ces dépenses personnelles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de la société. Elle fait, en outre, valoir sans être contestée que certaines de ces dépenses n'ont pas été comptabilisées sous une forme explicite au titre de chacun des exercices vérifiés, comme il est prescrit à l'article 54 bis du code général des impôts. Pour contester les distributions occultes imposées, M. A... se borne à soutenir, sans l'établir, que ces dépenses présentaient un intérêt pour la SARL A... Diffusion. Ce faisant, il ne conteste pas utilement l'existence et le montant des dépenses à caractère personnel prises en charge pour son compte par la société qu'il dirige.
10. Pour regarder M. A... comme étant le maître de l'affaire et le seul bénéficiaire des distributions, l'administration fiscale, au vu des conditions d'exploitation de la société au titre des trois exercices vérifiés, a relevé que celui-ci détenait 100 % du capital social de la SARL BRB, elle-même détentrice de la totalité des parts moins une du capital de la SARLA... Diffusion, qu'il occupait la fonction de gérant sur l'ensemble de la période vérifiée, et qu'il disposait seul au nom de la société de la signature et des comptes bancaires. Il était en outre, associé via la SARL BRB qu'il détient intégralement, à hauteur de 50 % de la SARL Racing Rental. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'appréhension des distributions par M. A... en sa qualité de maître de l'affaire.
11. Les remboursements de frais, même non justifiés, consentis à un gérant majoritaire de SARL, qui sont susceptibles d'être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, constituent ainsi, en principe, un élément de sa rémunération imposable, en application de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations alloués aux gérants majoritaires de SARL, sauf si leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif.
12. Après avoir exercé son droit de communication auprès de la SARL A...Diffusion, l'administration fiscale a constaté que, sur la période litigieuse, cette société remboursait mensuellement à M. A..., son gérant, des frais kilométriques selon le barème publié par l'administration sans justifier de manière probante de la réalité et du caractère professionnel des déplacements allégués, ni même de l'utilisation du véhicule personnel de celui-ci pour les besoins de la société. Si le contribuable soutient que la comptabilisation de ces indemnités était explicite, il résulte, toutefois, de l'instruction que leur inscription en comptabilité dissimulait leur véritable nature. Les déplacements professionnels allégués n'étant pas justifiés, et les factures de réparation et d'entretien du véhicule ainsi que les dépenses de carburant prises en charge par la société pour les déplacements professionnels avérés du gérant faisant double emploie avec le versement d'indemnités kilométriques, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que les remboursements non justifiés d'indemnités kilométriques alloués par la société à M. A... ne pouvaient être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, mais comme des dépenses à caractère personnel prises en charge par la société et constitutives de distributions occultes imposables entre ses mains.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
14. En faisant valoir que le montant des dépenses personnelles prises en charge par la société au profit de son gérant, et maître de l'affaire, rapporté à son revenu imposable représente trois fois le revenu déclaré sur chacune des années, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt justifiant l'application de la pénalité de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de ses demandes. Par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère,
Lu en audience publique le 8 janvier 2019.
4
N° 18LY00288