Procédures devant la cour :
I) Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2014 sous le n° 14LY04100, le préfet de la Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2014 en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et met à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. et Mme E... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. et Mme E...relatives à ces décisions.
Il soutient :
- que Mme E...est à même de trouver un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine et ne justifie pas que son état de santé soit lié aux évènements traumatisants vécus dans son pays d'origine ;
- que l'Etat ne pouvait être condamné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'il ne pouvait être regardé comme la partie perdante.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2016, M. et MmeE..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros versée à leur conseil soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir :
- que c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'il y avait eu erreur manifeste d'appréciation et violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- qu'ils entendent maintenir les moyens invoqués en première instance.
II) Par une requête enregistrée le 23 décembre 2014 sous le n° 14LY04104, le préfet de la Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2014 en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et met à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. et Mme E... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. et Mme E...relatives à ces décisions.
Il invoque les mêmes moyens que précédemment.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2016, M. et MmeE..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros versée à leur conseil soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils invoquent les mêmes moyens que précédemment.
M. et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2015.
III) Par une requête, enregistrée le 11 mars 2015 sous le n° 15LY00846, le préfet de la Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 février 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M. et MmeE....
Il soutient :
- que Mme E...est à même de trouver un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine et ne justifie pas que son état de santé soit lié aux évènements traumatisants vécus dans ce pays ;
- que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ;
- que Mme A...disposait de la délégation de compétence réglementaire ;
- que l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé contient toutes les précisions requises par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 ;
- que l'Etat ne pouvait être condamné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'il ne pouvait être regardé comme la partie perdante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2016, M.E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros versée à son conseil soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir :
- que c'est à bon droit que le tribunal administratif a constaté la violation de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- qu'ils entendent maintenir les moyens invoqués en première instance.
M. et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bourion.
1. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants bosniens nés respectivement en 1981 et 1987, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 3 juillet 2012, avec leur enfant mineur ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 octobre 2012, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 19 septembre 2013 ; qu'ils ont sollicité, l'un et l'autre, un titre de séjour qui leur a été refusé par deux arrêtés du préfet de la Savoie du 19 septembre 2014 portant obligation de quitter le territoire français ; que, le 21 novembre 2014, le même préfet a pris deux arrêtés portant assignation à résidence ; que, par un jugement du 28 novembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé les arrêtés du 19 septembre 2014 en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français et fixent le pays de destination ainsi que les arrêtés du 21 novembre 2014 et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. et Mme E...; que, par un jugement du 25 février 2015, le tribunal a annulé les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour contenues dans les arrêtés du préfet de la Savoie du 19 septembre 2014 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. et Mme E...; que, par les requêtes enregistrées sous les n° 14LY04100 et 14LY04104, le préfet de la Savoie relève appel du jugement du 28 novembre 2014 ; que, par la requête enregistrée sous le n° 15LY00846, le préfet relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 février 2015 ; que par ces trois requêtes il conclut au rejet des trois demandes de M. et MmeE... devant le tribunal administratif ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant que la décision du 19 septembre 2014 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé à Mme E...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise au vu d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé du 5 août 2014, selon lequel l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet de la Savoie, qui n'était pas tenu par cet avis, a considéré que Mme E... pouvait bénéficier des soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine en se fondant sur un courriel émanant de la consule-régisseur de l'ambassade de France à Sarajevo daté du 14 mars 2014, qu'il produit en appel, et sur le tableau récapitulatif des pathologies traitées en Bosnie, dont il résulte que les maladies psychiatriques peuvent y être soignées ; que si Mme E... produit des certificats médicaux et des ordonnances, qui indiquent qu'elle présente un syndrome anxio-dépressif majeur, ces documents ne suffisent pas à établir qu'elle ne pourrait bénéficier en Bosnie d'un traitement approprié à sa pathologie, alors en outre, qu'il n'est pas établi que la source de son traumatisme se trouve en Bosnie et qu'un retour dans ce pays aggraverait son état de santé ; que, par suite, le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les arrêtés du 19 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues en ce qui concerne Mme E...et qu'il y avait lieu d'annuler par voie de conséquence le refus de titre de séjour opposé le même jour à M. E...;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Grenoble ;
5. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 1er septembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet de la Savoie a donné à Mme D...A..., directrice de la réglementation et des services aux usagers de la préfecture et signataire de la décision en litige, délégation de signature notamment en matière de refus de séjour, d'éloignement des étrangers et de désignation du pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés du 19 septembre 2014 doit être écarté ;
6. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;- s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; que, comme il a été précédemment dit, le médecin de l'agence régionale de santé, dans son avis du 5 août 2014 produit par le préfet de la Savoie, a estimé qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de Mme E... ; que le seul fait que ce médecin n'a pas indiqué si l'état de santé de Mme E... lui permettait de voyager sans risque vers le pays de renvoi n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme E...pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays ou tout autre dans lequel elle est légalement admissible ;
7. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme E...ne présente pas un état de santé lui permettant de se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'en outre, à la date des arrêtés en litige, les époux E... ne résident en France que depuis deux ans ; qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales et privées en Bosnie où ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de trente et un et vingt-cinq ans ; que, dans ces conditions, les décisions portant refus de délivrance de titres de séjour n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ces mêmes éléments que ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus, la décision portant refus de titre de séjour adoptée à l'encontre de M. E...n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ; qu'en prenant à l'encontre de M. et Mme E...des décisions portant refus de titre de séjour, le préfet n'a porté aucune atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, dès lors que ces décisions n'ont pas pour objet de séparer les enfants des parents et que les enfants, âgés respectivement de cinq ans et d'un mois à la date des arrêtés en litige, pourront poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine ; par suite, ces décisions n'ont pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
10. Considérant, en sixième lieu, que les décisions refusant à M. et Mme E...un titre de séjour n'étant pas entachées d'illégalité, ceux-ci ne sont pas fondés à soulever, par voie d'exception, leur illégalité à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant, en septième lieu, que, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision défavorable est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et MmeE..., qui ont déposé des demandes d'asile tendant à leur maintien en France, ne pouvaient ignorer qu'en cas de refus, ils pouvaient faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'ils ont eu la possibilité tout au long de l'instruction de leurs demandes de faire valoir tout élément utile susceptible d'influer sur la reconnaissance d'un droit au séjour en France ainsi que sur la prise à leur encontre d'une mesure d'éloignement et sur ses modalités d'exécution ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et MmeE..., qui se bornent à soutenir que leur droit d'être entendus a été méconnu, sans autre précision, disposaient d'informations pertinentes tenant à leur situation personnelle, qu'ils ont été empêchés de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prises les mesures d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle aux décisions les obligeant à quitter le territoire français ; que, par suite, M. et Mme E... ne peuvent être regardés comme ayant été privés du droit d'être entendus qu'ils tiennent du principe général du droit de l'Union européenne ;
13. Considérant, en huitième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme E...n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du doit d'asile ;
14. Considérant, en neuvième lieu, que compte tenu des éléments précédemment exposés, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;
15. Considérant, en dixième lieu, que compte tenu des éléments précédemment exposés, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
16. Considérant, en onzième lieu, que, les décisions refusant à M. et Mme E...un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, ceux-ci ne sont pas fondés à soulever, par voie d'exception, l'illégalité desdites décisions à l'encontre des décisions fixant le pays de destination ;
17. Considérant, en douzième lieu, qu'aux termes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'en se bornant à évoquer une tentative de rapt de leur fille, au demeurant non établie, M. et Mme E...n'établissent pas qu'ils seraient exposés à des risques personnels et actuels de tortures ou de traitements inhumains au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans le pays dont ils ont la nationalité ; que, par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir qu'en fixant la Bosnie comme pays de destination, le préfet de la Savoie a méconnu les stipulations précitées ;
18. Considérant, en treizième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 561-1 du même code : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. (...) " ;
19. Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'examen des décisions en litige, qu'elles sont suffisamment motivées ;
20. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des circonstances tirées de la présence de leurs deux enfants et de l'état de santé de MmeE..., que M. et Mme E...ne seraient pas en mesure de se présenter au service du commissariat de police d'Aix-les-Bains, trois fois par semaine ; que, par suite, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné et le tribunal administratif de Grenoble ont annulé ses arrêtés du 19 septembre 2014 et du 21 novembre 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. et Mme E...une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1407081-1407082 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2014 ainsi que le jugement n° 1407081-1407082 du tribunal administratif de Grenoble du 25 février 2015 sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
''
''
''
''
4
N° 14LY04100,14LY04104,15LY00846