Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2015, le Préfet de la Savoie, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juillet 2015.
Le Préfet de la Savoie soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français au motif qu'il n'était pas établi au dossier que ce dernier pouvait bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine alors, que par ailleurs, il n'avait pas connaissance au jour de sa décision d'un certificat médical attestant d'un risque de passage à l'acte suicidaire ;
- ses décisions ne méconnaissent pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa décision portant refus de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2015, M. C...B...et Mme D...B..., représentés par MeA..., concluent :
à titre principal :
1°) à la confirmation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 23 juillet 2015 ;
à titre subsidiaire :
2°) à l'annulation des arrêtés du préfet de la Savoie en date du 13 avril 2015 ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de leur délivrer, à titre principal, un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut, d'enjoindre à ce préfet de réexaminer leur situation dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de leur délivrer, dans l'attente des décisions, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
4°) à ce qu'une somme de mille euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de leur conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif de Grenoble a, par un autre jugement du 23 juillet 2015, devenu définitif, annulé les décisions du préfet de la Savoie en date de 13 avril 2015 portant refus de titre de séjour ;
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'obligation de quitter le territoire français opposée à M. B...méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que celle prise à l'encontre de Mme B...est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français opposées à M. et Mme B... doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de séjour qui ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Grenoble devenu définitif ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le pays de leur destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation déjà prononcée des décisions de refus de titre de séjour et de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français que devra prononcer la Cour ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance en date du 11 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2016 à 16H30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeB....
1. Considérant que, par deux arrêtés du 13 avril 2015, le préfet de la Savoie a refusé à M. et MmeB..., ressortissants albanais, nés respectivement le 12 avril 1981 et le 10 janvier 1983, la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de leur destination ; que par deux autres arrêtés du même préfet, en date du 17 juillet 2015, M. et Mme B...ont été assignés à résidence pendant une durée de quarante cinq jours, renouvelable une fois ; que, par un jugement n° 1504503, n° 1504504, n° 1504505 et n° 1504506 du 23 juillet 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, en son article 2, annulé les décisions du préfet de la Savoie en date du 13 avril 2015 faisant obligation à M. et Mme B...de quitter le territoire français et fixant le pays de leur renvoi, en son article 3, renvoyé leurs conclusions dirigées contre les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour qu'il y soit statué en formation collégiale, en son article 4, annulé les décisions du préfet de la Savoie en date du 17 juillet 2015 les assignant à résidence et, en son article 5, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros au conseil de M. et Mme B...sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet de la Savoie relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ;
3. Considérant, qu'ainsi que le soutiennent M. et MmeB..., par jugement n° 1504504 et n° 1504506 du 15 octobre 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a, dans une formation collégiale, annulé les décisions du 13 avril 2015 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. et MmeB... ; que l'annulation de ces décisions entraîne l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. et Mme B...ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions fixant leur pays de destination et des décisions les assignant à résidence ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions faisant obligation à M. et Mme B...de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de leur destination et les assignant à résidence et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros au conseil de M. et Mme B...sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que par son jugement n° 1504504 et n° 1504506 du 15 octobre 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a, suite à l'annulation des décisions du 13 avril 2015 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. et MmeB..., enjoint à ce préfet de délivrer à M. et Mme B...des cartes de séjour temporaires sur le fondement du 11° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement ; que, dès lors, les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de leur délivrer, sous astreinte, un titre de séjour " vie privée et familiale ", présentées dans le cadre de la présente instance, par mémoire, enregistré le 3 décembre 2015, soit postérieurement au jugement du 15 octobre 2015, sont irrecevables ; que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. et Mme B...doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. et Mme B...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Julie Cans, avocate de M. et MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de MeA..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du Préfet de la Savoie est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 (mille) euros à Me Julie Cans, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C...B...et à Mme D...B.... Copie en sera adressée au Préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N° 15LY02850