Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 avril 2015 et le 2 septembre 2015, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 janvier 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 3 juillet 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans les mêmes conditions, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Mme A... soutient que :
- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour alors qu'une de ses deux pathologies était de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pouvait bénéficier en République Démocratique du Congo d'un traitement approprié pour sa pathologie cardiaque et sa pathologie psychiatrique ;
- le refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015.
Par une ordonnance du 9 février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
1. Considérant que Mme A..., née le 25 décembre 1980, originaire de République Démocratique du Congo, est entrée irrégulièrement en France le 4 décembre 2010 ; que sa demande tendant à obtenir l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 10 octobre 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 avril 2012 ; qu'elle a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 22 juin 2012, annulé par le tribunal administratif de Grenoble le 26 septembre 2012 ; qu'elle a bénéficié de plusieurs titres de séjour délivrés sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ayant sollicité le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de l'Isère a, par décisions du 3 juillet 2014, rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé un pays de destination ; que Mme A... relève appel du jugement en date du 8 janvier 2015, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 3 juillet 2014 ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;
3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 6 février 2014, sur lequel le préfet de l'Isère s'est fondé pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que ni les certificats médicaux produits en première instance, ni les deux nouveaux certificats médicaux produits en appel par l'intéressée, qui indiquent qu'elle fait l'objet d'un suivi tant sur le plan cardiaque que sur le plan psychiatrique, sans se prononcer sur la gravité des pathologies dont elle est atteinte et sur les conséquences qu'aurait sur son état de santé l'absence de soins, ne permettent de contredire l'appréciation selon laquelle le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, et alors, au surplus, que Mme A...ne démontre pas, en produisant ces certificats et des documents généraux sur la situation sanitaire en République Démocratique du Congo, qu'un traitement approprié n'existerait pas en République Démocratique du Congo, le préfet a pu, sans méconnaitre l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si Mme A...fait valoir qu'elle vit en France depuis quatre ans, où elle a pu trouver un équilibre, être soignée et qu'elle occupe un emploi, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne dispose d'aucune attache familiale en France, alors qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans en République Démocratique du Congo ; que dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de l'Isère n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
7. Considérant que si Mme A...soutient qu'elle sera exposée à des traitements contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en République Démocratique du Congo, les pièces qu'elle produit au dossier, et notamment les convocations de police du 3 novembre 2014 et du 8 décembre 2014 qui n'ont pas de valeur probante suffisante, ne sont pas de nature à établir le bien fondé de ses dires, alors au demeurant, que sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant son pays de destination aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., qui n'a présenté aucun moyen propre dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N° 15LY01216