Par un jugement n° 1503370 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre le refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2015, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 septembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 2 juin 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. B... soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les juges n'ont pas statué en totalité sur chacun des moyens invoqués ;
Sur le refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors que le préfet n'a pas pris en compte les éléments qu'il a produits dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre relatifs à sa durée de séjour en France et à ses liens familiaux ;
- il est entaché d'une erreur de fait lorsqu'il indique qu'il est célibataire et sans enfant alors qu'il vit en concubinage avec la mère de sa fille, née en France ;
- que sa présence en France étant attestée depuis plus de dix ans, le préfet ne pouvait prendre à son encontre un refus de titre de séjour sans avoir au préalable saisi la commission du titre de séjour ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il justifie d'une présence longue en France et d'une insertion professionnelle ;
- le refus de titre méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure où il prive sa fille, dont les deux parents sont de nationalité différente, de l'un de ses deux parents ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
1. Considérant que M.B..., né le 5 septembre 1975, de nationalité biélorusse, a sollicité le 6 mai 2013 son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 2 juin 2015, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a décidé qu'il pourrait être éloigné vers le pays dont il a la nationalité ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible ; que, par décision du même jour, le préfet de l'Isère a assigné l'intéressé à résidence à son domicile ; que M. B... a saisi le tribunal administratif de Grenoble de deux demandes tendant à l'annulation de ces décisions ; que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, statuant selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a, le 6 juin 2015, après avoir réservé à une formation collégiale le soin de statuer sur les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, rejeté les conclusions de M. B...tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de destination, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'assignant à résidence ; que par un jugement du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B...dirigée contre le refus de titre de séjour ; que par un arrêt du 17 décembre 2015, la cour de céans a rejeté la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement du 6 juin 2015 ; que M. B... relève appel du jugement du 17 septembre 2015 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que si M. B...fait grief au tribunal administratif de Grenoble de ne pas avoir complètement répondu aux différents moyens qu'il avait soulevés devant lui, toutefois, le tribunal a suffisamment répondu à ces moyens ;
Sur le refus de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre-public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;
4. Considérant que M. B...fait valoir qu'il résidait en France depuis juin 2004, soit depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que, toutefois, la date de l'entrée en France de M. B...n'est pas établie, son passeport comprenant uniquement un tampon des autorités allemandes attestant qu'il est entré sur leur territoire le 23 juin 2004 ; que le fait qu'il ait ouvert en juillet 2004 un compte bancaire, ainsi que l'atteste un document produit par sa banque, resté ouvert jusqu'au mars 2007, ne suffit pas à établir la continuité de sa présence sur le territoire français pendant cette période ; qu'il n'a produit des relevés de ce compte que pour quelques mois de chacune de ces années, attestant au mieux de sa présence sur le territoire français pendant ces quelques mois ; qu'il n'a produit, outre quelques attestations d'amis, peu circonstanciées, aucun élément permettant d'attester de sa présence sur le territoire français au cours du premier semestre de 2005 et des neufs premiers mois de 2006 ; qu'en dehors d'un accusé de réception de janvier 2007 de la commission des recours des réfugiés, ainsi que d'une demande d'aide juridictionnelle, M. B...n'a produit aucune pièce attestant de sa présence en France au cours de cette année ; que les documents qu'il a produits pour l'année 2008 concernent exclusivement le second semestre ; que la facture d'un achat fait ponctuellement en mars 2009 ne saurait attester de sa présence pendant toute l'année 2009 ; que pour l'année 2010, il n'a produit que deux documents établis en mars de cette année ; que si M. B... a déclaré ses revenus au titre des années 2011 et 2012, conduisant à ce qu'il ne soit pas imposé en raison de leur faiblesse, ces documents ne permettent pas, à eux seuls, pour ces années, d'établir sa présence en France ; que, dans ces conditions, et alors même que M. B...a produit, à compter de l'année 2013, un nombre plus important de documents pour attester de sa présence en France, il ne saurait être regardé comme justifiant par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'un vice de procédure en ne saisissant pas préalablement à sa décision la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il ressort des termes du refus de titre de séjour opposé à M. B...que le préfet de l'Isère, qui disposait d'éléments lui permettant de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé, a procédé à un tel examen avant de prendre la décision litigieuse ; qu'à ce titre, la circonstance que M. B...ait, tardivement, le jour même où la décision a été prise, communiqué aux services de la préfecture de nouveaux éléments relatifs à sa situation personnelle, qui n'ont pas pu être pris en compte par le préfet, n'est pas de nature à démontrer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation et que sa décision serait, de ce fait, entachée d'erreur de droit ;
6. Considérant que pour refuser de délivrer à M. B...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14, puis sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère s'est notamment fondé sur le fait que l'intéressé était célibataire et sans enfant ; que, toutefois, M. B...a produit différentes pièces permettant d'attester qu'à la date du refus de titre de séjour, il était père d'un enfant, né le 28 novembre 2014 et qu'il vivait avec la mère de cet enfant ; qu'ainsi, en lui opposant ce motif, le préfet a commis une erreur de fait ;
7. Considérant toutefois que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
8. Considérant que dans ses écritures de première instance, le préfet a demandé à ce que soit substitué à ce motif erroné en fait, le motif tiré de ce que M. B...ne justifie pas de la réalité, de l'ancienneté et de la stabilité de sa relation alléguée avec MmeC..., qu'il n'établit pas participer à l'entretien et l'éducation de l'enfant dont il est le père, et qu'à supposer même cette relation avérée, il n'est pas établi que ces derniers devaient résider durablement en France alors que Mme C...ne bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français que jusqu'à la notification de la décision prise à son sujet par la Cour nationale du droit d'asile le 24 avril 2015 ; que si M.B..., qui vivait avec l'enfant et sa mère à la date de la décision devait être regardé comme le prenant en charge, il ne conteste pas les autres nouveaux motifs invoqués par le préfet ;
9. Considérant, que ni la circonstance que M. B...résiderait en France depuis de nombreuses années, ni le fait qu'il justifie de perspectives professionnelles, ni encore le fait qu'il soit père d'un enfant né en France ne présentent le caractère de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en refusant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui n'établit pas, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, avoir continuellement séjourné en France pendant dix ans, est arrivé pour la première fois en France à l'âge de 34 ans ; qu'il vivait, depuis quelques mois seulement à la date de la décision litigieuse, avec une ressortissante russe avec laquelle il a eu un enfant, et qui ne disposait plus, lorsque le préfet a pris ses décisions, d'un droit au séjour en France, sa demande d'asile ayant été définitivement rejetée ; que M. B...n'est pas démuni d'attaches familiales en Bielorussie où réside sa fille née d'une précédente union ainsi que ses parents ; que dès lors, dans ces conditions, et malgré le fait que M. B...a obtenu plusieurs fois des promesses d'embauche, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet du Rhône n'a ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les dispositions de 1'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
11. Considérant qu'eu égard à ce qui a été indiqué aux points précédents, et alors qu'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était notamment fondée initialement sur le nouveau motif opposé par le préfet, il y a lieu de procéder à la substitution demandée qui ne prive M. B...d'aucune garantie procédurale ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'en l'espèce, le refus de séjour litigieux n'a pas pour effet de séparer la fille de M. B...de ses parents ; que, dès lors, le refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 15LY03888