Par un jugement n° 1500520-1500521 du 3 février 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 4 mars 2015 et le 20 juillet 2015, sous le n° 15LY00752, le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 février 2015.
Il soutient que :
- le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle ne fait pas obstacle à une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français dont le délai de départ volontaire est expiré ;
- Mme B...n'a pas usé de la possibilité offerte par l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet de demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en même temps que l'assignation à résidence ;
- l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours demeure une perspective raisonnable ;
- l'intéressée s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par la Cour de céans ;
- à titre subsidiaire, elle n'a pas respecté l'obligation de présentation au commissariat d'Annecy ;
- sa décision est exempte d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'absence de recours à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire démontre l'intention de faire échec à une mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2015, Mme C...épouse B..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que :
- la demande d'aide juridictionnelle suspend l'exécution de la décision ; le respect du délai de départ volontaire méconnaîtrait le droit à un recours effectif protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le délai mis par le bureau d'aide juridictionnelle pour statuer n'est pas anormal ;
- la circonstance qu'elle n'a pas exécuté les mesures d'éloignement est sans influence sur l'issue du litige ;
- elle reprend ses moyens de première instance, à savoir :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu dès lors que l'exécution de la mesure d'éloignement ne présente pas une perspective raisonnable ;
- l'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
II) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 4 mars 2015 et le 20 juillet 2015, sous le n° 15LY00753, le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 février 2015.
Il soutient que :
- le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle ne fait pas obstacle à une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français dont le délai de départ volontaire est expiré ;
- M. B...n'a pas usé de la possibilité offerte par l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet de demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en même temps que l'assignation à résidence ;
- l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours demeure une perspective raisonnable ;
- l'intéressé s'est soustrait aux mesures d'éloignement dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif ;
- à titre subsidiaire, il n'a pas respecté l'obligation de présentation au commissariat d'Annecy ;
- sa décision est exempte d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'absence de recours à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire démontre l'intention de faire échec à une mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2015, M.B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- la demande d'aide juridictionnelle suspend l'exécution de la décision ; le respect du délai de départ volontaire méconnaîtrait le droit à un recours effectif protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le délai mis par le bureau d'aide juridictionnelle pour statuer n'est pas anormal ;
- la circonstance qu'il n'a pas exécuté les mesures d'éloignement est sans influence sur l'issue du litige ;
- il reprend ses moyens de première instance, à savoir :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu dès lors que l'exécution de la mesure d'éloignement ne présente pas une perspective raisonnable ;
- l'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 6 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que les requêtes du préfet de l'Isère sont dirigées contre le même jugement, qu'elles concernent la situation de deux époux et présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par le même arrêt ;
2. Considérant que M. et MmeB..., de nationalité kosovare, nés respectivement en 1972 et 1979, sont entrés en France irrégulièrement le 31 août 2009 ; que le préfet de la Haute-Savoie, par décisions du 23 janvier 2015, les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable ; qu'à la demande de M. et MmeB..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement du 3 février 2015 dont le préfet de la Haute-Savoie relève appel, annulé ces décisions ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision (...). / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. : Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. / (...) III. - (une perspective raisonnable) Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. Toutefois, si l'étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l'obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (une perspective raisonnable) Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l'objet en cours d'instance d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2. (une perspective raisonnable) " ; que l'article L. 561-2 du même code dispose : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; et qu'aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. / L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire (une perspective raisonnable), ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. (une perspective raisonnable) " ;
4. Considérant que M. et Mme B...ont fait l'objet, le 5 décembre 2014, d'arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que s'ils font valoir qu'ils ont déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de contester ces décisions et que, de ce fait, le délai de recours contre les obligations de quitter le territoire français n'était pas encore parvenu à expiration à la date des décisions d'assignation à résidence qu'ils contestent, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur l'appréciation qu'il convient de porter sur la question de savoir si l'exécution de ces mesures d'éloignement demeure une perspective raisonnable au sens des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé les mesures d'assignation à résidence prononcées à l'encontre des intéressés par les arrêtés du 23 janvier 2015 en litige, au motif que le délai imparti pour la contestation des obligations de quitter le territoire français n'étant pas expiré et eu égard au délai imparti au tribunal pour se prononcer sur leur légalité, l'exécution de ces obligations ne pouvait être regardée comme demeurant... ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...tant en première instance qu'en appel ;
6. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés du 23 janvier 2015 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a décidé d'assigner M. et Mme B...à résidence visent le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article L. 561-2 ; qu'ils mentionnent que les intéressés ayant fait l'objet, le 5 décembre 2014, d'une obligation de quitter le territoire français, se sont soustraits au délai de départ volontaire de trente jours, qu'ils présentent des garanties de représentation suffisantes et que l'exécution des mesures d'éloignement dont ils font l'objet demeure une perspective raisonnable ; que ces décisions, alors même qu'elles ne mentionnent pas les demandes d'aide juridictionnelle déposées en vue de contester les obligations de quitter le territoire français, ni le fait que celles-ci ne sont pas devenues définitives et qu'elles ne détaillent pas les raisons pour lesquelles les intéressés sont astreints à se présenter quotidiennement au commissariat d'Annecy, sont suffisamment motivées en la forme au regard des exigences imposées par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que M. et MmeB..., auxquels il était loisible de former un recours suspensif contre les obligations de quitter le territoire français dès notification de ces mesures, ne sauraient se prévaloir à cet égard d'aucune méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable ;
8. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1, de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. (...) ." ;
9. Considérant que les décisions en litige font obligation à M. et Mme B...de se présenter quotidiennement, sauf dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Annecy afin de faire constater qu'ils respectent les mesures d'assignation à résidence dont ils font l'objet ; que, si les intéressés contestent ces décisions et l'obligation qui leur est ainsi faite, il est constant qu'ils se sont soustraits à une précédente mesure d'éloignement prise à leur encontre ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que ces mesures n'auraient pas été nécessaires pour s'assurer de leur présence afin de permettre ultérieurement l'exécution d'office des obligations de quitter le territoire français dont ils font l'objet ; que, par suite, pour les motifs exposés précédemment et dès lors que l'obligation qui est faite à M. et Mme B...de se présenter tous les jours au commissariat d'Annecy ne porte pas, en elle-même, en l'absence d'éléments permettant de l'établir, une atteinte disproportionnée à leur situation, les décisions d'assignation à résidence en litige n'apparaissent entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 23 janvier 2015 assignant M. et Mme B...à résidence et que la demande de M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble doit être rejetée ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. et Mme B...demandent pour leur avocat au titre des frais non compris dans les dépens, soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 février 2015 est annulé.
Article 2 : Les conclusions des demandes de M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble auxquelles il a été fait droit par l'article 2 du jugement du 3 février 2015 annulé à l'article 1er ci-dessus et leurs conclusions en appel tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme E...C..., épouseB..., et à M. D...B.une perspective raisonnable
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président-assesseur ;
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N°s 15LY00752, 15LY00753