Par un jugement n° 1500178 du 16 janvier 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions, enjoint au préfet de l'Ain de délivrer sans délai à M. B...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2015, le préfet de l'Ain demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 16 janvier 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- M.B..., qui ne provient pas d'Italie et n'est pas résident de longue durée dans ce pays ou titulaire d'une "carte bleue européenne" délivrée par un tel Etat, ne remplit pas les conditions pour être réadmis en Italie en application de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M. B...est entré irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de la date de validité de son titre de séjour italien, dont il n'est pas établi qu'il était en cours de renouvellement ; dans ces conditions, il n'était pas tenu d'examiner sa situation au regard de ces dispositions, ni de prendre une décision de remise de l'intéressé aux autorités italiennes prioritairement à une obligation de quitter le territoire français ;
- le placement en rétention de M. B...est justifié, l'intéressé ne disposant pas de domicile personnel, ayant utilisé une fausse identité lors de son interpellation, se maintenant en France en situation irrégulière et étant dépourvu de documents de voyage en cours de validité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2016, M. A...B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le préfet de l'Ain n'avait pas examiné en priorité sa réadmission en Italie, alors qu'il était tenu de le faire ;
- les moyens qu'il a soulevés en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation des décisions contestées, de ce qu'elles n'ont pas été précédées du recueil de ses observations préalables et de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle, sont fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 16 janvier 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé ses arrêtés du 13 janvier 2015 par lesquels il a, d'une part, obligé M.B..., ressortissant tunisien né le 26 juillet 1987, à quitter le territoire français, refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et fixé un pays de renvoi et ordonné le placement en rétention administrative de l'intéressé, a, d'autre part, enjoint à l'administration de délivrer sans délai à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement et a enfin mis à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...). " ; que l'article L. 511-2 du même code dispose : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : / 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; / 2° Si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, de cette même convention. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. " ; que, selon l'article L. 531-2 du même code dans sa rédaction applicable, les dispositions de l'article L. 531-1 " (...) sont également applicables à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. (...) " ;
3. Considérant que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre ; que, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une "carte bleue européenne" délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., entré irrégulièrement en France en 2013, a, lors de ses premières auditions par les services de police de Prévessin, effectuées alors qu'il se prévalait de la fausse identité de Tarek Tennich, déclaré être titulaire d'un titre de séjour italien valable jusqu'en 2016 et vouloir repartir en Italie ; que, le même jour, les autorités de police italiennes ont, sur demande des autorités françaises, indiqué que le dénommé Tarek Tennich leur était inconnu ; que le relevé de ses empreintes digitales a démontré que l'intéressé se dénommait en réalité Aymen B...et avait fait l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes le 12 octobre 2011, d'une obligation de quitter le territoire français le 7 septembre 2012 et d'une signalisation à Modane le 9 janvier 2013 pour infraction aux conditions d'entrée et de séjour alors qu'il se rendait en Italie ; que l'intéressé, ensuite interrogé sous sa véritable identité, a déclaré que son titre de séjour italien était en cours de renouvellement et qu'il n'avait pu honorer les rendez-vous fixés à cet effet en mai 2014, se trouvant alors en France ; que le centre de coopération policière et douanière de Modane a informé les autorités de police de Prévessin que l'intéressé avait été titulaire d'un titre de séjour italien, arrivé à échéance le 10 octobre 2012, et qu'il était, par ailleurs, inconnu dans tous les fichiers en Italie ;
5. Considérant que, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, il ressort clairement des déclarations de M. B...qu'il a demandé à être renvoyé vers l'Italie ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. B...est entré en France en provenance directe d'Italie, pays qui lui avait délivré un titre de séjour, alors même que ce titre était arrivé à expiration en octobre 2012 et qu'aucune procédure n'était en cours en vue de son renouvellement, contrairement aux affirmations de l'intéressé ; que, dans ces conditions, il appartenait au préfet de l'Ain d'examiner en priorité la possibilité de faire application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a d'ailleurs engagé une procédure de réadmission de M. B... vers l'Italie le 14 janvier 2015, ait procédé à cet examen avant de faire obligation à M. B... de quitter le territoire français par sa décision du 13 janvier 2015 ; qu'il suit de là que le préfet de l'Ain n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses arrêtés du 13 janvier 2015 ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Ain est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président-assesseur ;
- Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N° 15LY00516