Par une ordonnance du 9 novembre 2015, le président de la cour administrative d'appel a ordonné, en application des dispositions de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande présentée par Mme A... tendant à obtenir l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 avril 2014, réformé par l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon le 29 janvier 2015.
Par des mémoires enregistrés les 6 janvier et 19 février 2016, le préfet de la Haute-Savoie a présenté ses observations.
Il soutient que :
- il a proposé un rendez-vous à l'intéressée le 17 août 2015 pour réexaminer sa demande ; l'intéressée ne lui a transmis aucun document permettant de revoir sa position ;
- il a procédé au réexamen de la situation personnelle de MmeA... ; au regard des éléments nouveaux portés à sa connaissance, l'intéressée ne pouvant légitimement soutenir être menacée en cas de retour en République Démocratique du Congo, il a pris à son encontre, par arrêté du 18 février 2016, une obligation de quitter le territoire français sous 30 jours et désigné comme pays de renvoi le pays dont elle a la nationalité ou tout pays où elle serait légalement admissible ;
Par des mémoires enregistrés les 28 janvier et 2 mars 2016, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie d'exécuter l'arrêt susvisé sous 8 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais qu'elle aurait exposés si elle n'avait pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- elle s'était présentée en préfecture pour communiquer des éléments à l'administration ; il ne lui a pas été indiqué de pièces manquantes lors de cet entretien ; il lui a été demandé de justifier d'une promesse d'embauche, ce qu'elle a fait, mais elle s'est vu opposer un refus de guichet le 26 janvier 2016 ; à deux reprises et pour des motifs illégaux, la préfecture a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour, qui vise précisément à permettre au préfet de pouvoir réexaminer sa situation ; seules les indications d'état-civil sont exigibles au niveau de la demande de titre de séjour ; la preuve de sa durée de résidence depuis 5 ans ne saurait justifier un refus d'enregistrement ;
- le préfet ne peut prétendre s'être acquitté de son obligation de réexamen en se prévalant d'une situation dont il a lui-même créé les conditions ; c'est en raison des refus d'enregistrement de ses demandes de titre de séjour au motif qu'elle ne détenait pas de passeport ou d'attestation consulaire qu'elle a été contrainte, au péril de sa sécurité, à solliciter la délivrance d'un passeport auprès de l'ambassade du pays qu'elle a fui, avec le soutien du secours catholique, et par internet ; elle ne s'est toujours pas vu délivrer de passeport, l'ambassade procédant à une enquête administrative sur son identité et probablement sur les motifs de son départ de son pays d'origine, rendant peu probable l'obtention de son passeport ;
- le préfet ne peut alléguer avoir réexaminé sa situation au motif qu'il a pris un nouvel arrêté contre elle, cet arrêté étant de pure circonstance et intervenu en violation de l'autorité de la chose jugée.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 décembre 2015
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeC..., représentant MmeA....
1. Considérant que, par un jugement du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du préfet de la Haute-Savoie du 22 octobre 2013, désignant les pays à destination desquels Mme A...serait susceptible d'être éloignée d'office, pour méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des risques encourus en cas de retour en République Démocratique du Congo, et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de sa décision ; que, par un arrêt du 29 janvier 2015 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon, saisie par le préfet, a confirmé ce motif d'annulation mais a estimé qu'il ne justifiait l'annulation de la décision fixant le pays de destination qu'en tant qu'elle mentionnait la République Démocratique du Congo, et réformé le jugement en ce sens ; que Mme A...demande à la cour, saisie en tant que juge de l'exécution, d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal d'une astreinte ;
Sur l'exécution du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que, si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée ; que, le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée ; qu'en particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par arrêté du 18 février 2016, le préfet de la Haute-Savoie a obligé Mme A...à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et désigné la République Démocratique du Congo et tout pays où elle serait légalement admissible comme pays de renvoi ; que la désignation du pays dont l'intéressée a la nationalité comme pays de destination est justifiée par le fait qu'elle a contacté l'ambassade de cet Etat à Paris en vue d'obtenir un passeport et qu'elle a, de ce fait, entendu faire connaître sa présence aux autorités congolaises et se placer sous leur protection ;
6. Considérant qu'en édictant ces nouvelles décisions du 18 février 2016, le préfet de la Haute-Savoie a, en cours d'instance, exécuté l'obligation de réexamen qui lui avait été impartie ; que la légalité de cet arrêté soulève un litige distinct de celui dont le juge de l'exécution a été saisi dès lors que le préfet entend se prévaloir d'un élément nouveau pour justifier la désignation de la République Démocratique du Congo comme pays de renvoi ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A...au profit de Me C..., sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La demande d'exécution de Mme A...et ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016, où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
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N° 14LY00768
N° 15LY03587 5