Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2015, Mme B...C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 janvier 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 11 septembre 2014 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou la mention "salariée", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E...d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, celui-ci s'engageant à renoncer dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne le rejet de sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée préalablement, en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement attaqué est entaché sur ce point d'une contradiction de motifs, dès lors qu'après avoir admis qu'elle justifiait d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, les juges de première instance ont considéré que le préfet n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie d'une résidence habituelle en France de près de onze ans à la date de cette décision et d'une forte intégration notamment par le travail et, ainsi, de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. et Mme A... souhaitent l'embaucher pour lui confier la garde de leurs enfants et qu'ainsi, elle justifie de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ;
- sont entachés d'erreur de droit les deux motifs de rejet de sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" tirés de l'absence de visa de long séjour et de l'absence de contrat de travail visé ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie d'une résidence habituelle en France de près de onze ans à la date de cette décision, d'un emploi et de compétences recherchées, qu'elle parle couramment le français, qu'elle est très bien intégrée en France et très appréciée de M. et Mme A... qui souhaitent l'embaucher pour lui confier la garde de leurs enfants et qu'elle n'a pas revu depuis plus de dix ans le père de ses enfants dont elle est divorcée depuis le 30 septembre 2014 et qui vit au Maroc avec ses enfants dont il a la garde ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Drouet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, le 13 novembre 2013, Mme C..., de nationalité tchadienne, a sollicité par l'intermédiaire de son conseil la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou la mention "salarié" sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par arrêté du 11 septembre 2014, le préfet du Rhône a rejeté cette demande de titre de séjour, a obligé Mme C... à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée ; que Mme C... relève appel du jugement du 7 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant que l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressée sur lesquels le préfet s'est fondé pour rejeter la demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire, notamment en ce qui concerne la demande de carte portant la mention "salarié" ; qu'il satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant des articles 1er et 3 précités de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;
5. Considérant que si Mme C... soutient qu'elle justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige du 1er septembre 2014, elle se borne à produire, pour l'année 2009, deux courriers de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon des 3 août et 9 septembre 2009 et une feuille de soins d'un médecin généraliste datée du 20 novembre 2009 et, pour l'année 2010, une décision du 19 mars 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon faisant apparaître une demande d'aide juridictionnelle de son avocat du 11 février 2010 ainsi qu'une adresse postale de l'intéressée à la boîte postale du Forum réfugiés à Lyon, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône du 30 juillet 2010, une feuille de soins d'un médecin généraliste datée du 3 décembre 2010 et un relevé de l'assurance maladie pour des frais pharmaceutiques engagés le même jour ; que, dans ces conditions, la requérante, qui ne justifie pas ainsi d'une résidence continue en France pour les années 2009 et 2010, n'est pas fondée à soutenir qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ; que, par suite, et alors que le jugement attaqué n'est pas entaché sur ce point d'une contradiction de motifs, le moyen selon lequel la commission du titre de séjour aurait dû être consultée en application du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, Mme C...ne justifie pas, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ; que si elle fait en outre valoir qu'elle a déjà travaillé en France et qu'un couple souhaite l'embaucher pour lui confier la garde de leurs enfants, ces circonstances ne suffisent pas à constituer des motifs exceptionnels au sens et pour l'application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, en rejetant la demande de la requérante, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante au regard de ces dispositions, en estimant qu'elle ne justifiait pas une régularisation à titre exceptionnel ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; que selon l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / (...) / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. (...) " ;
9. Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 7, que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de Mme C... ne justifiait pas une régularisation à titre exceptionnel sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet était fondé à opposer à la requérante l'absence de production d'un visa de long séjour pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", en application des dispositions précitées de l'article L. 311-7 et du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, que le préfet du Rhône aurait pris à l'encontre de Mme C... la même décision de refus de carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", s'il ne s'était fondé que sur l'absence de production par la requérante d'un visa de long séjour, sans lui opposer, à tort, l'absence de production d'un contrat de travail visé ;
11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;
12. Considérant que Mme C..., née le 24 avril 1964 et de nationalité tchadienne, fait valoir qu'elle justifie d'une résidence habituelle en France de près de onze ans à la date de cette décision, d'un emploi et de compétences recherchées, qu'elle parle couramment le français, qu'elle est très bien intégrée en France et très appréciée de M. et Mme A... qui souhaitent l'embaucher pour lui confier la garde de leurs enfants et qu'elle n'a pas revu depuis plus de dix ans le père de ses enfants dont elle est divorcée depuis le 30 septembre 2014 et qui vit au Maroc avec ses enfants dont il a la garde ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'intéressée ne justifie pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix années à la date de la décision en litige ; qu'il est constant qu'elle vit seule et est sans enfant à charge en France, alors que le père de ses enfants vit avec ceux-ci au Maroc et qu'elle a quitté son pays d'origine à l'âge de trente-neuf ans ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de ce refus et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 12 ci-dessus, que Mme C... n'est pas fondée à invoquer, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, l'illégalité de la décision rejetant sa demande de titre de séjour ;
14. Considérant, en second lieu, que pour les motifs déjà exposés au point 12 dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à invoquer , à l'encontre de cette décision, l'illégalité des décisions portant rejet de sa demande de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et versée à son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Me D...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président assesseur ;
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 juin 2016.
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N° 15LY00275