Par une requête enregistrée le 22 mai 2014, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision du 7 avril 2014.
Il soutient que :
- M. B...ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il était dépourvu de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ;
- M. B...ne justifiait pas d'une adresse stable dès lors qu'il était hébergé à titre temporaire et que l'attestation qu'il a présentée était antérieure de plus de quatre mois à l'arrêté attaqué ;
- l'intéressé, entré irrégulièrement en France et ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, n'entendait pas retourner dans son pays d'origine et utilisait manifestement plusieurs domiciliations, comme son père.
La requête a été communiquée à M.B..., qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 8 janvier 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pourny.
1. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie a pris à l'encontre de M.B..., ressortissant kosovare né en 1992, un arrêté en date du 21 juin 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation de pays de destination ; que M. B... s'étant maintenu sur le territoire français après l'expiration de ce délai, le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre une décision en date du 7 avril 2014 portant maintien en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision du 7 avril 2014 par un jugement du 11 avril 2014 dont le préfet de la Haute-Savoie relève appel ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'enfin aux termes du II de l'article L. 511-1 de ce code : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;
3. Considérant qu'il est constant que M.B..., dont la carte d'identité kosovare était périmée, ne disposait pas de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; que, par suite, même si l'intéressé disposait d'une adresse sur le territoire de la commune de Sévrier et même s'il s'est présenté volontairement au commissariat de police d'Annecy, il ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes ; qu'ainsi, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a retenu que M. B...présentait des garanties de représentation suffisantes et considéré que la décision le plaçant en rétention était entachée d'une erreur d'appréciation ;
4. Considérant qu'il appartient, dès lors, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés pour M. B...devant le tribunal administratif à l'encontre de la décision qu'il conteste ;
En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :
5. Considérant, en premier lieu, que M. D...A...du Payrat, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, signataire de la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Savoie en date du 30 juillet 2012, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois d'août 2012, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Savoie, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté comme non fondé ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que si M. B...soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée eu égard à la gravité de ses conséquences, cette décision vise notamment les dispositions du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et mentionne le fait que M. B...a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes au motif qu'il est dépourvu de passeport et que sa carte nationale d'identité kosovare est périmée ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée :
7. Considérant que même si M. B...avait interjeté appel du jugement rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français, il était au nombre des étrangers mentionnés par les dispositions précitées du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et était susceptible, en l'absence de garanties de représentation suffisantes, de faire l'objet d'une décision de placement en rétention ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit par suite être écarté ;
8. Considérant que ni l'état de santé du père de M.B..., ni le fait que ce dernier se soit présenté au commissariat en réponse à une convocation qui lui avait été remise la veille ne sont de nature à établir, dans les circonstances de l'espèce, que la décision le plaçant en rétention soit entachée d'une erreur d'appréciation ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 7 avril 2014 plaçant M. B...en rétention ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante, verse à M. B... une somme au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal tendant à l'application combinée des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2016.
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N° 14LY01599