2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer dans le délai d'un mois une carte de séjour temporaire ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1706556 du 21 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 27 octobre 2017 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de cette délivrance.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 et de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a considéré que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui ayant pas été régulièrement notifiée, M. B...n'avait pas épuisé son droit au séjour en qualité de demandeur d'asile ;
- c'est à tort qu'il a retenu que l'obligation de quitter le territoire français faite à l'intéressé procédait d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens présentés à l'appui de la demande de première instance de M. B...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2018, M. B...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 27 octobre 2017 au motif qu'il était entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant guinéen né le 5 avril 1989, déclare être entré en France le 5 août 2016. Sa demande d'asile, enregistrée le 13 octobre 2016, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 juin 2017. Le préfet de l'Isère, par arrêté du 27 octobre 2017, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi. Il relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux demandes d'asile présentées à compter du 1er novembre 2015 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.(...) ". Selon l'article R. 723-19 du même code : " I.-La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) ". L'article R. 733-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le recours doit, à peine d'irrecevabilité, être exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office. Le délai de recours ainsi que les voies de recours ne sont toutefois opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés dans la notification de la décision. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé.
4. M. B...a allégué que, faute d'avoir été informé de la réception du pli contenant la décision du 9 juin 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, il n'avait pas pu retirer ce pli dans les temps. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge de première instance que l'avis de réception attaché au pli recommandé contenant la décision du 9 juin 2017 a été adressé à M. B... à l'adresse de la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (PADA) " Adate ", auprès de laquelle il a établi sa domiciliation postale. Cet avis, retourné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui l'a réceptionné le 10 juillet 2017, comporte la mention " présenté/avisé le 20 juin 2017 " et la case " non réclamé ", correspondant au motif de non distribution, y est cochée. M. B...a soutenu devant le premier juge n'avoir pas reçu la notification de cette décision en raison d'une erreur de la PADA. Toutefois, un responsable de cette association atteste qu'un avis de passage adressé à M.B..., dont les références correspondent au pli contenant la décision du 9 juin 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été réceptionné le 20 juin 2017 et lui a été remis en mains propres contre signature le 30 juin 2017. Cette attestation est corroborée par un extrait des archives de la PADA indiquant que l'intéressé était " indisponible " le jour de l'arrivée du pli et comportant sa signature ainsi que la mention de la date du 30 juin 2017 à laquelle il est passé le retirer. Si ces éléments démontrent qu'un délai de dix jours s'est écoulé avant que M. B... n'ait connaissance de cet avis de passage, le délai légal de mise en instance du pli recommandé de quinze jours n'était pas écoulé à la date du 30 juin 2017. Dans la mesure où M. B...n'allègue ni n'établit n'avoir pu retirer ce pli avant l'expiration de ce délai, la décision de rejet de sa demande d'asile doit être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée. Par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a estimé que M. B...n'ayant pas épuisé son droit au séjour en qualité de demandeur d'asile, le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français.
6. Par ailleurs, si M. B...s'est inscrit par équivalence en deuxième année de licence en droit à compter de la rentrée 2017, cette circonstance est sans incidence sur sa vie privée et familiale, alors, en outre, qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étudiant, n'est entré que très récemment en France, où il ne justifie pas autrement que par des attestations de proches qui lui sont favorables d'attaches privées et familiales stables. Dès lors, c'est à tort que le premier juge a retenu que l'obligation de quitter le territoire français que lui a opposée le préfet de l'Isère était entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 27 octobre 2017.
8. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble.
9. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français a été signée par M. Yves Dareau, secrétaire général adjoint de la préfecture, qui a reçu délégation à cette fin par arrêté du préfet de l'Isère du 29 août 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 30 août 2017.
10. En deuxième lieu, cette décision, qui vise les textes dont il est fait application et énonce de manière précise et circonstanciée les différents motifs de fait tenant à la situation particulière de M. B...sur lesquels elle est fondée, est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
11. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision en litige que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen préalable de la situation de M. B....
12. En quatrième lieu, M.B..., qui ne résidait en France que depuis un an et trois mois et n'y justifie pas d'une vie privée et familiale stable, n'établit pas, en faisant seulement état de son inscription à l'université de Grenoble et de relations amicales qu'il a nouées depuis son arrivée en France, que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le pays de renvoi :
13. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de M. Yves Dareau, secrétaire général adjoint de la préfecture et signataire de l'arrêté en litige en ce qu'il désigne un pays de renvoi, doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment.
14. En deuxième lieu, M. B...n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté en litige en ce qu'il désigne un pays de pays de renvoi.
15. En dernier lieu, M. B...soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, il se borne à faire référence à son récit de demande d'asile sans produire d'élément probant à l'appui de ses allégations et ne démontre pas le caractère actuel et réel des menaces auxquelles il serait exposé en cas de retour en Guinée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant la Guinée comme pays de renvoi, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706556 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Isère et à M. A... B....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2019.
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N° 18LY00320
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