Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 décembre 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de refus de séjour prise à son encontre le 7 août 2014 par le préfet de la Côte-d'Or ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'existait pas de décision individuelle créatrice de droit en date du 3 février 2014 ; cette décision lui a été notifiée et non seulement à son employeur, ainsi que l'a relevé le tribunal ; elle mentionne une demande d'admission exceptionnelle au séjour et non une demande d'autorisation de travail ; cette décision est édictée par le préfet de la Côte-d'Or et ne posait aucune autre condition que la convocation à un examen médical ; il a obtenu un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, a été soumis aux tests de connaissance de la langue française et des principes de la République, à la conclusion d'un contrat d'accueil et d'intégration, à l'obtention du certificat médical moyennant règlement de timbres fiscaux ; la circonstance que la directrice de l'unité régionale de la direction régionale des entreprises n'avait pas délégation pour délivrer ce titre de séjour est sans incidence sur l'existence d'une décision créatrice de droit ;
- le retrait de cette décision est intervenu en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, sans qu'il n'en ait été préalablement informé et sans qu'il ait été mis à même de présenter d'éventuelles observations ; ces dispositions sont en toute hypothèse méconnues alors même qu'il n'y aurait pas retrait d'une décision créatrice de droit, puisqu'il remplissait les conditions permettant de se voir délivrer le titre sollicité ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- la décision créatrice de droit ne pouvait être retirée au-delà du délai de quatre mois à compter de son édiction ; en toute hypothèse, elle ne pouvait être retirée car elle était légale, compte tenu de ses attaches privées et familiales en France, de son intégration, de son isolement au Kosovo et alors que les faits opposés par le préfet ne sont pas avérés et n'ont donné lieu à aucune condamnation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2015, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... le paiement d'une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour n'a pas retiré une décision créatrice de droit, dès lors que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a seulement rendu un avis non obligatoire et que la compétence pour délivrer un titre de séjour demeure du ressort du préfet ;
- le moyen tiré du vice de procédure est de ce fait inopérant ;
- la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par ordonnance du président de la cour en date du 7 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.
1. Considérant que M. A..., ressortissant kosovar, né le 13 décembre 1973, est entré irrégulièrement en France le 9 mai 2008, selon ses déclarations ; qu'il a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile, le 23 décembre 2010 ; que du 19 mars 2012 au 15 mars 2013, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade dont le renouvellement lui a été refusé ; que, le 14 novembre 2013, M. A... a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 27 juin 2014, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination en cas de renvoi et lui a interdit de retourner en France durant deux ans ; que M. A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon qui a suspendu l'exécution de cet arrêté du 27 juin 2014 et enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de l'intéressé, par ordonnance du 25 juillet 2014 ; que, par arrêté du 7 août 2014, et après réexamen de la situation de M. A..., le préfet de la Côte-d'Or a maintenu ses décisions ; que M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Côte-d'Or du 7 août 2014 ;
Sur la légalité de la décision :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé, le 14 novembre 2013, une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la SARL RPPI a déposé pour sa part, le 17 décembre 2013, une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger au bénéfice de M. A... ; que, par lettre adressée le 3 février 2014 à cette société, signée par la directrice de l'unité territoriale, agissant par délégation de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et pour le compte du préfet, il a été indiqué " Vous avez déposé le 17 décembre 2013 une demande d'admission exceptionnelle au séjour pour employer M. A... (...). Après étude de votre dossier, j'ai l'honneur de vous informer de la suite favorable réservée à cette requête. Une carte de séjour temporaire avec mention " salarié " sera délivrée à M. A... par les services de la préfecture, valable pour l'ensemble du territoire de la France métropolitaine. J'attire votre attention sur le fait qu'il sera convoqué pour un examen médical dans un délai de 3 mois par l'Office français de l'immigration et de l'intégration " ; que la préfecture a délivré le 17 février 2014 à M. A... un récépissé de demande de carte de séjour autorisant son titulaire à travailler, valable jusqu'au 16 juin 2014 ; que l'intéressé a subi, le 13 mai 2014, l'examen médical dont il ressortait qu'il remplissait les conditions sanitaires pour être autorisé à résider en France ; que, par un arrêté du 27 juin 2014, le préfet, après avoir visé la demande de titre de séjour du 14 novembre 2013, a rejeté cette demande en considérant que M. A... représentait une menace à l'ordre public ; que, par l'arrêté litigieux du 7 août 2014, le préfet a confirmé ce refus de titre de séjour du 27 juin 2014 ;
3. Considérant que la lettre précitée du 3 février 2014 doit être regardée comme décidant d'accorder une carte de séjour temporaire portant la mention salarié à M. A..., dont la remise matérielle serait effectuée par les services de la préfecture ; que la circonstance que ce courrier n'aurait pas été destiné ou adressé à ce dernier, mais à son employeur est sans incidence sur l'existence même d'une telle décision ; que, de même, le fait que cette décision émanerait d'une autorité incompétente ou qui n'est habilitée en cette matière qu'à rendre des avis, s'il est susceptible d'influer sur la légalité de cet acte, n'est pas de nature à rendre cette décision inexistante ; que, dans ces conditions, la décision du 7 août 2014 doit être regardée comme portant, à nouveau, retrait d'une décision créatrice de droit, accordant un titre de séjour à M. A... ;
4. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;
5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable en l'espèce ne permettait au préfet de retirer ou d'abroger la décision accordant une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " à M. A..., pour des motifs tirés de l'atteinte existant à l'ordre public qui étaient fondés exclusivement sur des faits datant, au plus tard, de février 2013, soit des faits antérieurs à la décision litigieuse, sans que le préfet ne se prévale d'aucune circonstance postérieure de nature à caractériser l'atteinte à l'ordre public ; que ce motif ne permettait pas au préfet, après l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de l'édiction de la décision du 3 février 2014, de retirer ou d'abroger cette décision ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision du 7 août 2014, en tant qu'elle porte refus de titre de séjour valant retrait, a été édictée tardivement ; que, dans ces conditions, le préfet de la Côte d'Or ne pouvait légalement confirmer ses précédentes décisions du 27 juin 2014 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 27 juin 2014, avait, par un arrêt du 23 avril 2015, enjoint au préfet de la Côte d'Or de remettre à M. C...A...un document valant carte de séjour temporaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette injonction n'aurait pas été exécutée ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour au requérant, ni même un réexamen de sa situation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, partie perdante, reçoive une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
9. Considérant, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, aux mêmes fins, par M.A... ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403392 du tribunal administratif de Dijon en date du 16 décembre 2014 et la décision du préfet de la Côte-d'Or en date du 7 août 2014 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
M. Mesmin d'Estienne, président,
Mme Gondouin, premier conseiller,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
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N° 15LY00478