Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 août 2015, le préfet de la Savoie, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015.
Le préfet de la Savoie soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il résulte des informations obtenues du consulat de France en Albanie que l'offre de soins est très complète dans ce pays et que tous les médicaments y sont disponibles ; elle ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, M. B...A..., représenté par Maître David Huard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit versée à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet de la Savoie n'établit pas par le courrier électronique produit au dossier que sa maladie pourrait être traitée en Albanie, laquelle ne requiert pas un simple suivi par contrôle régulier et fibroscopique mais nécessite un réel traitement ; ce courrier comporte des éléments contradictoires et non pertinents ; son auteur M. D...E...n'est pas un médecin mais a la qualité d'infirmier dans un centre de neurologie ;
- il a invoqué en première instance, à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, son insuffisance de motivation, le défaut de saisine de la commission du titre de séjour, l'existence d'une erreur de fait en ce que cette décision mentionne qu'il se trouve dans la même situation que son épouse alors que l'arrêté pris à l'encontre de celle-ci a été annulé par jugement du tribunal administratif en date du 15 juillet 2014, la violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car la possibilité de soins pour sa maladie n'est pas établie et parce que les possibilités de voyage ne sont pas abordées alors que sa maladie est particulière, l'irrégularité de l'avis rendu par la médecin de l'agence régionale de santé, la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a invoqué, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
1. Considérant que M. B...A..., ressortissant albanais né le 20 avril 1973, est selon ses déclarations, entré en France en 2010 ainsi que son épouse, ressortissante albanaise, et leurs deux enfants nés en 2000 et 2003 ; sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2010 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 juin 2011 ; que par arrêté du 11 août 2011 le préfet de la Savoie lui a refusé un titre de séjour au titre de l'asile ; qu'il a obtenu des autorisations provisoires de séjour d'octobre 2012 au 9 janvier 2014 en qualité d'accompagnant de son épouse malade ; que, par arrêté du 30 janvier 2014 le préfet de la Savoie a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que le 10 octobre 2014 M. A...a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code, soit en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 29 décembre 2014, le préfet de la Savoie a rejeté cette demande de titre de séjour lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que le préfet de la Savoie relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 17 juillet 2015 qui a annulé son arrêté du 29 décembre 2014, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant qu'il ressort de l'avis rendu le 24 octobre 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état doivent en l'état actuel être poursuivis pendant trois mois ; que le préfet de la Savoie qui n'était pas lié par cet avis a estimé que M. A...peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Albanie ; qu'il n'est pas contesté que M. A...souffre d'une grave maladie infectieuse ; que, toutefois, le préfet de la Savoie s'est borné en première instance à produire un courrier de l'ambassade de France en Albanie en date du 26 novembre 2014 dont il ressort de manière très générale que " l'offre de soins en Albanie est complète et équivalente à celle proposée dans les pays d'Europe de l'Ouest " et que " tous les médicaments sont disponibles en Albanie " ; qu'en appel, il produit également un courrier électronique adressé par un tiers le 2 septembre 2015 à l'ambassade de France en Albanie dont il résulte que la maladie de M. A...est une maladie rare, que ce dernier a précédemment été traité en Albanie mais que ce n'était pas pour la maladie dont il est actuellement atteint ; que dans ces conditions, la seule affirmation dans ce courrier selon laquelle " le suivi des patients est simple avec un contrôle régulier clinique et fibroscopique, qui sont tout à fait simples et faisables en Albanie " n'est pas suffisante pour établir que M. A...pourrait bénéficier du traitement adapté à son état de santé alors qu'aucune indication n'est donnée sur la disponibilité des médicaments nécessaires au traitement dont il a un besoin vital ; que, par suite, le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que sa décision portant refus de titre de séjour n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 29 décembre 2014, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me David Huard, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de MeC..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du Préfet de la Savoie est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 (mille) euros à Me David Huard, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera adressée au Préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N° 15LY02948