Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2015, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 27 février 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Mme C... soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnait l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2015.
Par une ordonnance du 9 février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
1. Considérant que Mme C..., née le 6 janvier 1950, de nationalité arménienne, est entrée en France, selon ses déclarations, le 26 mars 2012 ; qu'elle a présenté une demande d'asile, examinée selon la procédure prioritaire, l'Arménie étant un pays d'origine sûre ; que sa demande a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 août 2012, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 29 avril 2013 ; que l'intéressée a fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une décision d'obligation de quitter le territoire français par arrêté du préfet du Rhône du 8 novembre 2012 ; que cette décision a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Lyon 7 mai 2013 ; que Mme C... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions en date du 27 février 2014, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;
3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un avis émis le 29 juillet 2013, le médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine, que la durée prévisible de son traitement est de douze mois et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport confidentiel d'examen médical du 3 juillet 2013 destiné au médecin de l'agence régionale de santé que Mme C...souffre d'une maladie névrotique, comportant une anxiété généralisée, des réactions d'évitement phobiques et des troubles du sommeil ; qu'elle dispose d'un traitement à base de laroxyl, lexomil, paroxetine, tercian et dépamide ;
5. Considérant que, pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet a produit un courriel du médecin conseil de l'ambassade de France en Arménie en date du 10 avril 2012 faisant état de structures permettant la prise en charge hospitalière des malades psychiatriques et que les médicaments nécessaires pour le traitement des maladies psychiatriques sont disponibles ; qu'un document émanant de l'institut de santé des enfants et adolescents d'Erevan en date du 12 avril 2013 précise que les soins pour les affections psychologiques existent en Arménie et qu'il existe un centre des services psychologiques à Erevan ; que, par ailleurs, le préfet a produit la liste, à jour au 31 décembre 2013, des médicaments disponibles en Arménie, laquelle fait apparaître que les traitements de MmeC..., ou des traitements équivalents, sont disponibles en Arménie ; que Mme C...ne démontre pas en quoi les traitements dont le préfet a établi l'existence ne constitueraient pas des traitements appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement un traitement identique à celui dont elle bénéficie en France ; que, par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces du dossier que le lien entre les troubles dont Mme C...souffre et les évènements traumatisants qu'elle aurait vécus en Arménie seraient de nature à rendre impossible un traitement approprié dans ce pays ; que, dès lors, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est arrivée en France à l'âge de soixante-deux ans ; qu'elle fait valoir qu'elle est veuve et que ses trois enfants ont quitté l'Arménie, sa fille aînée ayant obtenu la qualité de réfugié en France en 2008, sa fille cadette résidant en Allemagne et son plus jeune fils, ayant également obtenu, sans que cela ne ressorte pour autant des pièces du dossier pour ce dernier, la qualité de réfugié en 2007 ; que, toutefois, MmeC..., qui a vécu jusqu'à l'âge de 60 ans en Arménie, a vécu séparée de ses enfants pendant plusieurs années, d'abord en Arménie aux côtés de son conjoint, puis en Russie ; qu'eu égard à la brièveté de son séjour en France et alors qu'il n'est pas démontré qu'elle n'aurait plus d'attaches familiales en Arménie, où elle a vécu durant soixante ans, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet du Rhône n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme C...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français (...) est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
10. Considérant que si Mme C...soutient qu'elle sera exposée à des traitements contraires aux dispositions et stipulations précitées en cas de retour en Arménie, en raison des menaces qui pèsent sur sa famille depuis que sa fille, reconnue réfugiée en France en 2008, a, en qualité de journaliste, pris publiquement position sur les membres du gouvernement, ainsi qu'en attestent les violences dont elle et son conjoint ont été victimes, menant au décès de celui-ci en 2010, ainsi que la recherche dont elle a fait l'objet par les autorités arméniennes jusqu'en Russie, toutefois, les pièces qu'elle produit au dossier ne sont pas de nature à établir le bien fondé de ses dires, alors, au demeurant, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 15LY01080
ld